…concilier l’égoïsme avec l’altruisme…
Des concepts apparemment opposés, impossibles à juxtaposer harmonieusement et à exploiter simultanément ! Cependant, la réconciliation naturelle et intuitive entre ces deux opposés fait partie de l’essence même de la franc-maçonnerie.

Le maçon doit poursuivre l’égoïsme de s’améliorer comme objectif principal. N’améliorez pas les autres, la Société, la Loge ou vos Frères. S’améliorer : tel est le véritable et essentiel objectif du Franc-Maçon. Dans ce processus, le maçon découvre qu’un outil inestimable est son interaction avec ses Frères, avec eux et à travers eux, apprenant, intuitant, sentant, essayant, reconnaissant et suivant le chemin de son perfectionnement personnel, ici large et agréable, là rugueux et rocailleux, là-bas étroitement délimité, plus loin à peine reconnaissable dans ses frontières. Et, égoïstement mais indispensablement, il profite de tout ce qu’il peut – de tout ce qu’il devrait ! – de ce que vos Frères, votre Loge, votre Obédience, vous apportent et qui s’avère utile à l’amélioration recherchée : une idée ici, une pensée là, une leçon de ceci, un conseil de cela, de préférence l’exemple de beaucoup, sinon de tous. Tout, depuis l’artefact le plus brillant jusqu’au simple reste d’une ombre d’un léger savoir, doit être jalousement gardé, diligemment utilisé, opportunément utilisé dans la construction à laquelle chacun doit sans cesse se consacrer : la construction de lui-même, de son caractère, de l’esprit libre et pur capable d’évoluer, de planer, d’avancer vers des limites inconnues même au-delà de l’Illimité. Et ainsi chaque jour va un peu plus loin, c’est un peu mieux, c’est, après tout, un maçon !
Mais le maçon apprend vite que, de même que ses Frères sont un outil précieux pour son perfectionnement, lui-même est, à son tour, un outil non négligeable pour la demande formulée par chacun de ses Frères. Il pressent bientôt que, lorsqu’il enlève, il enlève aussi, et c’est en enlevant et en améliorant qu’il enlève de plus en plus, de sorte que d’autres enlèvent aussi, et à leur tour améliorent, et complètent, et lui permettent d’enlever encore quelque chose de plus, dans un cercle vertueux sans fin et fructueux.
Aucun franc-maçon n’est un franc-maçon seul. On n’est pleinement maçon que lorsqu’on est confronté à ses frères, donnant et recevant et chacun en profitant. Le tout est, de plus en plus, toujours plus grand que la somme de ses parties. Cette coopération innée, dans laquelle chacun contribue volontairement à l’Autre, est une condition indispensable pour que chacun puisse retirer son salaire du Coffre du Magasin – et en retirer un salaire toujours plus grand et meilleur.
Le maçon est donc altruiste pour poursuivre son objectif égoïste d’amélioration et met le résultat de chaque moment obtenu égoïstement à la disposition altruiste des autres.
…vivre pleinement sa vie et ne pas craindre la mort…
Dans la quête du Graal de chaque maçon, chacun se rend vite compte qu’il s’agit de bien plus qu’une simple accumulation d’os, de sang, de chair et de viscères, de matière frémissante et animée, qui un jour s’usera et deviendra inanimée. Il s’interroge bientôt sur l’origine et la raison de l’existence de la Vie et de l’Univers. Et cherche son sens. Et il trouve ses réponses, ayant présent et reconnaissant la notion du Grand Architecte de l’Univers – de SON Grand Architecte de l’Univers, que ce soit ce qu’il reconnaît de la religion qu’il pratique, ou ce qu’il entrevoit à travers sa propre Raison, dans une théologie personnelle, aussi valable que toute religion établie. Et ainsi il réalise sa place dans la Vie et dans l’Univers – et atteint la Paix. Paix avec lui-même, Paix avec le sens de la Vie, Paix avec l’évolution perpétuelle.
Chaque franc-maçon apprend – tôt ou tard, espérons-le ! – que la vie physique, matérielle, n’est qu’une partie de la Vie avec un grand V. Que la coquille qu’est notre corps, avec ses douleurs, sa fatigue, ses maladies, son vieillissement et sa fin inexorable, n’est que cela, le vaisseau qui transporte, contient et protège le contenu vraiment précieux que chacun de nous A vraiment (que dis-je ? EST !), si souvent sans le savoir, sans même l’intuitionner. Contenu que certains appellent âme, d’autres esprit, d’autres autre chose, et que j’aime désigner comme l’Étincelle Divine qui existe en chacun de nous, qui est la raison d’être de chacun de nous et qui survit au-delà de la matérialité de chacun de nous.
En comprenant cela, le maçon comprend que la vie physique fait partie du concept plus large de la Vie (avec un grand V), comme un facteur indispensable à l’évolution de cette Vie, c’est pourquoi elle existe, car si elle n’existait pas, elle n’aurait aucune raison d’exister – qu’on soit créationniste ou évolutionniste, il est agréablement neutre et commun de concevoir que ce qui n’a aucune raison d’exister, aucun rôle à jouer… n’existe pas ou si, par erreur ou par hasard, cela a existé, cela s’éteint… Mais, puisque la vie physique n’est qu’une partie de la Vie (avec un grand V), ce n’est qu’un épisode, certes important, mais juste un épisode. Et, en comprenant cela, vous pourrez vivre pleinement et en paix cet épisode, ce que nous appelons notre vie, le temps qui nous est accordé entre la naissance et la mort.
Et, en comprenant cela de cette manière, vous êtes en mesure de ne pas craindre la mort physique, que vous pouvez comprendre comme une autre Initiation, un Passage, une Élévation vers une nouvelle étape de la Vie (avec un grand V).
Une œuvre du genre connu sous le nom de science-fiction, dont j’ai depuis longtemps oublié le titre et dont j’ai aussi depuis longtemps oublié l’auteur, postulait qu’il existait un terrible secret dans la vie de l’humanité. Un secret que, un jour, quelqu’un a découvert et c’est que, après tout, toute l’Humanité a vu le film à l’envers : ce que nous avons par naissance est, après tout, la mort, la dégradation au plan physique de quelque chose de plus pur et de plus parfait, et que ce qui était considéré comme la mort est alors la véritable naissance à l’étape suivante de l’évolution de notre Essence. Cette œuvre oubliée d’un auteur oublié n’est peut-être qu’une simple caricature imaginative. Mais ne voit-on pas que dans chaque caricature il y a, peut-être de manière déformée, une trace de réalité ?
En comprenant qu’il vaut bien plus que sa coquille matérielle, le franc-maçon apprend à vivre pleinement sa vie et à ne pas craindre la mort.
…vivez l’Initiation chaque jour de votre vie…
Le maçon, lorsqu’il est initié, reçoit des leçons, des notions, des principes et finalement des outils que – beaucoup d’entre eux – il ne comprenait pas pleinement à l’époque. Certains d’entre eux, vous ne les avez peut-être même pas remarqués à l’époque. Ce n’est que plus tard, en revivant l’Initiation, en participant à l’Initiation des autres, que petit à petit tout commence à être compris et à s’imbriquer. Et, en faisant cela, si vous réfléchissez bien, vous verrez que ce que vous avez vécu, ce que vous avez entendu, ce que vous avez ressenti, les leçons que vous avez reçues à cette occasion sont un scénario de vie que vous devez toujours garder à l’esprit.
Si le maçon se comporte toujours conformément à ce qu’il a symboliquement vécu lors de son Initiation, à ce qu’il a entendu, aux enseignements qu’il y a reçus, il sera effectivement un Homme Libre de Bonnes Mœurs. Si vous vivez en accord avec la leçon de votre Initiation, vous vivrez bien, vous serez utile à vous-même, aux autres et à la société. Il n’y a rien d’autre à faire. Rien de plus ne vous est demandé.
En fin de compte, l’une des choses agréables à propos de la franc-maçonnerie est sa simplicité désarmante : aucune grande invention n’est nécessaire, aucun principe éthérique n’est nécessaire. Pour être Digne, Juste et, autant qu’il est humainement possible, Parfait, pour allier la Sagesse à la Force et à la Beauté, pour vivre dans la Liberté et la Fraternité selon les principes de l’Égalité, il suffit de procéder selon ce que vous avez appris dans l’Initiation. Et quand le moment viendra, vous pourrez déposer vos outils en toute tranquillité et avec le sentiment du devoir accompli.
…connaître et pratiquer les signes, les mots et les touchers…
Il n’est pas nécessaire d’inventer ! C’est dans un texte que l’Apprenti doit connaître et il ne faut pas cacher ce qui est bon :
On reconnaît un maçon à sa manière d’agir, toujours correcte et franche (signes) ; pour votre langage loyal et sincère (vos paroles) ; enfin, pour la sollicitude fraternelle qu’il manifeste envers tous ceux à qui il est lié par les liens de la solidarité (touches).
C’est si simple d’être franc-maçon après tout !
… Être, simplement et véritablement Être – et non Paraître !
Le Franc-Maçon, bénéficiant de l’absorption, dans sa personnalité, dans son caractère, dans sa pratique de vie, des principes qu’il recueille dans la Loge et dans la Fraternité – après tout, plus simplement, se perfectionnant – n’a plus qu’à Être. Être comme il est. Soyez ce que vous devenez. Ce faisant, cela vaut la peine d’être franc-maçon, le salaire est gagné, l’objectif est atteint.
Au final comme au début, la notion clé est celle de l’amélioration individuelle. Cela s’obtient par le travail, l’effort, le dévouement. C’est pratiqué. Que tu n’arrives pas à comprendre !
Il est inutile de chercher à « ressembler » à un franc-maçon. Tôt ou tard – plutôt tôt que tard ! – ceux qui sont réellement francs-maçons reconnaissent que quiconque veut « paraître » sans « l’être » n’est pas réellement franc-maçon. Tout au plus pourrait-il s’agir d’un laïc ayant subi une initiation mais n’ayant pas été véritablement initié. Et il peut continuer à essayer de « regarder » comme il le souhaite. Aucun vrai franc-maçon ne s’embêtera avec ça. Mais aucun vrai franc-maçon ne le reconnaîtra comme tel jusqu’à ce qu’il arrête d’essayer de paraître et commence à essayer d’être.
Dans le blog « De la pierre » – Texte de Rui Bandeira (09.10.2008)