Plus il y a d’initiés moins il y a de secrets !
Qu’en pensez-vous ?
Les initiés disent que…. Le nombre des vrais poëtes et des vrais connaisseurs sera toujours extrêmement petit ; mais il faut qu’il le soit ; c’est le petit nombre des élus ; moins il y a d’initiés, plus les mystères sont sacrés. [Voltaire, Correspondance]
Le Secret est UN !
Mais les petits secrets étant dans le cœur des initiés : plus il y a d’initiés, plus il y a de secrets 😉
Mystères et connaissances ne vont pas toujours de pair.
On peut dire que les connaissances, sur quelque sujet qu’elles portent, n’ont d’intérêt à exister que si elles peuvent être partagées avec plus grand nombre.
En sciences fondamentales notamment, lors d’une découverte, c’est parfois seulement une poignée d’individus qui est en mesure de juger la valeur de cette découverte. Ensuite, grâce à cette confirmation, la « bonne nouvelle » se répand (si l’on peut dire):
« Untel a mis ceci en lumière » … « oui intéressant, je vais le tester dans mon laboratoire » … « je l’ai testé moi-aussi, et c’est vrai »…
La connaissance liée à cette nouvelle découverte est-elle jamais considérée comme sacrée? Les premiers à la posséder (le découvreurs et les premiers pairs informés) se considèrent-ils comme des élus? Transposons ce que dit Voltaire à la science : serait-ce dire que le peuple aimerait et respecterait la science d’autant plus que les savants sont moins nombreux, car son mystère serait d’autant plus sacré?
S’il n’y avait qu’une seule science, pour toute la planète, certainement que ces savants pourraient se sentir « élus ». Mais il existe environ 8000 sous-disciplines en sciences naturelles; il existe aussi des sciences de l’ingénieur ; l’innovation technique se produit dans chaque domaine de l’économie. Donc des gens qui possèdent une connaissance que très peu d’autres possèdent, sont en fait monnaie courante. Il suffit, pour être un « initié », d’inventer soi-même dans son jardin une quelconque technique. Tout le monde peut alors se proclamer grand maître du jardin des poireaux qui poussent dans un compost de copeaux de bois… Vous avez été initié à l’art de faire pousser des poireaux dans du compost de bois ? Félicitations, trinquons ensemble avec un verre d’eau. Vous avez été initié à la physique des particules à boson de Higgs ? Trinquons ensemble avec ce même verre d’eau. Oui vous êtes un cas unique, comme tout le monde. Et juste une question : ça sert à quoi, ce que vous faites ?
Cela mène à considérer la spécialisation dans notre société. Tant de spécialités, au point qu’on peut perdre la vue d’ensemble, qu’on peut en venir à négliger la necéssaire pluri-disciplinarité de la vie en société. Internet en est la preuve : ce grand tout où se côtoient le pire déchet et le meilleur aliment. C’en est étourdissant : que de maîtres à penser, partout, dans chaque domaine … Je veux en venir à ceci : que l’art, l’art universel, est peut-être celui qui consiste à aimer réunir tous ces points de vue, tout ce qui est épars. Le symbole de la pyramide est celui qu’on pourrait associer à cet art (la vision holiste). Pour ma part, je trouve le symbole de l’entonnoir tout autant valide et complémentaire (non plus seulement voir toute la diversité, mais la faire converger en un seul point, c’est-à-dire en soi-même).
Aussi, cela nous amène à questionner le contexte de l’initiation. Qu’est-ce que l’initiation, si les valeurs qu’elle est censée incarner ne sont connues que d’une minorité ? Et un initié peut-il se réjouir, si tout le monde ignore qu’il l’est ?
Cette toute petite réflexion n’épuise en aucun cas les possibles questionnements sur les rapports entre mystères et connaissances, et les bénéfices qu’on peut tirer de placer le mystère soit avant les connaissances, soit après les connaissances.