Cet article s’appuie sur le texte de Philippe Ilial, « La franc-maçonnerie est-elle une religion malgré elle ? », publié sur The Conversation le 7 septembre 2025
DOI : https://doi.org/10.64628/AAK.yhh77vkdr
Aucune modification de fond n’a été apportée, seule la présentation a été adaptée pour sa diffusion.
LA FRANC-MAÇONNERIE EST-ELLE UNE RELIGION MALGRÉ ELLE ?
La question revient inlassablement : la franc-maçonnerie est-elle une religion ?
Certains l’affirment : « La franc-maçonnerie est une religion pour ceux qui n’en ont pas. »
D’autres la contestent fermement, rappelant qu’elle ne possède ni dogme, ni clergé, ni salut, ni révélation.
Alors pourquoi la confusion persiste-t-elle ?
L’analyse de l’historien et chercheur Philippe Ilial (Université Côte d’Azur) éclaire ce paradoxe en montrant que la maçonnerie partage des formes rituelles proches du religieux, sans pour autant être une religion.
AUX ORIGINES : UNE SPIRITUALITÉ CHRÉTIENNE MINIMALISTE
Les Constitutions d’Anderson (1723) s’inscrivent dans le latitudinarisme anglais : un courant cherchant à rassembler les chrétiens au-delà des divisions confessionnelles.
La maçonnerie naît ainsi comme :
- chrétienne, mais
- non confessionnelle, et
- non dogmatique.
Elle n’invente pas une religion universelle, elle crée un espace commun au cœur de l’Europe chrétienne.
UN HÉBRAÏSME SYMBOLIQUE, RÉINTERPRÉTÉ
La symbolique maçonnique emprunte effectivement à l’Ancien Testament :
Temple de Salomon, colonnes Jakin et Boaz, Delta lumineux…
Mais cet « hébraïsme » est revisité à travers une vision chrétienne :
il ne constitue pas une filiation juive directe.
Là où la tradition juive voit une finalité, la maçonnerie des origines y voit une préfiguration du Nouveau Testament.

POURQUOI LA CONFUSION AVEC LE RELIGIEUX ?
Trois éléments créent l’illusion d’une religion :
| Élément | Rôle |
|---|---|
| Le Temple maçonnique | Il crée un espace symbolique sacralisé |
| Les rites (marches, batteries, signes…) | Ils structurent une transformation intérieure |
| Un texte sacralisé (souvent la Bible) | Support du serment, non objet de culte |
La loge devient alors un lieu de sacralité, mais pas de culte.
Comme le résume Ilial :
« La loge n’est pas un sanctuaire, mais un laboratoire du sacré. »
LE RITUEL : UNE TRANSFORMATION SYMBOLIQUE
Le rituel d’initiation conduit le profane :
- du chaos (bandeau),
- à la lumière (révélation symbolique),
- par une mise en scène codifiée.
Cette dynamique relève de ce que Mircea Eliade appelle un invariant anthropologique :
toutes les sociétés utilisent le rite pour ordonner le monde.
UNE SPIRITUALITÉ SANS DOGME
La distinction fondamentale est là :
| Religion | Franc-maçonnerie |
|---|---|
| Énonce une vérité révélée | Propose des symboles à interpréter |
| Implique un dogme | Accueille la pluralité des convictions |
| Promet un salut | Invite à se transformer soi-même |
| Demande l’adhésion | Propose un chemin |
La franc-maçonnerie n’impose pas de croire :
elle offre les conditions d’une recherche intérieure.
UN ENTRE-DEUX UNIQUE
La franc-maçonnerie brouille les frontières :
- Elle n’est pas une religion, car elle ne dogmatise pas.
- Elle n’est pas qu’une philosophie, car elle se vit dans le corps, le rite et l’espace.
- Elle est une voie initiatique, une expérience du sacré libre, un travail intérieur.
Ou, comme le résume Ilial :
« La franc-maçonnerie est une spiritualité sans théologie, une communauté sans Église et un sacré sans dogme. »





voir aussi sur le site La philosophie pourquoi faire, le texte sur cette question : http://jeammarcdamien.unblog.fr/la-philosophie-pourquoi-faire/la-franc-maconnerie-est-elle-une-religion/