Les sirènes du souffle à l’écume
Dans son n°3, la revue Chemins de traverse aborde les Mythes, contes et légendes. Laure Scheffel retrace l’évolution symbolique des sirènes, créatures mythiques dont l’image s’est profondément transformée au fil des siècles.
- Des créatures du vent à celles de la mer
À l’origine, les sirènes n’étaient pas aquatiques : elles étaient ailées, liées au souffle et à la connaissance, cousines des anges et symboles du pneuma, le souffle vital et spirituel. Leur chant était une quête de savoir, non une tentation charnelle.
- La moralisation chrétienne
Au Moyen Âge, l’Église a moralement réécrit ce mythe. Les sirènes, jugées trop libres et féminines, furent condamnées : leurs ailes arrachées devinrent queues de poisson. Exilées des cieux, elles sombrèrent dans les eaux comme figures de séduction et de péché.
Cette transformation reflète la peur masculine du féminin insoumis : les sirènes, autrefois symboles de liberté et de savoir, deviennent des allégories du danger et de la tentation.
- De la lumière à la profondeur
Leur passage de l’air à l’eau incarne une mutation symbolique : l’air élève, l’eau recueille. Ce basculement exprime une descente vers l’inconscient, une transmutation alchimique de la connaissance.
Certaines traditions encore plus anciennes les relient aux femmes-serpents, gardiennes de seuils et détentrices de savoirs chtoniennes.
- Le chant, mémoire du sacré
Leur voix, longtemps perçue comme dangereuse, renvoie en réalité à la puissance créatrice du verbe : le chant comme souffle sacré, capable de façonner le réel.
Le mythe des sirènes célèbre ainsi le pouvoir du son et de la parole, forces magiques à l’origine du monde — un savoir que les hommes ont fini par craindre et bannir.
CHEMINS DE TRAVERSE N°3 : MYTHES, CONTES ET LÉGENDES
- En somme
Les sirènes ne sont pas de simples tentatrices marines : elles sont les vestiges d’un ancien savoir féminin, libre et spirituel, que la moralisation des mythes a voulu faire taire.
Leur chant, perdu dans l’écume, continue pourtant de murmurer une invitation à la connaissance et à la liberté intérieure.
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La revue, dans ce numéro consacré aux mythes, contes et légendes, comme une arche de mémoire et d’imaginaire, une loge ouverte où se rencontrent érudition, spiritualité et quête initiatique. L’éditorial rappelle que le mythe est la première langue de l’humanité, une architecture de récits qui fonde et relie. Annick Drogou distingue avec finesse mythe, fable, conte et légende, posant le seuil d’une lecture symbolique. Thomas Römer révèle la Bible comme une bibliothèque plurielle, enracinée dans les mythes mésopotamiens et toujours vivante pour inspirer nos responsabilités spirituelles. Michel Meley éclaire le Convent de Lausanne, moment fondateur et inachevé du Rite Écossais Ancien et Accepté, appelant à dépasser les exclusions pour bâtir une maçonnerie fidèle à son esprit universel. Pierre Pelle Le Croisa montre combien les figures mythiques, antiques ou chevaleresques, sont des miroirs de l’âme initiatique, tandis que Jacques Samouelian médite sur le mariage fécond du muthos et du logos. Nadine Wanono, enfin, nous transporte vers les cosmogonies dogons, où l’homme, la nature et le cosmos s’entrelacent. Autour d’eux, les sirènes, les contes soufis, Wagner ou l’ésotérisme des contes de fées rappellent que l’imaginaire reste un outil d’éveil. Véritable cathédrale de papier, ce numéro enseigne que les mythes ne sont pas derrière nous mais en nous, pierres vivantes de l’édifice intérieur, flammes à transmettre pour que la chaîne d’or de la mémoire continue de vibrer dans le temple invisible de l’humanité.
Yonnel Ghernaouti, YG