À Lenggeng, dans l’État de Negeri Sembilan en Malaisie, un monument en pierre considéré localement comme lié à la franc-maçonnerie a été détruit dans la soirée du 24 octobre 2025. À l’origine, plusieurs médias et réseaux sociaux avaient évoqué un acte d’hostilité ou un geste anonyme. Il est apparu par la suite que la démolition avait été ordonnée directement par le propriétaire du terrain. L’élu local, Datuk Mohd Asna Amin, a confirmé que la décision avait été prise pour apaiser les tensions croissantes dans le voisinage.
- Cet article s’appuie sur une information publiée le 25 octobre 2025 par The Rakyat Post :
https://www.therakyatpost.com/news/malaysia/2025/10/25/freemason-monument-in-negeri-sembilan-destroyed-by-landowner/

Le monument se trouvait à proximité d’une zone résidentielle et avait été signalé quelques jours plus tôt par des habitants, inquiets de sa présence et de ce qu’ils pensaient représenter. L’affaire avait rapidement pris de l’ampleur, entre suppositions, rumeurs et incompréhensions, certains y voyant une marque de la franc-maçonnerie ou d’une influence supposément secrète. Le conseil municipal de Seremban avait alors émis un avis de démolition en vertu de la loi malaisienne sur les collectivités locales. Lorsque la police s’est rendue sur place pour procéder aux constatations, la structure était déjà entièrement détruite.
L’épisode témoigne de la sensibilité particulière que peut susciter la franc-maçonnerie dans le contexte malaisien. Celle-ci reste entourée de méfiance dans certaines parties de la société, où circulent encore de nombreuses idées fausses, notamment des amalgames avec des organisations conspiratives. Cette perception est renforcée par le fait que la franc-maçonnerie, introduite dans la région dès la fin du XVIIIᵉ siècle avec la présence britannique, occupe une place historique ancienne mais désormais juridiquement discutée. En 2020, une déclaration administrative a semé le doute sur le statut légal des loges, alimentant de nouvelles spéculations.

La destruction du monument ne révèle donc pas un conflit direct avec la franc-maçonnerie, mais plutôt le climat d’interprétation anxieuse qui peut entourer certains symboles dans des espaces culturels où l’initiation et le rite sont mal connus. Un symbole non compris devient facilement le support de projections collectives. Là où le sens n’est pas transmis, l’imaginaire comble le vide. Cette situation rappelle l’importance de l’explication, du dialogue, et d’une parole claire autour de ce que sont réellement les pratiques maçonniques : non des sociétés occultes, mais des ordres initiatiques qui travaillent sur le symbole, la construction de soi, et la fraternité.
Cet épisode met en lumière un phénomène récurrent : la peur du symbole lorsque celui-ci n’est plus accompagné de parole. Un symbole isolé, retiré de son contexte initiatique, peut devenir inquiétant parce qu’il ne s’explique plus de lui-même. La franc-maçonnerie, depuis ses origines opératives, a toujours transmis ses signes dans un cadre rituel, c’est-à-dire à l’intérieur d’un espace où le sens se dévoile progressivement, de l’intérieur vers l’intérieur. Lorsqu’un symbole maçonnique apparaît à l’extérieur de ce cadre, à l’état brut, il peut être interprété à partir de projections, de fantasmes ou d’imaginaires sociaux marqués par des décennies de rumeurs et de récits conspirationnistes. La peur ne naît pas du symbole, mais du vide de sens autour du symbole. Face à cela, la réponse n’est ni le repli, ni la justification lourde, mais la présence claire d’une parole maçonnique qui explique sans convaincre, qui éclaire sans convertir, qui témoigne sans s’imposer. Le travail maçonnique n’est pas d’imposer le sens, mais de le rendre accessible à ceux qui veulent comprendre. Le symbole n’est jamais une menace en soi : il le devient lorsque personne n’en porte la lumière.




