L’art des motifs islamiques : en quoi consiste la géométrie sacrée dans l’Islam ? Quelles sont les bases de cet art spirituel ?
L’art et l’architecture islamiques se fixent pour objectif de rapprocher l’observateur d’Allah. En effet, l’Islam associe la beauté au divin : selon un hadith, « Allah est le plus beau et il aime la beauté ».
L’art islamique se compose principalement d’arabesques végétales, d’entrelacs, de rosaces et plus généralement de motifs géométriques. Les représentations humaines étant interdites dans l’Islam, il s’agit principalement d’un art abstrait qui exprime la transcendance de Dieu, mais aussi son caractère illimité, les motifs pouvant se reproduire à l’infini.
L’art des motifs islamiques se développe durant l’âge d’or de l’Islam (milieu du VIIIe siècle jusqu’au milieu du XIIIe siècle). Il est présent dans nombre de demeures seigneuriales, de bibliothèques, de mosquées ou de médersas (écoles coraniques) : frises, mosaïques, stuc, objets, décor des murs, voûtes et dômes.
Ces motifs sont censés permettre à l’observateur d’accéder à des réalités sous-jacentes, de nature spirituelle : ils forment un pont entre le visible et l’invisible.
Les motifs géométriques expriment encore un idéal au sens platonicien : ils donnent accès au monde des idées pures, non souillées par les passions humaines. Ils sont une invitation à la contemplation, à la compréhension, et donc à la transformation de soi.
Sachez que la géométrie ouvre l’esprit et lui donne le goût de la rigueur. Nos maîtres comparaient l’effet de la géométrie sur l’intelligence à l’action du savon sur les vêtements : elle en enlève les souillures et en nettoie les taches.
Ibn Khaldoun, Les Prolégomènes (Al Muqaddima)
Voici donc quelques considérations sur l’art des motifs islamiques.
L’art des motifs islamiques : principe
L’art des motifs islamiques se pratique avec seulement deux instruments : le compas et la règle, ce qui tranche avec la complexité des formes obtenues.
L’élaboration des motifs se fait :
- sur la base de cercles et de formes inscrites dans ces cercles,
- sur la constitution de « grilles » constituant la base des motifs finaux,
- sur la répétition des motifs à l’infini.
Une grille comporte plusieurs niveaux ou « dimensions ». A titre d’exemple, la grille ci-dessous est fondée successivement sur un ensemble de cercles, sur un ensemble de lignes basées sur les points d’intersection de ces cercles, et enfin sur des figures basées sur ces lignes.
Voici un autre exemple de grille :
Voici un exemple plus complexe :
Les grilles les plus courantes se fondent sur la division d’un cercle primaire en 4, 5 ou 6 quartiers, ce qui permet de créer une infinité de motifs sur la base du quadruple, du quintuple ou du sextuple.
Les motifs islamiques : interprétation
Les motifs de l’art islamique traduisent l’union de l’être humain avec son Créateur : l’homme rend hommage à Dieu pour ce qui lui est donné de voir et de comprendre.
1) Le cercle
Le cercle est la forme de base qui constitue le support de la plupart des motifs islamiques. Le cercle est le symbole de la perfection, de l’unité et de la Source. Dénué d’angles, il évoque l’illimité, l’infini et l’absolu, autrement dit l’essence-même d’Allah, dont la compréhension ouvre le chemin de la spiritualité.
Du cercle et de son centre émergent toute la diversité de la Création : la division régulière du cercle est le point de départ des motifs ornementaux. Autrement dit, l’Esprit divin illimité génère des motifs eux-aussi illimités.
L’oeuvre terminée, les cercles ne sont plus visibles. Pourtant, ils restent omniprésents dans les grilles de conception : Dieu est partout, bien que caché.
Ainsi, le cercle garantit l’unité, l’harmonie et l’équilibre de l’ensemble : il ramène la multiplicité à l’unité.
2) Les points, les lignes, les polygones et les étoiles
L’association des cercles fait naître une multiplicité de points qui peuvent alors être reliés pour former des lignes, et de là, des polygones (triangle, carré, pentagone, hexagone, octogone) ou des étoiles (étoile à trois ou quatre branches, pentagramme, hexagramme, heptagramme, octogramme…).
La créativité de l’artiste peut alors s’exprimer. Mais cette créativité est en réalité celle de Dieu qui, agissant à travers la main de l’Homme, révèle toute sa puissance et sa beauté.
Les formes et les couleurs des motifs expriment l’harmonie issue de la différence, de la nuance, de la complémentarité, de la correspondance, de l’interdépendance, de l’imbrication, de l’alternance ou encore de la symétrie.
La beauté s’étire ainsi à l’infini et s’exprime à travers différentes échelles, tout en créant une impression de vie et de mouvement. Les motifs hypnotiques et kaléidoscopiques transportent l’observateur en dehors de lui-même et le conduisent à l’émerveillement, voire à l’extase, tout en lui suggérant l’omniprésence de la « Source » unique.
Conclusion
Géométrie, abstraction et répétition caractérisent l’art des motifs islamiques, un art qui ne peut que conduire à la fascination des croyants pour la Création et son Créateur.
Les motifs géométriques expriment un déploiement harmonieux autant que le pouvoir d’attraction de Dieu. Voilà donc les deux aspects du langage de l’univers, entre ouverture et retour au centre, entre dualité et unité.
Ce voyage au coeur de la beauté permet ainsi d’approcher la Loi universelle, expression d’un ordre sans fin, et invitation à traduire cet ordre en un « ordre intérieur ».
