Avant même de commencer cette pièce d’architecture, à la lumière – ou à l’ombre – de ce que j’appelle le syndrome de la Vanité Inversée, on pourrait d’emblée qualifier cette tentative de simple… vanité.
Évoluer ? Progresser dans la vie profane ? Gravir les échelons de la vie maçonnique ? À quoi bon ? Pourquoi aspirer à quelque chose, surtout dans le domaine maçonnique ?
Ce questionnement peut sembler absurde, voire incohérent. Pourtant, il prend tout son sens à l’aune de ce syndrome qui susurre à tout propos : « — C’est de la vanité ! »
Mais au fond, qu’est-ce que la vanité ?

Définitions anciennes et modernes de la vanité
La vanité est présente dans toutes les cultures humaines. Elle est étudiée depuis des siècles, que ce soit à travers les mythes, comme celui de Narcisse, ou à travers les péchés capitaux dans la tradition catholique. Elle est souvent comprise comme une image exagérée de soi-même, une démonstration de pouvoir, de beauté, voire d’arrogance.
Le dictionnaire Priberam la définit ainsi :
Qualité de ce qui est vain, inutile, sans substance ni durée. Fatuité, ostentation. Sentiment d’excessive valorisation de soi-même. = Gloriole.
Dans l’Ancien Testament hébraïque, la vanité se traduit principalement par deux termes : hebel (71 occurrences) et shaw’ (52 occurrences). Hebel signifie « souffle », « vide », « absence de sens ». Shaw’, lui, désigne ce qui est vain, creux, sans consistance.
Dans le Nouveau Testament grec, le mot mataios signifie « vide », « futile », « inutile ». Il n’est pas associé à une interdiction des bijoux ou des ornements, mais plutôt à ce qui est sans valeur.
Quand le progrès devient suspect
Combien de fois avons-nous entendu, lorsqu’un Frère narre avec enthousiasme un acte accompli avec Foi, Espérance et Charité — qu’il ait écrit une planche, atteint un degré, ou simplement accompli un travail régulier —, cette réplique sèche et condescendante :
« — C’est de la vanité ! »
Ce refrain résonne souvent dans nos loges. Il surgit dès que l’on aspire à s’élever vers le sommet symbolique du Mont Hermon.
Cette confusion vient d’un profond malentendu : on confond la vanité stérile avec la noble ambition maçonnique, celle de progresser en soi et avec les autres. J’appelle cela la Vanité Inversée.
Elle naît de l’ignorance ou du rejet des vertus que sont l’humilité, la connaissance, la lumière, la prospérité honnête, l’aspiration spirituelle. Elle oppose la vraie humilité à une inertie intellectuelle, confondant élévation avec prétention.
L’humilité maçonnique véritable
L’humilité, en maçonnerie, c’est reconnaître ses fautes et ses limites, c’est travailler sa pierre brute, servir les autres, s’élever intérieurement sans jamais mépriser. C’est aussi reconnaître et encourager l’élévation des autres Frères.
L’évolution, la prospérité, la quête de lumière sont des biens vertueux. Ce sont des grâces que le Grand Architecte de l’Univers accorde à notre esprit.
Alors une question se pose :
Face à l’immobilisme, au refus de progresser, que reste-t-il sinon la vanité suprême de celui qui se dit « au-dessus » de tout désir d’élévation ?
Le psychanalyste Kahlil, cité par Carina Maria Rocha Coutinho, écrit que :
La vanité ne naît pas uniquement du regard des autres sur nos qualités, mais aussi de la comparaison que l’on fait entre sa propre performance et celle des autres.
C’est précisément là que réside le cœur du syndrome de la Vanité Inversée : refuser de reconnaître les mérites d’autrui… par vanité !
Une réponse automatique : « C’est de la vanité ! »
Ce syndrome s’exprime toujours de la même manière : non par un sourire sincère, une félicitation, un encouragement, mais par la sentence :
« — C’est de la vanité ! »
Un réflexe qui condamne toute ascension — matérielle, spirituelle, cognitive ou maçonnique — avec une facilité désarmante.
Imaginons…
- Vouloir devenir Maçon ? – « C’est de la vanité ! »
- Être accepté par l’Ordre ? – « C’est de la vanité ! »
- Écrire une planche ? – « C’est de la vanité ! »
- Publier un livre ? – « C’est de la vanité ! »
- Passer Compagnon ? – « C’est de la vanité ! »
- Être Maître Maçon ? – « C’est de la vanité ! »
- Gravir les degrés du REAA ? – « C’est de la vanité ! »
- Étudier d’autres Rites ? – « C’est de la vanité ! »
- Aider sa loge ? Soutenir un Frère ? Être élu Vénérable ? – « C’est de la vanité ! »
- Être assidu ? Porter ses insignes ? Être apprécié ? Mourir jeune… ou vieux ? – « C’est de la vanité ! »
En guise de conclusion
Finalement, tout devient vanité, selon cette logique perverse… même la négation de la vanité !
Faut-il alors considérer ces objectifs comme de la simple vanité ?
Certes, tout est éphémère, la vie est fugace, et l’Orient Éternel nous attend. Mais détourner les Écritures ou les Lois sacrées pour justifier son inertie, et refuser de soutenir l’élévation d’un Frère, c’est commettre l’erreur la plus grave : une véritable Vanité Inversée.
« Mieux vaut comprendre que d’être compris. » — Saint François d’Assise
« Chacun a sa vanité, et celle de chacun est d’oublier que les autres ont aussi une âme. » — Fernando Pessoa
« Le grand secret de l’éducation est de diriger la vanité vers les bons objectifs. » — Adam Smith
Alexandre L. Fortes
Maître Installé, 33e degré – CIM 285.969
ARLS Ir. Cícero Veloso n° 4543 – GOB-P




