D’après :
Jean-Numa Ducange, « Les francs-maçons ont été un moteur de la lutte pour la laïcité », chronique publiée le 3 novembre 2025 sur le site MARIANNE, à l’occasion de la sortie de l’ouvrage de Pierre-Yves Beaurepaire, La Franc-maçonnerie. Vérités et légendes, éditions Perrin.
L’historien Jean-Numa Ducange profite de la sortie du livre La Franc-maçonnerie. Vérités et légendes de Pierre-Yves Beaurepaire pour revenir sur la place de la franc-maçonnerie dans l’histoire politique française. Il rappelle que si beaucoup de fantasmes complotistes continuent de circuler à son sujet, notamment sur son « pouvoir caché », la réalité est plus nuancée.
En France, la franc-maçonnerie a joué un rôle déterminant dans la construction de la laïcité au cours de la Troisième République, ce qui lui a valu, en retour, une forte hostilité des milieux conservateurs, monarchistes et catholiques, jusqu’à la persécution sous Vichy.
L’article souligne également la grande diversité des loges et des pratiques, loin de toute idée de « direction occulte unifiée ».
Enfin, à l’heure où la laïcité est de nouveau discutée, Ducange pose une question d’actualité : la franc-maçonnerie peut-elle encore jouer un rôle dans sa défense et son renouvellement dans la France contemporaine ?
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Pendant longtemps, la franc-maçonnerie a occupé une place centrale dans l’imaginaire politique français. Les journaux consacraient régulièrement leurs unes à ses supposés « pouvoirs » ou à l’influence cachée de ses membres dans l’État. Ces représentations, héritées de la Révolution française, ont aujourd’hui perdu de leur intensité, même si elles n’ont pas totalement disparu.
C’est dans ce contexte que l’historien Pierre-Yves Beaurepaire publie un ouvrage qui vise à démêler les faits des fantasmes. Il rappelle que la franc-maçonnerie, née en Grande-Bretagne, s’est largement diffusée en Europe au XVIIIᵉ siècle. Pour de nombreux hommes cultivés de l’époque, appartenir à une loge était presque une condition sociale leur permettant d’accéder à certains cercles intellectuels et mondains.
Cependant, l’évolution de la franc-maçonnerie en France a été singulière. Là où les loges anglaises sont restées fortement liées au christianisme, les loges françaises, surtout à partir de la Troisième République, se sont engagées comme force militante en faveur de la séparation de l’Église et de l’État. Elles ont joué un rôle important dans l’édification de la laïcité républicaine.
Cet engagement leur a attiré de vives oppositions. Des penseurs nationalistes comme Charles Maurras les désignaient comme des ennemis de la France, aux côtés des protestants, des juifs et des étrangers. Le régime de Vichy en fit l’une de ses cibles prioritaires, ce qui se traduisit par des persécutions et une sévère répression.
Pourtant, réduire la franc-maçonnerie à une posture politique unique serait une erreur. Les archives des loges montrent des parcours variés, des débats internes, des sensibilités différentes. Certaines loges ont pu servir de réseaux d’influence, tandis que d’autres se consacrent principalement à la réflexion philosophique, morale ou symbolique.
L’exemple de la loge italienne P2, impliquée dans des affaires politico-financières retentissantes, montre combien l’institution peut aussi être détournée de ses principes — au point d’inspirer une partie du scénario du film Le Parrain III.
Aujourd’hui, les obédiences maçonniques continuent d’exister et regroupent des dizaines de milliers de membres. Leur visibilité a diminué, mais leur héritage demeure.
À l’heure où la laïcité fait à nouveau l’objet de tensions et d’interprétations opposées, une question se pose : la franc-maçonnerie peut-elle contribuer à revitaliser et clarifier ce principe fondamental, en s’appuyant sur son passé tout en l’adaptant aux enjeux contemporains ?
