QUE COMPRENONS-NOUS VRAIMENT PAR « VERTU » ?
Une réflexion maçonnique
Il est des questions qui traversent le temps, les degrés et les hommes.
Parmi elles, l’une frappe encore aujourd’hui avec la même force qu’au soir de l’initiation :
« Que comprenez-vous par vertu ? »
Posée par le Vénérable Maître, cette interrogation simple et nue déstabilise souvent l’impétrant. Non parce qu’elle est complexe, mais parce qu’elle invite à s’interroger sur le socle même de la démarche maçonnique : l’orientation intérieure.
LA VERTU : NON PAS UNE DÉFINITION, MAIS UNE DISPOSITION DE L’ÂME
La plupart d’entre nous, surpris, balbutient d’abord des définitions convenues : agir selon le bien, respecter la morale, être juste, éviter le mal…

Le Vénérable acquiesce toujours, puis complète : « La vertu est une disposition de l’âme qui nous porte à la pratique du bien. »
Autrement dit, la vertu n’est pas seulement un acte ponctuel, mais un état durable, une orientation intime qui nous pousse à agir conformément à l’éthique, avec prudence, justice et tempérance.
Il ne s’agit pas ici de parcourir les multiples classifications philosophiques — vertus morales, cardinales, théologales, etc.
La Franc-maçonnerie ne propose pas un catalogue : elle propose un chemin.
UNE CONDITION D’ENTRÉE DANS L’ORDRE
On l’oublie parfois : la vertu est l’une des conditions préalables exigées de tout candidat.
Être libre de pensée, agir par volonté propre, respecter la discrétion… autant de signes qu’un individu est déjà tourné vers l’effort moral.
La Loge n’est pas une école pour apprendre à devenir “bon” ;
elle est un espace où la vertu existante peut croître, se structurer et s’universaliser.
LA LOGE, ATELIER DE TRAVAIL MORAL
Chaque semaine, en tenue, nous recevons des éléments qui contribuent à la construction intérieure : symboles, instructions, rites, travaux des Frères.
Mais cette formation n’a de valeur que si elle s’incarne dans une compréhension sociale : la vertu ne se contente pas de briller dans le Temple ; elle doit éclairer la vie profane, les relations humaines, les actions quotidiennes.
La Loge nous enseigne que :
« La vertu est un mode de pensée et de conduite fondé sur des normes morales élevées. »
Et plus loin encore, les rituels nous invitent à ajuster notre esprit aux “grandes affections”, à n’entretenir que des “idées solides de vertu”, afin que notre âme acquière l’équilibre qui constitue “la science de la vie”.
UNE CONQUÊTE DIFFICILE… MAIS JOYEUSE
La Franc-maçonnerie ne dissimule pas la difficulté du travail :
acquérir la vertu est un labeur ardu, parfois douloureux, toujours exigeant.
Mais un travail fécond : en progressant, nous faisons du bien à nous-mêmes, puis naturellement à l’humanité.
La vertu n’est pas une récompense : elle est un rayonnement.
Chesterton le dit avec une justesse qui résonne fortement avec nos enseignements :
« La vertu n’est pas l’absence de vices. La vertu est quelque chose de clair et d’indépendant, comme une douleur ou une odeur particulière. »
Ce n’est pas éviter le mal qui rend vertueux.
C’est choisir le bien, librement, lucidement, avec constance.
L’ŒUVRE DU FRANC-MAÇON
Le franc-maçon ne travaille pas pour devenir irréprochable — tâche impossible — mais pour devenir juste.
Il ne cherche pas à éliminer toute ombre, mais à apprendre à y faire naître la lumière.
La vertu est donc moins une destination qu’un mouvement, moins une perfection qu’un effort continu.
C’est cela, profondément, que nous comprenons par vertu : une fidélité quotidienne à une intention élevée, et le patient polissage de la pierre intérieure.




