Lorsque l’insécurité et la soif de pouvoir menacent l’harmonie de la Loge
Dans le temple, où chaque parole devrait naître du silence intérieur et chaque geste aspirer à édifier, l’ombre peut aussi s’infiltrer. Elle n’est pas toujours extérieure ; parfois elle prend forme au sein même de nos colonnes, lorsque les idéaux maçonniques sont menacés non par les attaques du monde profane, mais par les faiblesses humaines qu’emportent certains en entrant.
Tous ceux qui revêtent le tablier n’en ont pas compris la véritable portée symbolique. Certains le voient comme une médaille ; d’autres, pire encore, comme un déguisement. Il arrive que, loin de rechercher le perfectionnement intérieur, des individus rejoignent l’Ordre pour combler des vides : complexes d’infériorité, frustrations personnelles, blessures non cicatrisées ou désirs de contrôle restés insatisfaits ailleurs.

Alors survient l’inévitable : la Loge devient un théâtre. Plutôt que de tailler leur pierre brute, ils projettent leurs manques sur autrui. Ils ne cherchent pas la lumière, mais l’attention ; ils ne construisent pas, ils calculent. Au compas, ils préfèrent tracer leur propre agenda.
J’ai observé comment ces profils agissent. D’abord ils tissent des liens en périphérie, gagnent de la sympathie, se drapent de protecteurs de la régularité ou de gardiens de la tradition. Puis ils sèment le doute : petites phrases, rumeurs subtiles, gestes ambigus. Suit une érosion progressive de la confiance ; si elle n’est pas détectée à temps, la fissure devient rupture.
Le problème n’est pas le désaccord — toute Loge vivante se nourrit du pluralisme — mais l’intention. On peut diverger pour le bien commun ; on peut aussi questionner pour déstabiliser. On peut avoir du zèle pour les valeurs ; on peut instrumentaliser le langage maçonnique pour des intérêts personnels.
Le Frère incapable de dominer son ego ne construit pas : il embrouille. Il n’enseigne pas : il manipule. Plus dangereux encore : il divise. Le doute, une fois semé, se propage vite si la vigilance et la réflexion ne sont pas cultivées.
Que faire face à cette menace silencieuse ?
- Rappeler la finalité initiatique. La Maçonnerie n’est pas un refuge pour egos blessés mais une école de caractère. Quiconque entre en quête de pouvoir, de reconnaissance ou de supériorité se trompe de voie.
- Renforcer la formation. Que l’Apprenti sache qu’on vient pour se perfectionner ; que le Compagnon comprenne que le progrès se mesure à la transformation intérieure, non aux charges ; que le Maître se souvienne que son plus grand pouvoir est l’exemple, non l’imposition.
- Nommer les dérives. Le silence ne doit pas être complice ; il doit céder la place à la parole juste lorsque la santé de la Loge est en jeu.
La fraternité, si elle n’est pas soignée, peut dégénérer en permissivité ; la permissivité face à l’ego incontrôlé corrode les piliers mêmes de l’Ordre.
N’oublions pas : une Loge n’est pas détruite par l’erreur d’un seul, mais par le silence de plusieurs. Il ne s’agit ni de traquer des fantômes ni de déclencher des chasses, mais de demeurer attentif, de cultiver le discernement et de parler avec fermeté — et compassion.
Si un Frère s’égare, tendons-lui la main. Mais s’il persiste à faire du temple son champ de bataille personnel, agissons avec lucidité et fermeté, car protéger l’harmonie revient à protéger l’âme même de la Maçonnerie.
Conclusion fraternelle
Luis Fernando Martinez Miranda, ARLS Reunião Americana nº 141 – Grande Loja Simbólica do Paraguai




