La relation entre parrain et filleul est l’une des plus délicates et des plus fécondes de la vie maçonnique. Elle prend des formes multiples selon les caractères, les attentes, la maturité spirituelle ou encore la dynamique propre à chaque loge. Si les expériences sont diverses, une constante demeure : le lien de confiance et de fraternité qui s’installe entre deux frères, l’un plus ancien, l’autre en quête de repères.
La parole du filleul
Pour celui qui vient d’être initié, le parrain est avant tout une boussole. Le filleul attend de lui des conseils, une présence bienveillante, parfois un regard critique, mais toujours une écoute sincère. Il sait qu’il doit se montrer ouvert, honnête et curieux : poser des questions, exprimer ses doutes, reconnaître ses limites.
Un apprenti expliquait :
« Mon parrain m’a permis de ne pas me sentir seul dans cet univers nouveau. Les livres qu’il m’a suggérés, les conversations que nous avons eues, son encouragement à écrire mes premières planches… tout cela m’a aidé à comprendre que la franc-maçonnerie n’est pas un simple rituel, mais un chemin de transformation personnelle. »

Le filleul sait aussi qu’il ne doit pas attendre des solutions toutes faites. Le rôle du parrain n’est pas de dicter une conduite, mais de montrer un chemin.
Ce que le parrain attend
Le parrain, pour sa part, assume une responsabilité importante. Sa mission n’est pas de modeler son filleul à son image, mais de lui donner les moyens de progresser. Il doit transmettre les usages, expliquer les symboles, éclairer les rituels, mais aussi savoir quand se taire pour laisser son filleul réfléchir par lui-même.
Un Vénérable résumait ainsi la fonction :
« Être parrain, c’est accompagner sans dominer. Il faut parfois guider, parfois retenir, parfois pousser, mais toujours respecter la liberté intérieure du filleul. »
Le parrain attend de son filleul assiduité, sincérité et soif d’apprendre. L’assiduité aux tenues, l’attention aux symboles, la volonté d’étudier et de questionner sont les signes que l’initiation n’est pas restée lettre morte.
Expériences contrastées
Nombreux sont les frères qui témoignent de la richesse de cette relation. Certains racontent la gratitude éprouvée envers un parrain devenu véritable ami spirituel. D’autres reconnaissent que la relation a parfois été compliquée : manque de temps, incompréhensions, attentes divergentes.
Un ancien apprenti confiait :
« Mon parrain avait une grande érudition. Il m’a transmis énormément, mais parfois j’avais l’impression d’être submergé. Avec le temps, j’ai compris que je devais aussi apprendre à tracer ma propre voie. »
Un autre témoignage évoque une expérience plus difficile :
« J’ai accepté d’être parrain faute de volontaire. Mon filleul, de son côté, ne comprenait pas très bien ce qu’il attendait de moi. Nos parcours étaient différents et le lien ne s’est jamais vraiment construit. Pourtant, je crois que même ces expériences sont formatrices, car elles rappellent que la progression maçonnique ne dépend jamais d’un seul frère. »
Entre tradition et modernité
Le principe du parrainage dépasse la franc-maçonnerie : il remonte à l’Antiquité, aux pratiques d’accompagnement spirituel ou initiatique. En loge, il conserve une valeur précieuse : celle d’une relation de confiance personnelle qui soutient et enrichit le travail collectif.
Au-delà des réussites et des limites, le compagnonnage entre parrain et filleul reste une école de fraternité. C’est dans cet échange, parfois exigeant, souvent chaleureux, que se tisse l’un des fils invisibles qui relient les frères à la grande chaîne initiatique.




