Les péchés capitaux ne restent jamais à la porte du Temple
L’orgueil, la vanité et la colère appartiennent à la condition humaine depuis des siècles, identifiés dès le VIᵉ siècle et intégrés à la pensée chrétienne par saint Thomas d’Aquin. Ces vices ne disparaissent pas sous le maillet du Vénérable ni au seuil du Temple, car la Franc-Maçonnerie travaille sur l’homme réel, avec ses grandeurs comme ses faiblesses. Ils infiltrent parfois nos Obédiences, nos ateliers, nos relations fraternelles. Et lorsque ces poisons circulent, ils fissurent la cohésion du corps maçonnique.
Orgueil : la dangereuse illusion de supériorité
L’orgueil, superbia, est ce sentiment trompeur qui pousse certains à se croire plus légitimes ou plus éclairés que leurs Frères. Il s’exprime par la prétention, le mépris, l’arrogance ou l’aveuglement hiérarchique. Individuel ou collectif, il nourrit les clans, les tensions internes et l’esprit de coterie. L’orgueilleux, lorsqu’il n’est plus applaudi, verse dans l’envie puis dans l’agressivité. Ce vice contredit les principes mêmes d’égalité et de fraternité qui fondent l’Ordre.
Vanité : le besoin de paraître au détriment de l’être
La vanité, plus subtile mais tout aussi corrosive, pousse certains Frères à rechercher décorations, titres, apparences et reconnaissance bien plus que la véritable progression initiatique. Elle transforme le Temple en scène, la charge en trophée, la fonction en miroir narcissique. Ce vice crée un terrain fertile pour l’envie, l’admiration malsaine et les rivalités, détournant la Franc-Maçonnerie de son objectif essentiel : le perfectionnement de l’homme.

Colère : la défaite du travail sur soi
La colère est l’échec immédiat de la maîtrise de soi. Elle altère le jugement, détruit le dialogue, remplace la réflexion par la réaction et transforme le Frère en adversaire. C’est une force brute, alimentée par la frustration, la peur ou la culpabilité, qui démolit les relations intramaçonniques. Un Frère colérique blesse, humilie, déstabilise et fragilise. La colère détruit plus vite que l’initiation ne construit.
Quand le poison atteint l’autorité maçonnique
Lorsqu’un Frère occupant une fonction élue ou nommée cède à l’orgueil, à la vanité ou à la colère, les dommages deviennent institutionnels. Une autorité arrogante peut virer au despotisme ; une autorité vaniteuse transforme l’Obédience en théâtre de complaisance ; une autorité colérique crée la peur et la division. Le pouvoir maçonnique est un service, non un privilège. Un responsable doit incarner la Règle, la Proportion, l’Équilibre. Le contraire ruine la crédibilité du Temple.
Le devoir maçonnique de la correction fraternelle
Avertir un Frère de sa faute n’est pas un affront : c’est une obligation fraternelle. Celui qui reçoit cet avertissement doit l’accueillir avec humilité, sans crispation ni colère, comprenant que ce rappel vise son perfectionnement. L’autorité n’exonère jamais du devoir maçonnique : elle l’amplifie. Le rang ne protège pas de la critique ; la charge n’est pas un bouclier. En Maçonnerie, l’exemple vaut toujours plus que les discours.
La discipline : ciment invisible du Temple
La discipline maçonnique n’est pas une contrainte mais une cohérence. Elle exige d’appliquer à soi-même ce que l’on attend des autres. Elle fonde la hiérarchie, la confiance et l’efficacité. Un Maçon indiscipliné, vaniteux ou orgueilleux donne de mauvais exemples et affaiblit l’institution. Le pire est celui qui prêche la sagesse mais pratique le contraire. Les Apprentis et Compagnons ont besoin de modèles, pas de contradictions.
Le vrai Maçon : un homme de mesure, pas de décor
Un Frère authentiquement formé n’a pas d’orgueil : il a de l’honneur. Il n’a pas de vanité : il a de la joie. Il n’a pas de colère : il a la maîtrise. Il ne recherche ni médailles, ni titres, ni éloges. Il ne confond pas autorité et domination, ni fonction et pouvoir. Il sert ses Frères, son Atelier, son Obédience, et non son ego. Il comprend que le vote, la critique constructive et le débat respectueux sont des outils nécessaires à la vitalité de l’Ordre.
Bannir ce qui n’est pas nous
Orgueil, vanité, colère : cette trilogie n’est pas maçonnique. Elle appartient au monde profane et à ses illusions. Notre tâche consiste à creuser profondément pour y enfouir ces poisons et, à leur place, ériger les vertus qui nous définissent : humilité, maîtrise, fraternité, justice et paix. Comme le rappelait avec justesse le père de l’auteur original : « Si tu veux savoir qui est un homme, ne regarde pas ce qu’il dit, mais ce qu’il fait. » Appliquons-le à nous-mêmes : un Maçon se reconnaît toujours par sa conduite, jamais par ses paroles.




