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Mixité : la franc-maçonnerie passe à côté de son histoire

RUE 89 offre un tribune à l’ancien Grand Maître du Grand Orient de France, Jean-Michel Quillardet concernant le débat sur la mixité qui n’en finit pas de « secouer » toute l’obédience. Le titre de l’article est explicite et résume à lui seul son contenu.

On savait effectivement que Jean-Michel Quillardet est un fervent partisan de la mixité au sein du Grand Orient de France. Il s’exprime …


Source : http://www.rue89.com/2009/09/23/mixite-la-franc-maconnerie-passe-a-cote-de-son-histoire

Lors de son assemblée générale du 3 septembre 2009, le Grand Orient de France a à nouveau refusé, majoritairement, la possibilité pour une femme de devenir membre de cette principale et plus ancienne obédience maçonnique française.

Outre l’aspect totalement anachronique de cette décision, elle marque un recul historique de la franc-maçonnerie quant à l’évolution de la société et à l’objectif commun des francs-maçons soit une société plus juste, plus fraternelle et plus humaine.

Le Grand Orient de France s’enorgueillit à juste titre de ses ancêtres qui ont combattu pour la liberté de conscience, pour les droits de l’homme dés 1789, ainsi d’ailleurs qu’en 1948 avec la Déclaration universelle des droits de l’homme, la séparation des églises et de l’Etat, l’égalité sociale, la laïcité.

Tous principes qui furent rappelés par les anciens grands maîtres du Grand Orient dans une tribune publiée par Le Monde datée du 26 août 2009 et également, très bien, par le Grand Maître en exercice.

Comment refaire le monde en exclant la moitié du genre humain ?

Dans cette société où une femme est menacée de quarante coups de fouet parce qu’elle portait un pantalon, où des femmes sont menacées d’exclusion de toutes formes d’enseignement et de vie sociale et citoyenne, en Afghanistan, où des femmes se voient obligées de porter le voile intégral, où les femmes sont toujours, par les viols, les premières victimes des guerres, où l’égalité homme-femme au niveau des salaires, des charges et emplois est une revendication qui ne peut être contestée par aucun républicain, comment les franc-maçons qui se veulent héritiers des Lumières peuvent-ils aujourd’hui fermer la porte de leur association à la moitié du genre humain !

Je sais : l’on me dira que tous les soirs dans les loges du Grand Orient de France des femmes, membres d’autres obédiences féminines ou mixtes participent aux travaux des frères du Grand Orient. Il n’empêche aujourd’hui, et c’est bien là le nœud du problème, qu’aucune femme ne peut être cotisante, donc membre et donc participer à l’animation et à la vie du Grand Orient de France.

Aucune femme ne peut être élue à aucun poste de responsabilité au sein de cette association comptant près de 50 000 membres.

Est-ce normal ?

Grand maître du Grand Orient de France entre septembre 2005 et septembre 2008, j’ai initié ce débat, alors que personne ne le demandait, pensant qu’une prise de conscience pouvait amener enfin, démocratiquement, une décision favorable et décisive du convent.

Nous nous y sommes efforcés mais nous avons échoué.

C’est avec tristesse que nous faisons ce constat.

Comment aujourd’hui le discours des francs-maçons peut-il être crédible au regard de leur réflexion sur les questions de bioéthique qui pour beaucoup d’entre elles touchent aux droits fondamentaux des femmes ?

Comment aujourd’hui peut-on défendre avec force et vigueur la laïcité qui est l’expression de l’universalité et de l’égalité entre tous les citoyens quelles que soient leurs origines, leurs appartenances et leur culture ?

La présente décision du convent du Grand Orient de France manifeste par conséquent un retour de la franc-maçonnerie sur elle-même qui se sépare ainsi des problématiques sociétales dont elle devrait être pourtant porteuse au titre du progrès de l’humanité.

Billevesées et discours d’un autre âge

De beaux esprits vont rétorquer que la franc-maçonnerie est une société initiatique et qu’il n’y a pas d’initiations mixtes mais seulement des initiations masculines et féminines ! Billevesées que ce discours d’un autre âge.

Même les cultes religieux ne se pratiquent plus de la même manière qu’au Moyen Age !

D’autres nous diront qu’il y a bien deux genres, deux sexes et qu’il n’est pas totalement irrecevable que des hommes puissent souhaiter se réunir entre eux et des femmes entre elles.

Certes : de là à interdire aux femmes d’avoir au sein d’une même association les mêmes droits !

Aucun argument rationnel, aucun argument éthique et aucun argument maçonnique n’est recevable pour s’opposer à l’adhésion d’une femme à une obédience masculine tel que le Grand Orient de France.

Puisse par cette désespérance et ce cri d’alarme que je jette maintenant provoquer un sursaut et qu’enfin les membres du Grand Orient de France qui ont toujours été à la tête des évolutions nécessaires de la franc-maçonnerie se ressaisissent et reprennent le chemin de l’initiation maçonnique qui nous apprend à prendre des distances avec nous-même, avec nos apriorismes, nos tabous et nos passions, et toujours à « réunir ce qui est épars ».

Comment pouvons-nous « réunir ce qui est épars » si nous ne sommes pas capables de réunir les hommes et les femmes ensemble au cœur même de la principale obédience maçonnique française !

Alfred de Vigny a écrit :

« Quand on connaît l’histoire des femmes depuis l’origine de l’humanité, ce n’est pas, lorsqu’on en rencontre une, bonjour qu’il convient de lui dire mais pardon… »

Mais continuons à convaincre dans le souci de l’unité de l’obédience.


A.S.: