Quiconque s’intéresse à l’histoire de la franc-maçonnerie constate rapidement que ses premières traces écrites proviennent d’Angleterre et d’Écosse. L’abondance des documents, manuscrits comme imprimés, rend toutefois nécessaire une classification pour s’orienter dans cette littérature foisonnante. La bonne nouvelle est que la majorité de ces sources sont désormais accessibles en ligne sous forme numérique.
Ce qui suit propose une vue d’ensemble, sous forme de parcours historique.
Les premières sources : les « anciennes charges » (1390–1717)
Depuis le XIXᵉ siècle, de nombreux manuscrits médiévaux et pré-maçonniques ont été mis au jour.
En 1872, l’historien William James Hughan en recensait déjà 32 dans son ouvrage The Old Charges of British Freemasons.
À la fin du XIXᵉ siècle, leur nombre dépassait 66, auxquels s’ajoutaient plusieurs textes imprimés et des manuscrits perdus.
Une synthèse réalisée par Leo Miller vers l’an 2000 recense environ 70 « anciens documents maçonniques », datés d’environ 1390 à 1717.

Ces textes comprennent notamment :
- L’Ordonnance de Strasbourg (1459) — parfois nommée Statuts de Ratisbonne ou Statuts de Regensburg,
- L’Ordonnance de Torgau (1462),
- ainsi que divers manuscrits dits Regius, Cooke, etc.
Ces documents ne relèvent pas encore de la franc-maçonnerie spéculative moderne, mais des traditions corporatives de constructeurs.
Beaucoup de leurs auteurs sont anonymes ou signent sous pseudonyme.
Des collections d’originaux et fac-similés sont disponibles ici :
http://theoldcharges.com/summary.html
https://freimaurer-wiki.de/
Ainsi que dans les volumes QCA (Quatuor Coronatorum Antigrapha), publiés par la loge de recherche Quatuor Coronati.
Après 1717 : les écrits de divulgation, ou « écrits du traître »
Avec la fondation de la Grande Loge de Londres en 1717 et la publication des Constitutions d’Anderson en 1723, la franc-maçonnerie entre dans une nouvelle ère — et sa visibilité attire critiques et curiosités.
Apparaît alors une série de textes baptisés « écrits du traître », c’est-à-dire des révélations décrivant rites et pratiques maçonniques.
Parmi les plus célèbres :
| Titre | Année | Particularité |
|---|---|---|
| The Three Distinct Knocks | 1760 | Première divulgation populaire des cérémonies |
| Jachin and Boaz | 1762 | Clé symbolique diffusée à grande échelle |
Longtemps considérés comme des attaques hostiles (candidats refusés, membres radiés, opposants religieux), ces textes sont aujourd’hui parfois perçus comme des notes internes mises en circulation.
Les écrits officiels et les grands manuels
Parmi les textes « normatifs » les plus importants :
- Les Constitutions de James Anderson (1723), rééditées et modifiées à plusieurs reprises.
- Le Pocket Companion (dès 1735), manuel souvent utilisé en loge.
- Les Illustrations of Masonry de William Preston (1772),
- et The Spirit of Masonry de William Hutchinson (1775).
Ces ouvrages ont contribué à définir :
- l’éthique maçonnique,
- le rôle de l’initiation,
- la structure des loges.
Dictionnaires et encyclopédies maçonniques
Au XIXᵉ siècle, l’effort se déplace vers la synthèse documentaire.
Parmi les références essentielles :
| Auteur | Titre | Dates | Importance |
|---|---|---|---|
| C. Lenning | Encyclopedia of Freemasonry | 1822–1828 | Première grande somme encyclopédique |
| A.G. Mackey | An Encyclopaedia of Freemasonry | 1874 | Référence anglo-saxonne encore citée |
Ces encyclopédies rassemblent textes rituels, extraits historiques, définitions symboliques et biographies.
La recherche moderne : rigueur historique et comparaison
À la fin du XIXᵉ siècle, l’étude de la franc-maçonnerie se développe selon des méthodes critiques et historiographiques.
- Quatuor Coronati Lodge No. 2076 (Londres, 1884) publie des travaux de référence.
- En Allemagne, la loge de recherche Frederik (1863) puis Quatuor Coronati Bayreuth (1951) poursuivent ces recherches.
- En Suisse, le groupe de recherche Alpina est fondé en 1985.
- En France, Alain Bernheim joue un rôle majeur dans la démystification historique.
Plus récemment :
- Manuel de la franc-maçonnerie (2014),
- Les racines de la franc-maçonnerie (2016),
coordonnés par Jan A.M. Snoek, offrent une excellente synthèse contemporaine.
Conclusion
L’histoire de la franc-maçonnerie repose sur un ensemble de sources multiples, allant des statuts corporatifs médiévaux aux recherches universitaires actuelles.
Cet héritage montre que la franc-maçonnerie est une tradition continue, faite de transmission, adaptation et interprétation vivante.
Elle n’est pas un mystère fermé, mais une construction progressive, patiente, documentée — comme un Temple toujours en cours d’édification.
Source : https://freimaurerei.ch




