Quand la tradition devient marchandise
Depuis quelques années, la Franc-Maçonnerie connaît une étrange dérive : celle d’une piraterie symbolique menée non plus sur les mers, mais dans les espaces numériques.
Sur les réseaux sociaux, des « experts » improvisés commentent les rituels qu’ils ne comprennent pas, publient les symboles qu’ils n’ont jamais vécus, et redéfinissent la Tradition au gré de leurs opinions.
Ce phénomène, apparemment anodin, traduit une réalité plus grave : l’affaiblissement des repères initiatiques, l’effacement progressif de ce qui faisait la solidité morale, intellectuelle et spirituelle de l’Ordre.
Le Grand Architecte n’est pas une option
Dans le processus d’admission maçonnique, il est clairement affirmé que notre Ordre n’est pas une religion.
Et pourtant, il repose sur une verticalité spirituelle symbolisée par le Grand Architecte de l’Univers, principe ordonnateur et source de toute Lumière.
Refuser cette présence transcendante, ou vouloir en faire un concept purement décoratif, revient à vider la Franc-Maçonnerie de son âme.
Albert G. Mackey le rappelait déjà dans ses Landmarks :
« La croyance au Grand Architecte de l’Univers est l’un des principes les plus essentiels de l’Ordre. Son rejet constitue un obstacle absolu à l’initiation. »
Ainsi, la liberté de pensée du Maçon n’est pas une licence d’interprétation illimitée : elle est liberté dans la Lumière, non liberté contre la Lumière.

Tradition ou modernité ? La fausse alternative
La Tradition maçonnique n’est pas un musée poussiéreux, mais un fleuve vivant.
Elle se transmet, s’adapte, s’exprime dans des langages nouveaux ; mais elle ne se renie pas.
Or, certains confondent « moderniser » et « profaner » : ils effacent les symboles, réécrivent les rituels, modifient les serments et prétendent qu’il s’agit d’« évolution ».
C’est là que la piraterie maçonnique commence : lorsqu’on s’arroge le droit de changer ce que l’on n’a pas compris.
Derrière l’écran de la modernité, se cache souvent l’orgueil intellectuel : celui de croire que l’on peut refaçonner un héritage millénaire au gré de ses humeurs.
Moderniser la langue ? Oui.
Dénaturer les fondements ? Jamais.
L’illusion du savoir sans initiation
L’ère numérique a démultiplié les connaissances disponibles ; mais elle a aussi créé l’illusion que tout savoir peut être transmis sans expérience.
Lire un rituel ne fait pas un initié, pas plus que contempler un compas ne fait un Maître.
L’initiation maçonnique n’est pas un contenu intellectuel : c’est une transformation intérieure, lente, silencieuse, exigeante.
Ceux qui croient pouvoir « améliorer » la Maçonnerie sans l’avoir vécue de l’intérieur ressemblent à des apprentis sorciers manipulant une alchimie dont ils ignorent les lois.
Préserver la verticalité
Supprimez la Tradition, et il ne restera qu’une association de discussion.
Supprimez le rite, et il ne restera qu’un théâtre sans âme.
Supprimez le serment, et il ne restera qu’un club d’opinion.
La Franc-Maçonnerie ne survit que par la fidélité à ses repères.
Elle n’est pas un divertissement spirituel, mais un chemin d’élévation.
Et ceux qui prétendent la « libérer » de ses cadres la condamnent, sans le savoir, à disparaître dans le relativisme.
Redresser la barre
Il est temps de rappeler que l’Ordre n’appartient à personne : ni aux intellectuels en quête de prestige, ni aux polémistes numériques, ni aux ambitieux en mal de reconnaissance.
L’Ordre appartient à la Tradition, à cette chaîne ininterrompue qui relie le passé, le présent et l’avenir.
Être Maçon, c’est naviguer entre la raison et le sacré, entre la science et le symbole, sans jamais oublier que la Lumière n’éclaire que ceux qui la cherchent humblement.
Moderniser n’est pas trahir,
penser n’est pas désacraliser,
et transmettre n’est pas diluer.
La piraterie maçonnique, aujourd’hui, n’est plus sur les mers.
Elle se niche dans nos discours, nos vanités, nos impatiences.
La seule arme pour y résister : la fidélité à la Tradition et la rigueur de l’esprit initié.
Référence bibliographique
José Maurício Guimarães, « Pirataria Maçónica (os Landmarks) », publié le 22 septembre 2025 sur Freemason.pt.




