Le 19 novembre 2025, la journaliste britannique Martha Gill part d’un constat frappant : les francs-maçons d’outre-Manche se lancent dans une vaste opération de communication. Temples ouverts au public, visites guidées, campagnes de relations publiques, présence sur des fêtes et salons… Pour elle, ce n’est pas une simple modernisation, mais un signe de panique.
(voir article https://observer.co.uk/news/opinion-and-ideas/article/the-masons-are-on-a-pr-drive-its-a-sign-of-panic)
Que dit réellement cet article, et que révèle-t-il de la perception profane de la franc-maçonnerie aujourd’hui ?
Une fraternité en crise d’image

L’article décrit un paysage maçonnique britannique en pleine tentative de reconquête :
- ouverture de loges au public,
- visites guidées des temples écossais,
- recours à des agences de communication,
- exposition des insignes autrefois réservés aux initiés.
En toile de fond : une baisse continue des effectifs. La Maçonnerie compterait encore environ 175 000 membres au Royaume-Uni, mais avec :
- un âge moyen élevé,
- des difficultés à attirer des jeunes,
- et un taux de démission important dans les premières années d’adhésion.
La journaliste évoque aussi la désaffection générale pour les associations et l’effondrement des clubs de gentlemen, alors que la plupart des loges britanniques restent strictement masculines. Sur ce point, la franc-maçonnerie apparaît en décalage avec l’évolution des mentalités.
Mais, selon elle, l’essentiel est ailleurs : la persistance d’un soupçon de “manigances”.
Maçonnerie et pouvoir : un soupçon tenace
Au Royaume-Uni, la franc-maçonnerie est présentée comme un réseau d’influence plus que comme une force de contestation des élites. L’article rappelle :
- des liens historiques avec aristocratie, politique, monde économique,
- des accusations récurrentes de népotisme : promotions facilitées, carrières protégées.
Le texte cite le témoignage d’un ancien policier affirmant que l’influence maçonnique pesait sur les promotions, et évoque l’affaire Daniel Morgan, où un rapport officiel a parlé de « corruption institutionnelle » de la police, notamment en lien avec des affiliations maçonniques.
D’où une question sensible :
Faut-il que policiers, magistrats, élus déclarent leur appartenance à la franc-maçonnerie pour éviter tout conflit d’intérêts réel ou supposé ?
Pour les obédiences britanniques, ces scandales ont durablement entaché l’image publique. D’où la volonté affichée de « transparence », de portes ouvertes, de communication maîtrisée.
Communication : panique ou rattrapage ?
Le titre de l’article interprète cette ouverture comme un aveu de faiblesse. Pourtant, on peut y voir aussi un simple rattrapage : dans un monde saturé de communication, laisser perdurer le silence, c’est abandonner son image aux fantasmes.
La question n’est donc pas : « Communiquer, est-ce paniquer ? », mais plutôt :
Comment parler de soi sans trahir le secret initiatique, et sans renoncer à la discrétion maçonnique ?
L’article ne s’attarde pas sur ce dilemme. Il suppose qu’en perdant son opacité, la Maçonnerie perd son intérêt. On peut au contraire estimer que clarifier ce qui est secret et ce qui ne l’est pas est devenu indispensable.
Fraternité ou passe-droit ?
Là où le texte touche juste, c’est sur la question des conflits d’intérêts. Pour les maçons eux-mêmes, la vraie interrogation est :
- jusqu’où va la fraternité lorsqu’on exerce une fonction publique ?
- à partir de quand devient-elle favoritisme inacceptable ?
Cela renvoie à une tension centrale :
fraternité d’un côté, justice et impartialité de l’autre.
Plutôt que de se contenter de nier les scandales, les obédiences peuvent y voir une invitation à repréciser publiquement les lignes rouges : pas de passe-droit entre frères, pas d’usage de la loge comme réseau de carrière, respect strict de la loi et de l’éthique professionnelle.
Sur ce point, la transparence (déclarations d’appartenance, chartes éthiques, rappel des interdits) peut renforcer la crédibilité la Maçonnerie, au lieu de l’affaiblir.
Le grand absent : l’initiation
Comme souvent dans la presse, l’article privilégie l’angle « réseaux, pouvoir, image ». Il parle de secrets, de poignées de main, de privilèges supposés, mais très peu de :
- travail sur soi,
- réflexion symbolique et philosophique,
- quête de sens et transformation intérieure.
Autrement dit, il ignore ce qui fait le cœur de l’expérience maçonnique pour beaucoup de frères et de sœurs. On ne peut pas reprocher à un article grand public de ne pas tout dire, mais on peut rappeler que la Maçonnerie ne se réduit pas à un club d’influence opaque.
Que retenir côté maçonnique ?
Plutôt que de s’offusquer, on peut tirer de ce texte quelques pistes de réflexion :
- La communication n’est plus optionnelle
Expliquer ce qu’est la franc-maçonnerie, ouvrir les temples, parler de charité et de symbolisme, ce n’est pas trahir le secret. C’est tenter de répondre à des fantasmes par des faits. - L’éthique doit être explicite
Les affaires évoquées rappellent l’urgence de clarifier que la fraternité n’autorise ni népotisme ni contournement de la loi. Ce travail est autant interne qu’externe. - Le cœur de l’Ordre ne se trouve pas dans l’opacité
Si la Maçonnerie n’apporte plus ni privilèges, ni aura “mystérieuse”, ce n’est pas forcément sa fin. C’est peut-être l’occasion de revenir à ce qui devrait la fonder : l’initiation, le travail sur soi, la fraternité vécue sans calcul.
Au final, cet article en dit autant sur la projection profane de la franc-maçonnerie que sur la Maçonnerie elle-même. À chacun, en Loge comme dans la Cité, de montrer qu’on peut être discret sans être opaque, fraternels sans être complices, engagés sans être enfermés dans l’entre-soi.





It’s true that English Freemasonry, as practised by the United Grand Lodge of England, does nothing for:
– the pursuit of self-knowledge
– secular spirituality
– the power of symbolism and allegory
– care for the community and the environment (apart from giving money)
because they are more attracted to pomp, ceremony, *promotion*, display of rectitude.