Il m’arrive parfois, au détour de certaines tenues, de me demander si nous n’avons pas oublié une chose essentielle : le maillet n’est pas un marteau. Cela peut sembler une évidence, presque une boutade, mais la nuance est plus importante qu’il n’y paraît.
Le marteau, dans le monde profane, sert à frapper fort, à imposer sa volonté sur la matière, à plier l’obstacle sous le choc. Le maillet, lui, dans notre symbolisme, n’écrase pas, il façonne. Il n’est pas l’outil de la brutalité, mais celui de la maîtrise.

Pourtant, combien de fois ai-je vu le maillet transformé, au sens figuré, en marteau de forgeron ?
Certains Vénérables l’utilisent comme un sceptre d’autorité plus que comme un outil de mesure. Ils tranchent, imposent, dirigent à coups de décisions péremptoires, oubliant que leur rôle est moins de commander que de guider et harmoniser.
Je ne jette pas la pierre — ou plutôt, je ne l’écrase pas au marteau. Mais reconnaissons que, parfois, nous perdons cette délicatesse symbolique qui fait la beauté de notre Ordre.
Nous nous targuons d’être des chercheurs de lumière, des ouvriers du Verbe et des frères et sœurs en humanité. Et pourtant, dans nos loges, il nous arrive de couper la parole, d’asséner des certitudes, de transformer l’échange en pugilat intellectuel. Comme si la vérité maçonnique pouvait se crier plus fort que l’autre.
J’ai toujours cru que notre silence d’Apprenti avait un sens profond : apprendre à écouter, à accueillir, à recevoir sans immédiatement juger ni répliquer. Mais que reste-t-il de cet apprentissage, quand une fois la parole acquise, nous nous empressons de l’utiliser comme une arme plutôt que comme un don ?
Alors oui, j’ose poser la question : savons-nous encore travailler au maillet ?
Un maillet qui polit, qui accompagne, qui cherche la juste frappe, ni trop forte ni trop faible. Un maillet qui ne brise pas la pierre, mais la révèle.
Je rêve de tenues où chaque intervention serait une frappe juste, mesurée, pleine de sens. Où les mots ne seraient pas des marteaux qui assomment, mais des maillets qui sculptent. Où la fraternité ne serait pas seulement proclamée, mais vécue dans la qualité de nos échanges.
Car au fond, le maillet n’est pas qu’un outil de Maître. Il est aussi un rappel permanent : nous ne sommes pas là pour dominer, mais pour construire. Pas pour imposer, mais pour élever. Pas pour clore un débat, mais pour l’ouvrir à une dimension plus haute.
Voilà mon humeur du jour, peut-être un peu piquante, je l’admets. Mais fraternelle, toujours. Car si je m’autorise cette remarque, c’est par attachement à ce que nous avons de plus précieux : notre capacité à transformer, ensemble, la pierre brute en pierre polie. Et cela, soyons honnêtes, demande plus de patience et de mesure que de coups de marteau.
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