Le 31 mai, le Grand Orient Lusitanien (GOL), principale obédience maçonnique du Portugal, a officiellement décidé d’ouvrir ses loges à la mixité. Pour ce faire, l’article 1er de sa Constitution a été modifié, remplaçant la mention « hommes » par « êtres humains ». De plus, l’article 9 permettra désormais aux loges d’être masculines, féminines ou mixtes. Cette évolution statutaire devra encore recevoir la validation du Grand Maître. Créé en 1802, le GOL rassemble environ 2 500 membres et affirme, par cette réforme, son engagement en faveur de l’égalité, de la liberté et d’une franc-maçonnerie moderne et ouverte, dans un contexte politique où les idées d’extrême droite gagnent du terrain au Portugal.
En ce qui concerne la Bohême, la franc-maçonnerie y fit ses premiers pas dès 1741. Elle connut un essor important sous la Première République tchécoslovaque, notamment grâce à des personnalités telles qu’Alfons Mucha et Edvard Beneš. Toutefois, elle fut tour à tour interdite par les autorités impériales des Habsbourg, par le régime nazi, puis par les communistes. Si une reprise eut lieu en 1947, les loges furent de nouveau dissoutes en 1951. Ce n’est qu’après la Révolution de Velours, en 1989, qu’elles purent reprendre leurs activités de manière officielle. Aujourd’hui encore, les francs-maçons en République tchèque défendent la discrétion, le développement personnel et un engagement actif pour l’intérêt général.
Dans une interview avec CNN Portugal, le leader du Grande Oriente Lusitano, la plus ancienne obédience maçonnique du pays, admet son malaise face au soutien des francs-maçons à Gouveia e Melo, révèle que l’ancien Premier ministre a résisté à la nomination de membres des francs-maçons et ajoute qu’il souhaite mettre à jour les rituels qu’ils pratiquent dans les temples.
Dans tous les gouvernements récents, il y a toujours eu des francs-maçons parmi les ministres et les secrétaires d’État, particulièrement ici, dans le Grand Orient lusitanien. Ce type de lien avec le pouvoir est-il important pour la franc-maçonnerie ?
Non. Ils sont nommés en tant que citoyens, bénéficiant du statut de francs-maçons. Ils ont donc cette responsabilité supplémentaire. Ils ne sont pas nommés francs-maçons.
Mais beaucoup de gens ne viennent-ils pas à la franc-maçonnerie en pensant qu’il s’agit d’une échelle vers le pouvoir ?
Il y a tout, mais c’est pour cela qu’ils sont déçus, car ce n’est pas du tout une échelle vers le pouvoir.
La vérité est que lorsqu’ils atteignent un certain type de fonction publique, de nombreux francs-maçons ont tendance à se distancer de la franc-maçonnerie.
Il y a des cas où oui et d’autres où non. Cela dépend toujours de la liberté individuelle. Chacun choisit librement de se déclarer franc-maçon ou non. Car, avant tout, la personne nommée est un citoyen, et non un franc-maçon.
Par le passé, de nombreux francs-maçons ont assumé leurs idéaux politiques, notamment pendant la Révolution libérale et à d’autres époques, comme à l’époque de Salazar. Pourquoi n’est-il pas logique que les francs-maçons assument leur rôle en politique aujourd’hui ?
Je répète ce que je vous ai dit : le citoyen est celui qui est nommé, le citoyen est celui qui est élu. Pas les francs-maçons. En fait, un mouvement complètement anachronique a émergé récemment, et il n’a aucun sens.
Vous parlez du soutien apporté à l’amiral Gouveia e Melo par un groupe de francs-maçons.
Oui. Tu n’as même pas encore dit que tu étais candidat…
La franc-maçonnerie ne cherche-t-elle pas à participer aux choix de pouvoir du pays ?
Non. Ce qui se passe, c’est que certains francs-maçons, sans bonnes raisons, ont voulu se mettre en avant pour une candidature dont personne ne soupçonne l’existence. De plus, il y a un président de la République qui doit être respecté. Et tant que nous n’entrerons pas dans le processus de candidatures électorales, nous n’avons pas à discuter de tout et de rien. La franc-maçonnerie n’intervient pas là-dedans.
Il vient de mentionner le Président de la République, tous les Présidents de la République reçoivent habituellement le Grande Oriente Lusitano.
Oui.
Et l’actuel président Marcelo Rebelo de Sousa a-t-il fait la même chose lorsqu’il a pris ses fonctions ?
Il m’a accueilli à mes débuts. Le Président de la République le sait bien, car nous lui avons dit que nous étions disponibles pour lui être utiles, quelle que soit la manière dont il le souhaitait.
Quel est le rôle de la Franc-Maçonnerie aujourd’hui ?
Il en est ainsi depuis 222 ans, la défense des libertés, de l’égalité des chances, des droits et devoirs et de la fraternité comme pratique universelle.
Mais que doit faire un franc-maçon pour suivre ces principes ?
Il faut avoir une philosophie de vie en accord avec la défense des libertés. Il faut chercher à établir l’égalité entre les citoyens et avoir un sens de la fraternité ou de la solidarité. En effet, António Arnaut disait que la fraternité était une solidarité avec amour, et que le rôle d’un franc-maçon est de rechercher l’union des peuples, la dignité de l’humanité.
Pourquoi insistent-ils encore pour maintenir le secret autour de la franc-maçonnerie et des francs-maçons ?
C’est une question souvent posée et à laquelle je réponds toujours de la même manière : il n’y a pas de secret. Et je suis un exemple à cet égard, car je ne me suis jamais senti avantagé ou lésé dans mon activité professionnelle, publique ou privée. Mais je connais des gens qui ressentent cela. Même récemment, on s’est rendu compte que la franc-maçonnerie n’était pas bien vue par les dirigeants de l’époque.
De qui parles-tu précisément ?
De l’ancien Premier ministre. La franc-maçonnerie n’était pas bien vue par lui et certains francs-maçons se sentaient négligés en raison de leur statut. D’après les informations que j’ai reçues, si le « frère » du parti avait été connu comme tel, il aurait eu plus de difficultés à être nommé à quoi que ce soit.
Le leader actuel du PS n’a-t-il pas la même attitude envers la franc-maçonnerie ?
Ce n’est pas que cela soit visible.
Cette situation concernant le précédent premier ministre va à l’encontre d’une tradition ici au Grand Oriente Lusitano, dans la mesure où tous les gouvernements socialistes ont toujours eu de nombreux ministres de cette obédience.
Oui, depuis l’époque de Mário Soares.
Il y avait des magasins avec de nombreux ministres, comme ce fut le cas par exemple sous le gouvernement d’António Guterres. Le magasin Convergência était appelé « le cabinet » car il comptait de nombreux membres de l’exécutif. Qu’est-ce qui a changé pour qu’aujourd’hui le GOL n’ait plus le même poids au sein du gouvernement ?
C’est le résultat de l’époque, des intérêts et des sympathies. Nous savons que le mérite est de moins en moins déterminant dans les nominations. D’autres groupes d’intérêt circulent.
De quels groupes s’agit-il ?
Les intérêts sont plus diversifiés qu’auparavant. De plus, certains francs-maçons du GOL refusent d’être connus.
Avez-vous peur d’admettre que vous êtes franc-maçon ?
Certains ont peur de faire leur coming out. Mais je peux vous dire avec grande satisfaction que le problème s’atténue de plus en plus. Je viens de nommer une centaine de membres au Grand Conseil maçonnique, et la plupart d’entre eux ont adopté leur nom propre, et non celui symbolique.
Quelle est la raison pour laquelle certaines personnes ne sortent pas ?
Car la perception de la franc-maçonnerie aujourd’hui par la société civile en général et la classe politique en particulier n’est pas très flatteuse pour nos valeurs. Pourtant, nous n’avons jamais fait de mal à personne. Nous avons toujours lutté pour la liberté. La franc-maçonnerie est née à l’époque de Sainte Marie I, sous la monarchie. Lorsqu’elle devint une République, il y avait des francs-maçons républicains et des francs-maçons monarchiques. Et c’est là l’essence même de la franc-maçonnerie : elle n’agit pas en bloc, elle n’a pas d’intérêts définis en tant que bloc.
En d’autres termes, selon vous, il n’est pas nécessaire d’être franc-maçon pour accéder au pouvoir ?
Bien sûr.
Est-ce qu’ils accomplissent encore des rituels à l’intérieur des temples ?
Nous participons à des rituels, oui. Nous essayons actuellement de les moderniser afin qu’ils soient plus attrayants dans le contexte actuel, tout en préservant leur essence.
Qu’est-ce qu’un rituel maçonnique ?
