Il y a des jours où l’on se demande si le monde tourne encore rond, ou s’il tourne simplement plus vite que nous.
Les réseaux bruissent, les slogans fusent, les indignations s’enchaînent à la vitesse d’un fil d’actualité.
Et pendant ce temps, dans nos loges, nous allumons toujours les mêmes trois lumières.
Ce geste lent, presque anachronique, devient alors un acte de résistance silencieuse.
Car soyons honnêtes : la Franc-Maçonnerie n’est plus à la mode.
Elle n’a rien d’un “produit d’appel”.
Elle ne promet ni pouvoir, ni reconnaissance, ni visibilité.
Elle ne “booste” pas votre image — elle la déconstruit.
Et c’est précisément ce qui fait sa valeur inestimable dans ce siècle saturé de vitesse et de paraître.
QUAND LE MONDE S’ACCÉLÈRE, LE MAÇON RALENTIT
Le monde moderne court après la performance, la communication, la rentabilité.
Le Maçon, lui, cherche à comprendre avant d’agir, à écouter avant de répondre, à douter avant d’affirmer.
C’est presque subversif.
Car la lenteur maçonnique n’est pas paresse : elle est lucidité.
Nous sommes de plus en plus nombreux à ressentir ce décalage entre la loge et la société, entre le rituel et la réalité, entre le silence du Temple et le vacarme des opinions.
Mais si la Franc-Maçonnerie ne sert qu’à reproduire le monde tel qu’il est, à quoi bon s’y asseoir chaque quinzaine ?
Le Temple doit rester ce lieu où l’on se déprogramme du tumulte, pour retrouver le tempo juste de la pensée.

LES PIERRES IMPATIENTES
On voit pourtant poindre une autre forme de précipitation : celle de l’impatience intérieure.
Des apprentis qui veulent être compagnons, des compagnons qui brûlent d’être maîtres, des maîtres qui regrettent de ne plus l’être vraiment…
Et si la plus grande épreuve aujourd’hui était d’accepter le temps initiatique ?
Le temps qu’il faut pour que la parole se dépose, que le symbole s’infiltre, que la fraternité devienne naturelle et non proclamée.
Nous sommes dans une époque de conflits rapides et de fraternités fragiles.
Le Temple, lui, n’a jamais été un refuge hors du monde, mais une école du monde autrement.
LE VRAI “VIVRE-ENSEMBLE”
Le “vivre-ensemble” — tout le monde en parle.
La Biennale Maçonnique de Bordeaux en fera encore son fil rouge cette année, et c’est tant mieux.
Mais le vivre-ensemble, ce n’est pas un slogan de façade ni une posture bienveillante :
c’est une discipline intérieure, une ascèse relationnelle.
Cela demande de supporter la différence, non de la célébrer à condition qu’elle pense comme moi.
Cela suppose de fraterniser sans fusionner, de dialoguer sans dominer.
Ce que la Franc-Maçonnerie nous enseigne, ce n’est pas la tolérance molle, mais l’altérité active.
ET MAINTENANT ?
Notre époque a besoin de Maçons debout — pas d’adeptes du souvenir.
Le compas, l’équerre et le maillet ne sont pas des reliques : ce sont des outils pour construire une humanité réconciliée avec elle-même.
À condition, bien sûr, que nous cessions de les brandir comme des emblèmes et que nous recommencions à les utiliser comme des instruments.
Alors oui, le monde continue de tourner trop vite.
Mais quelque part, dans le silence d’un Temple,
un Frère ou une Sœur ajuste encore sa pierre,
en se souvenant que le progrès véritable commence toujours par soi-même.
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