Ce texte s’inspire librement de l’article « Ist der Mensch dem Menschen ein Wolf ? » publié en mars 2021 par la Grande Loge Alpina (Freimaurerei.ch). freimaurerei.ch
Il propose une réflexion maçonnique et philosophique sur la question intemporelle du juste, du vrai et de la fraternité au sein de l’humanité.
« Ce n’est pas le monde qui manque de justice, c’est souvent l’homme qui manque de justesse. »
— Maxime maçonnique anonyme
LA JUSTICE, VERTU DE L’ÉQUILIBRE INTÉRIEUR
Dans la symbolique maçonnique, la justice n’est pas une simple règle de droit ou un idéal social : elle est une vertu vivante, une pierre angulaire de l’édifice intérieur.
Elle suppose que l’homme, avant de réclamer la justice des autres, apprenne à la construire en lui-même, dans le silence du Temple et la lumière de sa conscience.
Le Maçon cherche la justice comme il cherche la Lumière : non pas pour juger, mais pour comprendre et équilibrer.
C’est là le sens profond du maillet et du ciseau : travailler la pierre brute des passions, des opinions et des égoïsmes pour en dégager la forme juste — celle qui s’ajuste à l’ensemble du Temple humain.
DE PLATON À RAWLS : LA LONGUE QUÊTE DU JUSTE
Depuis les premiers philosophes grecs, la question du juste traverse les siècles comme un fil d’or reliant la pensée et la spiritualité.
Platon voyait dans la justice l’harmonie des parties de l’âme, tout comme celle des classes dans la cité. Aristote, lui, y discernait la vertu suprême, celle qui rend possible la mesure et la proportion.
Ces deux sages nous rappellent que la justice n’est pas un absolu figé, mais un équilibre mouvant, constamment à reconstruire.
Plus tard, Hobbes crut voir dans l’homme un loup pour l’homme, ne pouvant échapper à la violence que par la contrainte d’un État fort.
Rousseau répondit que le mal venait moins de la nature que de la société elle-même, et que seule une volonté commune éclairée pouvait rétablir la justice.
Enfin, Rawls, dans le sillage de Kant, imagina le fameux « voile d’ignorance », où chacun définirait les lois du monde sans connaître sa place dans celui-ci — comme un exercice initiatique de dépouillement de soi.
JUSTICE ET INITIATION : LE CHEMIN DU CENTRE
Dans la Loge, la justice n’est pas rendue, elle est recherchée.
Chaque Frère, chaque Sœur, apprend à la ressentir avant de la comprendre. Elle ne se décrète pas : elle s’éprouve dans la lumière du compas et de l’équerre.
Être juste, c’est ajuster.
C’est reconnaître la mesure dans ses paroles, la sincérité dans ses actes, la droiture dans ses jugements.
C’est aussi accepter que la justice humaine ne soit qu’un reflet imparfait de la justice cosmique, celle que la Tradition nomme l’Ordre.
Ainsi, l’initiation enseigne que le vrai temple de la justice se construit au-dedans : là où l’homme apprend à se dépouiller du loup pour révéler le frère.
Celui qui parvient à équilibrer sa raison et son cœur, son intérêt et celui d’autrui, touche à l’essence même du juste.
CONCLUSION : LA JUSTESSE PLUTÔT QUE LA JUSTICE
Notre monde contemporain parle souvent de justice, mais pratique rarement la justesse.
Or, la Franc-Maçonnerie invite à transformer la justice en art de vivre, en discipline intérieure et collective.
Elle nous enseigne que la justice véritable naît de la reconnaissance mutuelle : celle qui voit dans l’autre non un rival, mais un autre soi-même.
Quand le loup intérieur est dompté, l’homme redevient Lumière parmi les hommes.
