L’idée selon laquelle l’appartenance à la franc-maçonnerie conférerait un pouvoir politique reste ancrée dans l’imaginaire collectif.
On l’entend souvent dans les médias, dans les conversations de café, ou dans les discours des détracteurs du mouvement : le franc-maçon serait un acteur occulte des décisions publiques.
Mais que recouvre réellement cette perception ? Est-elle fondée ? Et surtout, quelle est la place de la politique dans la tradition maçonnique ?
DEUX VISIONS D’UNE MÊME FRATERNITÉ
La franc-maçonnerie universelle n’est pas un bloc monolithique : elle se décline en deux grandes familles dont les approches diffèrent autant sur le plan spirituel que sociétal.
La Franc-maçonnerie régulière
Issue de la tradition anglo-saxonne, elle se veut strictement apolitique.
Fidèle aux principes établis par la Grande Loge de Londres en 1717, elle place au centre de sa démarche la foi en un Créateur, nommé le Grand Architecte de l’Univers, et l’amélioration morale et spirituelle de ses membres.
Son credo est simple :
« Le franc-maçon change le monde en se changeant lui-même. »
Dans cette perspective, la maçonnerie ne cherche pas à influencer le cours des affaires publiques. Sa seule contribution à la société réside dans l’exemplarité individuelle de ses membres et dans le respect scrupuleux des lois.
Chacun est libre, en tant que citoyen, d’agir politiquement selon sa conscience, mais jamais au nom de la franc-maçonnerie.
La Franc-maçonnerie libérale
Issue du Grand Orient de France, elle s’est développée dans un contexte historique marqué par la Révolution française et les combats pour la laïcité et la démocratie.
Elle admet en son sein croyants, agnostiques et athées, plaçant la liberté absolue de conscience au sommet de ses valeurs.
Son action s’étend au-delà de la seule construction intérieure : elle se veut force de réflexion et d’émancipation sociale, travaillant à l’avènement d’une société plus juste fondée sur la trilogie Liberté – Égalité – Fraternité.
Pour elle, l’engagement citoyen est une extension naturelle de la quête initiatique.
HISTOIRE ET MÉMOIRE : UNE INFLUENCE BIEN RÉELLE
Dans plusieurs pays, notamment en France et au Portugal, la franc-maçonnerie libérale a effectivement joué un rôle politique majeur.
Elle fut au cœur des luttes républicaines et démocratiques, contribuant à la chute des régimes autoritaires et à la naissance de la laïcité moderne.
Cette implication historique explique que, dans certains contextes, franc-maçonnerie et politique soient encore perçues comme indissociables.
Cependant, cette influence fut circonstancielle, liée à des périodes où la liberté d’expression et de pensée était menacée.
LA CLARIFICATION NÉCESSAIRE
Aujourd’hui, il importe de distinguer ces deux voies :
- La maçonnerie libérale, qui assume une dimension citoyenne et humaniste ;
- La maçonnerie régulière, qui demeure spirituelle, symbolique et intérieure.
L’une et l’autre partagent les mêmes valeurs fondamentales – tolérance, fraternité, recherche de vérité – mais divergent sur les moyens d’y parvenir.
La confusion persiste parce que l’histoire a laissé ses traces, et qu’un siècle d’intervention sociale ou politique a marqué durablement la mémoire collective.
LA FRANC-MAÇONNERIE, MIROIR DE LA SOCIÉTÉ
En définitive, la franc-maçonnerie n’est pas une puissance occulte : elle est le reflet de la société qu’elle interroge et souhaite éclairer.
Ses loges rassemblent des hommes et des femmes d’opinions variées, unis par la volonté de travailler sur eux-mêmes pour mieux comprendre le monde.
Là réside son influence véritable : dans la formation d’esprits libres, capables de penser par eux-mêmes, loin des dogmes et des manipulations.
Texte inspiré du billet original de Rui Bandeira (« A Partir Pedra », 25 novembre 2009), adapté et enrichi pour GADLU.INFO – 2025.
