Jérôme Touzalin est un dramaturge,membre du Conseil de l’Ordre, de la Grande Loge Traditionnelle et Moderne de France.
Il a été inspiré par les évènements récents survenus à Notre-Dame de Paris
La force du symbolique
Il est un évènement de l’actualité récente qui vient illustrer le propos qui m’a été demandé sur le symbolisme : Je veux parler de l’incendie de la Cathédrale Notre-Dame de Paris.
Que s’est-il passé ? Un incendie… après tout quoi de plus banal qu’un incendie, il y en a quasiment tous les jours, qu’ils soient grands ou petits… il n’y a donc pas matière à considérer autre chose que le regrettable ravage des flammes, qui réduit du bois et une toiture, oui, mais là, il s’agit de l’incendie d’un lieu de culte, déjà, subtilement, on sent que l’on change de nature dans la perception de l’évènement, l’approche devient plus profonde, l’émotion grandit d’autant plus qu’il ne s’agit pas d’une chapelle ou d’une simple église, ce qui serait déjà éminemment triste, mais d’une cathédrale… et pas n’importe laquelle : la cathédrale Notre Dame de Paris… on entre dans une autre dimension… notre ressenti intérieur de l’évènement s’amplifie à mesure que les flammes continuent de ravager le bâtiment…
On pourrait alors se dire que l’émotion née de l’évènement ne concerne, en fait, que ceux qui partagent la foi particulière et très spécifique de la religion qui s’illustre à travers cet édifice… autrement dit : les catholiques. Mais non, cela déborde, va au-delà du Dieu local ici en représentation… voilà que l’émotion s’empare même de ceux qui voient Dieu sous une approche différente, juifs, musulmans, orthodoxes, protestants, et d’autres encore : voilà que tous les croyants s’embrasent à leur tour, si j’ose dire… logique pensera-t-on, la communion spirituelle étreint les cœurs et les âmes quand des catastrophes se déclarent… le mot communion prend là tout son sens…
Mais cet élan communautaire devient, en cette occasion, tsunami car il submerge même les agnostiques, les athées, les voilà qui se sentent touchés, et entrent alors dans la ronde, on en voit même certains pleurer comme de bons Chrétiens ! Pourtant de Dieu, je ne dirais pas qu’ils s’en moquent, mais c’est qu’ils n’en ont pas besoin pour avoir une vie spirituelle élevée et un quotidien moralement irréprochable.

Que se passe-t-il donc ?
C’est que l’on touche là à la force symbolique qui renverse tout sur son passage, qui renverse les différences pour tout unir dans un sens et un élan collectif commun. La Cathédrale n’est plus seulement un lieu de culte qui enferme dans un enseignement particulier, elle relie, sans religion cette-fois, tous les humains, tous unis dans une même transcendance.
Les symboles dans leur élévation céleste deviendraient-il la clé de voûte de tout ?
La Cathédrale n’est plus cathédrale. Elle devient lieu suprême de la rencontre de la pensée sacrée des hommes et de leur histoire profane.
La Cathédrale n’est plus cathédrale mais devient le lieu communautaire de l’espoir des hommes qui cherchent à se lier au temps qui les dépasse, et dans lequel ils veulent laisser leur trace historique.
Ce que les religions diverses ne parviennent pas à faire, chacune priant pour son propre compte, le pouvoir du symbolique, y réussit : réunir les humains dans un élan commun et partagé d’élévation… et c’est autour d’une cathédrale qui brule que cela se passe. Dans cette vision d’apocalypse, elle accomplit là, son plus bel office.
Cette puissance supérieure du symbolisme, nous connaissons bien cela en Franc-maçonnerie, car à chaque tenue nous nous enfonçons dans une forêt de symbole. Ici, tout, absolument tout, est symbole. Le moindre objet, le décor, les mots, les déplacements, les postures, les gestes… tout est dialogue entre l’apparence matérielle et ce qui se murmure au-delà de la réalité.
Mais il faut avoir l’ouïe fine pour entendre parler les symboles, cette délicatesse de perception, c’est tout le processus initiatique mis en place qui y conduit au long des degrés de nos différents rites.
Il faut entendre le compas souffler : « Ma fonction n’est pas que de tracer des cercles, je suis là pour dire que je représente la pensée qui vole par-dessus la matière et qui élève l’homme », il faut entendre le fil à plomb raconter qu’il ne veut pas être seulement pris pour le serviteur qui indique la rigide verticale qui permet de bâtir, mais qu’il est la droite vertu avec laquelle l’homme doit faire face aux choix de la vie, il faut écouter la pierre qui murmure qu’elle n’est pas stupidement oubliée dans un coin du mur, mais que de sa place, où qu’elle soit, elle participe à l’ensemble, et contribue à l’aventure de tous… comme chacun d’entre nous dans la société.
Le symbolisme est un discours universellement partagé et compris, une façon de vaincre la tour de Babel qui brouille le message, une façon de dépasser les religions dans leur compétition.
C’est cela le symbolisme, c’est cela la Franc-maçonnerie, et c’est cela le message qui crépitait aussi dans les flammes qui ont embrasé notre superbe cathédrale Notre-Dame et qui a été entendu partout autour de la terre.
J’ai dit.




