La confrérie légendaire. Un mythique passé. Un avenir visionnaire.
On aime ces trois phrases parce qu’elles sonnent comme un blason. Elles claquent comme un étendard que l’on brandit quand le monde devient bruyant et que l’âme cherche un refuge. Mais elles peuvent aussi, si l’on n’y prend garde, devenir un joli vernis posé sur le bois fatigué de nos habitudes.
La confrérie légendaire.
Oui, c’est vrai : nous venons de loin. Nous nous reconnaissons sans nous confondre. Nous parlons une langue de symboles que la plupart n’entendent plus. Et pourtant, la question qui brûle n’est pas “Sommes-nous une confrérie ?”, mais “Sommes-nous encore fraternels ?”
La légende n’est pas un costume. La légende est une exigence. Elle n’excuse pas nos petites rivalités, nos chapelles, nos susceptibilités de velours. Elle ne justifie pas la froideur administrative qui remplace parfois l’accueil, ni ces silences où l’on laisse un Frère ou une Sœur se débrouiller seul avec ses doutes. Une confrérie ne se proclame pas : elle se prouve, au quotidien, dans la manière de regarder l’autre sans le réduire à son grade, son rite, sa fonction, son obédience, son accent, sa “tendance”.

Un mythique passé.
Nous l’invoquons comme on allume une veilleuse. Nous citons des dates, des noms, des hauts faits. Nous mettons des gants blancs à l’histoire. Pourtant, le passé n’est pas un musée : c’est une racine. Et une racine n’a de sens que si elle nourrit.
Le mythe, lorsqu’il est vivant, n’est pas un décor. Il est un miroir. Il nous demande : “À quoi sers-tu ?”
Car le danger, c’est de confondre la mémoire avec la nostalgie. La mémoire éclaire. La nostalgie endort. La première nous rend responsables ; la seconde nous rend spectateurs. Et un Ordre qui se contente d’admirer son passé finit toujours par le répéter au lieu de le prolonger.
Un avenir visionnaire.
Voilà la partie la plus difficile. Parce qu’elle exige de cesser de jouer à la franc-maçonnerie pour la faire advenir. L’avenir visionnaire ne se décrète pas en plan stratégique, en slogans rutilants, en posts bien lissés. Il commence au moment où l’on accepte une vérité simple : on ne bâtit pas l’avenir avec des cœurs fermés.
Visionnaire, ce n’est pas “moderne”. Visionnaire, c’est “juste”.
C’est penser que notre méthode — le symbole, le silence, la parole tenue, l’écoute, le travail sur soi — peut encore servir à quelque chose dans un monde saturé d’opinions, de réactions et d’ego.
Visionnaire, c’est refuser le confort de l’entre-soi. C’est arrêter de croire que “préserver” signifie “figer”. C’est se demander si nos tenues transforment vraiment nos vies, ou si elles ne font que nous offrir une parenthèse élégante.
Alors oui : confrérie, passé, avenir. Mais à une condition : que ces mots ne soient pas des vitrines. Qu’ils deviennent des outils.
Qu’une loge ne soit pas seulement un lieu où l’on “tient” des réunions, mais un atelier où l’on se polit soi-même — jusqu’à ce que cela se voie dehors.
Qu’on ne sorte pas du temple avec une lumière en poche, mais avec une responsabilité en plus.
Qu’on cesse de mesurer la réussite à la fréquentation, au décorum, aux titres, et qu’on la mesure à cette question brutale : est-ce que je suis devenu meilleur ? Pas parfait. Pas “au-dessus”. Juste plus humain. Plus vrai. Plus capable de fraternité.
La légende n’est pas derrière nous. Elle est devant.
Le passé n’est pas un piédestal. Il est une promesse.
Et l’avenir ne sera visionnaire que si nous osons, enfin, faire ce que nous disons.
Parce qu’au fond, la seule phrase qui compte vraiment, c’est celle qu’on n’écrit pas sur une bannière :
“Je travaille, et ça change quelque chose.”
Billet d’humeur maçonnique de GADLU.INFO




