« Sois comme… » : une planche brève pour se redresser
Il est des phrases qui ne cherchent pas à convaincre, mais à réveiller. Les paroles attribuées à Mevlana Djalâl ad-Dîn Rûmî résonnent comme une suite de consignes intérieures : non pas des slogans, mais des repères pour tailler la pierre, jour après jour.
Être comme l’eau : donner sans bruit
L’eau courante n’exhibe pas sa générosité : elle va, elle sert, elle s’adapte. Être “comme l’eau” en loge, c’est aider sans humilier, soutenir sans tenir registre, soulager sans réclamer. La vraie assistance n’a pas besoin d’applaudissements.

Être comme le soleil : aimer sans choisir
Le soleil éclaire sans demander si l’on “mérite”. Il réchauffe même les terrains ingrats. Ainsi devrait être notre affection : non pas une préférence, mais une bienveillance active, une miséricorde qui relève au lieu d’accabler.
Être comme la nuit : couvrir sans mentir
La nuit ne nie pas l’existence des défauts : elle les recouvre, elle apaise les contours trop durs. Couvrir les défauts d’autrui, ce n’est pas tolérer l’injustice : c’est refuser la médisance, protéger la dignité, corriger en privé, et se souvenir que le travail maçonnique n’est pas un tribunal.
Être comme la mort : mettre fin à la colère
La colère, en nous, veut régner. “Être comme la mort”, c’est lui dire : cela s’arrête ici. Non pas par froideur, mais par maîtrise. Le maçon n’est pas celui qui ne ressent rien : c’est celui qui refuse d’être gouverné par ses nerfs.
Être comme la terre : porter avec humilité
La terre reçoit tout : les pas, les chutes, les graines, les déchets… et pourtant elle demeure, patiente, féconde. L’humilité maçonnique est de cet ordre : porter, servir de base, sans se croire le sommet. L’orgueil est un bruit ; la modestie est une force.
Être comme la mer : tolérer sans se perdre
La mer est vaste : elle accueille des fleuves différents sans cesser d’être elle-même. La tolérance n’est pas l’indifférence : c’est la capacité d’entendre sans rompre, de dialoguer sans mépriser, de rester fidèle à la quête de la vérité sans imposer la sienne.
La dernière phrase : la pierre de touche
« Ou bien parais tel que tu es, ou bien sois tel que tu parais. »
C’est une injonction de cohérence. En loge, le symbole ne doit pas devenir un masque. Le tablier ne remplace pas l’effort ; il le rappelle. Si je montre une façade, qu’elle devienne réalité. Sinon, qu’au moins j’aie l’honnêteté de ne pas jouer un rôle.
Ainsi, ce texte se lit comme un miroir : eau, soleil, nuit, mort, terre, mer… autant de natures pour nous rappeler que l’initiation n’est pas un titre, mais une pratique. Et qu’au fond, le plus beau travail n’est pas de paraître meilleur : c’est de devenir plus juste.
Inspiré d’un texte de Mevlana Djallal El Din Rûmi




