L’Orateur est le gardien de la Tradition maçonnique et le garant du respect des lois et règlements de la Loge. Avec le Vénérable Maître et le Premier Surveillant, il compose le Comité de Justice. Il est le seul officier habilité à interrompre un membre — y compris le Vénérable Maître — lorsqu’il l’estime nécessaire pour préserver les principes, les lois et les usages maçonniques. Ce rôle explique que sa médaille représente souvent les Tables de la Loi.
Fonction caractéristique du Rite Écossais Ancien et Accepté, l’Orateur ne doit pas être confondu avec d’autres offices présents dans d’autres rites (comme l’Aumônier). Au-delà de sa mission de gardien des règles, il assume un rôle rituel essentiel : prononcer les Orations. Il ne s’agit pas de prières, mais d’une intervention de synthèse et de conclusion. À l’issue de chaque débat, l’Orateur organise les positions exprimées, en dégage les lignes de force, puis formule une recommandation au Vénérable Maître sur la décision à prendre et la manière de la prendre.

Les débats en Loge obéissent à des règles strictes destinées à garantir une expression libre, ordonnée et respectueuse. Le fond prime sur la forme : le débat sert à éclairer une question et à permettre une décision, non à imposer une opinion, à « vaincre » un contradicteur (car il n’y a pas d’adversaires en Loge, seulement des Frères qui coopèrent), ni à réfuter point par point ce qui a été dit. Chaque intervenant ne prend la parole qu’une seule fois par débat. Nul n’est interrompu — sauf, exceptionnellement, par l’Orateur, et uniquement pour faire respecter la coutume, les lois ou les règlements. La parole est donnée par le Vénérable Maître ; il n’y a pas de dialogue direct : chacun s’adresse à la Loge entière, et non à une personne. On n’y déclare pas « je ne suis pas d’accord avec… », mais plutôt : « voici comment je comprends le sujet, pour telles raisons ».
Après le débat, le Président en fait une synthèse aussi objective que possible, en indiquant l’issue des échanges : unanimité, majorité claire, pluralité d’interprétations sans position dominante, ou impossibilité de conclure faute d’éléments suffisants.
Vient ensuite la conclusion de l’Orateur : son avis ou sa recommandation au Vénérable Maître. Cette conclusion doit dépasser les préférences personnelles : l’Orateur signale s’il existe une unanimité, ou au moins une majorité nette (ce qui peut permettre une décision sans vote), ou bien il identifie les positions à soumettre au vote. Dans ce cas, il les formule de manière claire et sans ambiguïté, afin que chacun sache exactement ce qui est tranché. Lorsque les informations manquent ou que les doutes demeurent trop importants, il peut recommander de reporter la décision et de proposer les mesures utiles pour décider plus éclairé.
Il est essentiel de rappeler que le Vénérable Maître n’est pas tenu de suivre l’avis de l’Orateur. Il peut décider autrement, sur le fond comme sur la forme, car l’autorité lui a été déléguée par la Loge. L’Orateur demeure un collaborateur : il avertit, il éclaire, il garantit les règles — il ne s’impose jamais comme une autorité occulte. La décision finale appartient au Vénérable Maître, et la responsabilité aussi.
En fin de séance, après la période de parole donnée à l’Ordre ou à la Loge (équivalent, dans les réunions profanes, de la « période suivant l’ordre du jour »), le Président conclut en rappelant les décisions prises durant la tenue. Ce bref rappel met en valeur le travail accompli et facilite la rédaction du procès-verbal.
Il arrive enfin que l’Orateur propose, dans ses conclusions finales, un très court tableau de réflexion sur un thème maçonnique, de préférence en lien avec les échanges. Toutefois, cela ne se produit jamais si un autre tableau a déjà été présenté durant la séance : une tenue doit comporter une matière d’étude, mais un seul tableau suffit. Multiplier les thèmes risquerait de disperser la méditation. Si aucun tableau n’a été présenté, l’Orateur — dernier à intervenir avant la clôture — veille à ce que la Loge reparte avec une piste de réflexion, sous la forme d’un bref tableau de suivi soulevant des questions plutôt que délivrant des leçons. Ainsi, les travaux sont justes et parfaits.
Référence : Rui Bandeira, « L’Orateur », blog From Stone, 16/12/2013.




