Je n’ai qu’un seul filleul en franc-maçonnerie.
Je regrette profondément qu’au moment de son initiation, je n’aie pas eu l’expérience et la maturité maçonniques que j’ai aujourd’hui. J’ai fait – et je fais encore – de mon mieux pour lui, même à distance.
Si je pouvais remonter le temps, voici la lettre que j’aimerais lui remettre.

Lettre à mon filleul
Mon cher filleul, mon cher Frère,
C’est avec une grande joie, mêlée d’un profond sentiment de responsabilité, que je m’adresse à toi en tant que parrain, au début de ce nouveau chemin. Permets-moi de partager avec toi quelques réflexions nées de mon propre parcours ; j’espère qu’elles t’accompagneront dans ton apprentissage et tes découvertes.
On lit dans les Écritures :
« Tout est permis, mais tout n’est pas utile. »
Médite souvent ces mots. La franc-maçonnerie t’ouvre un vaste horizon, riche d’occasions de comprendre, de servir et de te transformer. Mais tout n’est pas nécessaire, ni bénéfique. Choisir la meilleure voie exige prudence, discernement et attention aux conséquences de tes actes.
Tu te demanderas parfois quel est ton rôle en Loge, pourquoi tu es ici, si tu es “à ta place”. Ces moments de doute sont précieux : ils aiguisent ta réflexion et t’invitent à chercher des réponses en toi, dans le symbole, dans l’histoire de l’Ordre et dans le dialogue avec tes Frères. Ne fuis jamais ces questions : elles sont le moteur de ton développement intérieur.
Pendant ton temps d’Apprenti, le silence sera ton meilleur allié. Observe, écoute, laisse les choses résonner en toi. Le silence n’est pas un vide : il est un espace de maturation. C’est là que tu pourras vraiment accueillir les symboles, les gestes, les mots du rituel.
Il arrivera qu’on te corrige, parfois sans beaucoup de tact. Tu pourras te sentir blessé, frustré. Mais un jour tu comprendras que, la plupart du temps, cela part d’un désir de t’aider à grandir. Nos Frères ne sont pas parfaits, mais ils veulent – ou devraient vouloir – notre bien.
Traditions, symboles et secret
Le respect des traditions est l’une des plus belles façons d’honorer l’héritage maçonnique. Chaque rituel, chaque parole, chaque symbole porte des siècles d’histoire et de sagesse. Lorsque tu participes aux travaux, ne vois pas une simple répétition formelle, mais un lien vivant avec ceux qui t’ont précédé.
Comprendre ces traditions exige humilité et persévérance. Elles ne sont pas de simples habitudes : elles constituent les piliers sur lesquels reposent l’identité et l’unité de l’Ordre. Chéris-les, interroge-les, travaille-les : elles contiennent l’essence de ce que signifie être franc-maçon.
Le symbolisme maçonnique est un langage ancien, subtil, parfois déroutant. Les symboles sont des clés : ils ouvrent des portes que chacun franchit à son rythme. Mais pour qu’ils prennent sens, ta présence régulière en Loge et ton engagement dans l’étude sont indispensables.
On dit souvent que « le secret de la franc-maçonnerie réside dans la franc-maçonnerie elle-même » : il ne se révèle ni dans les livres, ni sur les réseaux, mais dans l’expérience vécue du rituel, du travail, de la fraternité.
Un chemin personnel, mais jamais solitaire
Souviens-toi : « le chemin est individuel, mais non solitaire ».
Tu as à construire ta propre voie, selon tes valeurs, ton histoire, ta conscience. Mais tu appartiens à une fraternité qui partage des idéaux et des espérances. Tu trouveras des Frères prêts à t’écouter, te soutenir, te conseiller lorsque tu en auras besoin.
Tu croiseras aussi des Frères dont l’engagement sera plus tiède, ou dont les priorités seront ailleurs. C’est la nature humaine. Efforce-toi de te rapprocher de ceux qui prennent au sérieux le travail maçonnique et vivent réellement les principes de l’Ordre.
Je peux t’indiquer le chemin, t’éviter quelques pierres, mais je ne peux pas marcher à ta place. Le temps t’appartient : nous ne sommes pas dans une course. Savoure chaque étape, chaque tenue, chaque instruction. La progression maçonnique est lente, mais profondément féconde pour celui qui l’accepte ainsi.
Responsabilités, humilité et ego
À mesure que tu avanceras, tes responsabilités s’accroîtront. De nouveaux Frères se tourneront vers toi pour demander conseil, pour prendre exemple. Que ta présence soit alors un reflet de justice, d’intégrité et de bienveillance. Chaque grade est un honneur, mais aussi un devoir de service.
Ne laisse pas ton ego troubler ce chemin. Tu seras tenté de montrer ce que tu sais, les livres que tu as lus, les fonctions que tu occupes. Avant de parler, demande-toi toujours :
« Qu’est-ce que cela apporte vraiment à l’Œuvre commune ? »
Si la réponse n’est pas claire, choisis le silence.
Je ferai de mon mieux pour être un bon exemple, mais n’oublie pas que je suis, moi aussi, un homme imparfait. La franc-maçonnerie est idéale ; les francs-maçons, eux, sont en chantier. Nous sommes tous là pour tailler notre pierre, avec nos défauts et nos efforts. Garde cela à l’esprit pour rester indulgent envers les autres… et envers toi-même.
Mon cher filleul, accueille chaque enseignement avec un cœur ouvert et un esprit curieux. Laisse cette voie t’aider à donner sens à ta vie, à mieux te connaître, à mieux servir.
Et sache que, quoi qu’il arrive, tu peux compter sur mon soutien fraternel.
Avec sincérité et affection, je t’embrasse fraternellement.
Ton parrain,
Fábio Serrano, Maître Maçon
R∴ L∴ Mestre Affonso Domingues n° 5 (GLLP / GLRP)
Source : blog « Commencer par la pierre »




