Être ou ne pas être présent aux travaux
Jacques Tornay introduit son propos en soulignant que l’absentéisme et la difficulté à assurer la relève ne sont pas de simples constats administratifs, mais des symptômes d’un fonctionnement en tension dans certaines loges.
Des secrétaires relèvent scrupuleusement la fréquentation : des cérémonies essentielles (comme des initiations ou tenues funèbres) se voient parfois désertées. Cette désaffection, si elle n’est pas généralisée, interroge néanmoins le sens de l’engagement maçonnique et le respect du serment d’assiduité.
L’auteur salue l’initiative genevoise de Lux Post Meridiem, qui adapte ses horaires aux frères âgés ou affaiblis, preuve qu’une loge vivante sait se réinventer pour ne pas laisser ses membres s’éloigner.
Comprendre les causes et raviver le désir
Les absents ne sont pas tous perdus. Certains reviennent après de longues années, tels des « voyageurs retrouvant la lumière d’une auberge ».
Mais d’autres se détachent définitivement, laissant la loge s’interroger : faut-il trancher ou patienter ?
La Grande Loge Suisse Alpina avait jadis encouragé les ateliers à réfléchir à leur attractivité : non pas par le spectaculaire, mais par la sincérité du lien fraternel et la pertinence du travail initiatique.
Ramener le désir au centre : tel est l’enjeu. Sans cela, même le plus riche des programmes restera vain.
Le défi de la relève : entre génération et transformation
Michel Zufferey, de la loge Evolutia, observe que le nombre de membres décline, même si une demande existe.
Le problème est démographique et culturel : la maçonnerie suisse vieillit, peu de jeunes ou de descendants de familles naturalisées frappent au temple.
L’avenir exigera donc une ouverture d’esprit et une pédagogie du sens, capable de parler à une génération immergée dans un monde d’instantanéité et de doutes.
Inspirations venues d’ailleurs
L’article évoque plusieurs expériences étrangères :
- En Angleterre, la Grande Loge Unie d’Angleterre a créé le « Universities Scheme » pour initier des étudiants d’Oxford et Cambridge, suscitant un nouvel intérêt universitaire.
- Au Canada, le programme Comely relie les frères éloignés par des rencontres conviviales (pique-niques, golf, etc.) pour réactiver la chaîne d’union.
- Aux États-Unis, Cameron MacKay appelle à une maçonnerie plus volontariste et visible, moins refermée sur elle-même, affirmant sa mission de transformation morale et sociale.
Il souligne la nécessité d’alléger les structures, de renforcer la transparence et de donner à la fraternité un visage moderne et engagé.
Une fraternité en quête de sens durable
La Revue Alpina conclut sur un constat lucide : la franc-maçonnerie ne manque pas de symboles, mais parfois de souffle collectif.
Relancer la présence et la relève, c’est raviver le feu de l’idéal — non par contrainte, mais par conviction.
Le maçon doit se rappeler que le temple intérieur ne se bâtit qu’en présence des autres, et que l’absence répétée affaiblit la lumière commune.
L’absentéisme n’est pas seulement une statistique, mais un appel à repenser la vivacité spirituelle de la loge.
La relève n’est pas une simple question de recrutement, mais une question de transmission vivante.
Les deux se rejoignent dans la même exigence : redonner du sens à la présence, et du souffle à la fraternité.
- Basé sur l’article paru dans la Revue maçonnique suisse ALPINA de février 2014, consacré à deux thèmes intimement liés : l’absentéisme et la relève maçonnique.
