TRADITION KABBALISTIQUE ET FRANC-MAÇONNERIE : UNE IDÉE REÇUE ?
La Kabbale — mot hébreu signifiant littéralement « ce qui a été transmis » — désigne une tradition mystique du judaïsme, fondée sur la quête d’une relation directe de l’humanité avec le divin.
Elle repose sur des écrits, des écoles et des enseignements ésotériques variés, mais sans dogme unifié ni doctrine universelle vérifiable.
Dès lors, comment comprendre le lien souvent évoqué entre cette tradition et la Franc-Maçonnerie ?
L’article Freimaurerei oder Kabbala? Eine Klärung, publié sur le site de la Grande Loge Suisse Alpina, explore précisément cette question et sert de base à ce texte.
ORIGINES ET TRANSMISSION DE LA KABBALA
Le terme « Kabbale » dérive de la racine hébraïque קבל (qbl), signifiant « recevoir » ou « prendre réception ». Initialement, il évoquait la transmission de la Loi à Moïse sur le Sinaï, point central de l’histoire juive, tel qu’exposé dans l’Exode et le Deutéronome.
Puis, au fil des siècles, cette tradition orale se propagea autour de la Méditerranée. Sous l’influence des échanges entre Juifs, chrétiens et musulmans, certaines idées kabbalistiques furent réinterprétées — notamment à la Renaissance italienne — et intégrées dans des courants mystiques occidentaux.
INFLUENCES SYMBOLIQUES : KABBALA ET FRANC-MAÇONNERIE
L’article de la Grande Loge Alpina souligne que, dans le passé, les kabbalistes étaient perçus comme des magiciens du Verbe et des Nombres, capables de manipuler les 22 lettres de l’alphabet hébreu et les dix nombres sephirothiques pour sonder les mystères de la Création. Il est avancé que le fameux « secret de la Franc-Maçonnerie » pourrait trouver une part de ses racines dans cette tradition.
Au XVIIᵉ siècle, avec l’émergence des manifestes rosicruciens, une synthèse entre kabbale chrétienne et mysticisme occidental s’est opérée. Ces écrits, importants pour les degrés supérieurs maçonniques, contribuèrent à façonner l’idéologie spéculative de la Franc-Maçonnerie.
Dans le degré de Maître, la quête du mot perdu (le mot sacré perdu lors de la mort d’Hiram) est souvent mise en parallèle avec les aspirations mystiques de la Kabbale, évoquant la recherche du Nom ineffable de Dieu.
DE 1717 À NOS JOURS : UNE FILIATION SPIRITUELLE ?
L’article trace également un panorama historique :
En Angleterre, au XVIIIᵉ siècle, des courants humanistes, ésotériques et kabbalistiques convergèrent (kabbale hébraïque d’Espagne, kabbale chrétienne d’Italie, pensée rosicrucienne allemande). Et c’est le 24 juin 1717 que se concrétisa, selon cette interprétation, l’alliance symbolique entre ces traditions au sein de la nouvelle Franc-Maçonnerie spéculative.
Cette synthèse, selon l’article, permit à la Franc-Maçonnerie moderne de transformer les symboles artisanaux du bâtiment en outils spirituels, tout en incorporant la dignité humaine, la tolérance et la quête de lumière.
VERS UNE COMPRÉHENSION NUANCÉE
Loin de promouvoir une fusion doctrinale et mystique irréfléchie, cette approche souligne surtout une résonance symbolique : la Franc-Maçonnerie, tout en revendiquant ses racines opératives, puise dans la mystique kabbalistique certains tropismes de langage, de symbolisme et de quête intérieure.
Le lien entre les deux n’est pas une égalité verrouillée : il est une influence subtile, un écho spirituel.
La Franc-Maçonnerie n’adopte pas la Kabbale comme doctrine, mais reçoit et transforme certains de ses motifs pour en faire des outils de réflexion et d’élévation intérieure.
Par le Br∴ R.K., Loge Modestie avec Liberté, Orient de Zurich
Référence : « Freimaurerei oder Kabbala? Eine Klärung », site de la Grande Loge Suisse Alpina Schweizerische Grossloge Alpina
