Il arrive parfois d’entendre, au détour d’une discussion maçonnique, une phrase dérangeante : « Ce Frère n’était pas nécessaire à la Loge. »
À première vue, l’expression choque. Comment un initié, accepté et régulier, pourrait-il devenir inutile pour l’Ordre ?
Cette interrogation, loin d’être théorique, nous renvoie à une réflexion profonde : le danger ne réside pas tant dans l’inutilité vis-à-vis de la Loge que dans l’inutilité vis-à-vis de soi-même.
L’inutilité commence dans le temple intérieur
Chaque Franc-Maçon porte en lui un temple intérieur, fragile et exigeant, qui demande à être construit jour après jour. Avant d’être “inutile” pour ses Frères, on devient inutile à soi-même lorsqu’on néglige cette édification intérieure.
Vices, passions, orgueil, manque de loyauté, jalousie ou simple indifférence : ce sont autant de fissures qui fragilisent l’édifice spirituel. Une Loge peut pardonner un défaut ou une faiblesse, mais elle souffre lorsqu’un Frère choisit de ne plus bâtir en lui-même.

La parabole des deux loups
Une vieille parabole nous éclaire.
En chacun de nous vivent deux loups :
- Le premier est sombre, nourri par la colère, la jalousie, l’ego, l’orgueil et la peur.
- Le second est lumineux, rempli de bonté, de fraternité, de foi, d’espérance et d’amour.
Ces deux loups se battent sans cesse. Qui l’emporte ? Celui que nous choisissons de nourrir.
Le Franc-Maçon devient inutile lorsqu’il nourrit sans cesse le mauvais loup, laissant son temple intérieur s’assombrir.
Le rôle de la Loge : un miroir bienveillant
La Loge n’est pas qu’un lieu rituel, elle est aussi un miroir.
Les regards, les signes, les conseils fraternels sont autant d’appels à reprendre la rectitude lorsqu’un Frère s’égare. Encore faut-il accepter d’écouter…
Le Psaume 119:37 le dit clairement :
« Détourne mes yeux de la vue des choses vaines, et fais-moi revivre dans ta voie. »
Ainsi, devenir inutile n’est pas une fatalité. C’est une alerte, une invitation à choisir de nouveau quel loup nourrir, et à réaffirmer sa vocation de bâtisseur.
Être un Frère nécessaire
Nul besoin d’exploits grandioses. Il suffit de :
- pratiquer la bienveillance au quotidien,
- rester fidèle à ses engagements,
- écouter et respecter ses Frères,
- agir avec équité et sincérité.
Autant de gestes simples qui nourrissent le bon loup, édifient notre temple intérieur et rendent chaque Maçon nécessaire – non pas par son rang, mais par son rayonnement intérieur.
Être Franc-Maçon, c’est accepter de lutter sans cesse contre l’inutilité qui guette.
C’est choisir, à chaque instant, de nourrir le loup de la lumière plutôt que celui des passions.
Un Maçon n’est jamais inutile tant qu’il demeure fidèle à son temple intérieur et qu’il contribue, même modestement, à l’harmonie du monde.
Que l’amour et la fraternité triomphent toujours.




