L’obscurité
Tout commença dans l’angoisse du moment. Les yeux bandés, marchant à reculons, désorienté, en silence, je suivais un chemin inconnu, guidé uniquement par la main ferme de celui qui m’accompagnait. Mon esprit était en ébullition : Que va-t-il se passer ?
Au fond de moi, une voix intérieure répétait : fais confiance, avance, attends, crois au processus, écoute les conseils et savoure cette marche… ce n’est que la première étape. Peut-être était-ce là déjà la première leçon : apprendre à faire confiance à ses Frères et Sœurs.

Les habits soigneusement préparés pour cette journée – neufs, impeccables, parfumés – furent vite transformés : tongs d’un côté, pantalon retroussé, chemise à moitié enfilée… Une image déconcertante. Était-ce le signe que la vanité devait être abandonnée sur-le-champ, pour que l’initiation puisse s’accomplir ?
La mort du profane
Après une courte marche, et une montée rapide d’escaliers, je fus conduit dans une petite pièce, éclairée faiblement par une bougie. Là, devant un crâne et un testament à signer, des phrases provocatrices résonnaient. Le questionnaire me mit face à une évidence : continuer supposait du courage et une certitude absolue dans ma décision.
Puis vinrent le froid, le silence, le retour à l’obscurité. Privé de repères temporels, j’étais comme enfermé dans une prison humide. Mon dialogue intérieur s’intensifiait, un film de vie se déroulait, parfois interrompu par des contacts mystérieux : caresses, objets placés dans mes mains – épées, bois dont je ne saurai dire la nature. Était-ce une leçon de patience, d’humilité, de respect du processus initiatique ?
S’ensuivirent des marches plus rapides, plus abruptes, toujours dans l’obscurité totale. La peur de tomber grandissait, apaisée seulement par la confiance en mon guide. Je percevais des environnements changeants, des regards invisibles. J’éprouvai la douceur de la promesse, l’amertume de la trahison.
Puis vinrent de nouvelles questions, cette fois posées à voix haute : mes intentions, l’importance de mon choix, non seulement pour ma vie, mais pour l’Ordre tout entier et son histoire précieuse. Alors, je compris : j’avais accepté la mort du profane, et pris l’engagement d’une responsabilité éternelle – la garde de l’éthique, des rites et des secrets de la Franc-Maçonnerie.
La lumière
Je ne sais combien de temps s’était écoulé. Après m’être recomposé, guidé de nouveau, je sentis la présence de nombreux Frères autour de moi. Puis, soudain, on m’ôta le bandeau.
Ma vision était encore floue, mais l’image qui s’offrit à moi restera gravée à jamais : l’intérieur du Temple, baigné par la lumière venue de l’Orient, le ciel peint au plafond, les symboles tout autour, les Frères alignés en parfaite harmonie, leurs épées pointées vers nous comme des rayons lumineux. Un instant d’admiration pure, mêlée de paix profonde et d’un accueil fraternel.
Lorsque ma vue s’éclaircit, je reconnus des visages familiers… et d’autres que je n’aurais jamais imaginés voir en ce lieu. Ce fut une révélation.
Depuis ce jour, chaque fois que j’entre dans le Temple, ce souvenir revient, tel une ancre émotionnelle, ravivant en moi ce sentiment unique.
Le tablier
Recevoir mon tablier fut un privilège, une fierté profonde. Qu’il m’accompagne dans mes travaux, et qu’un jour, en le retrouvant au fond d’un tiroir, je puisse mesurer le chemin parcouru et, surtout, tout ce qu’il me restera encore à apprendre.
Remerciements
Je remercie tous ceux qui ont contribué, de près ou de loin, à me donner cette opportunité. Mais en particulier mon parrain, le Frère Fábio Reis, et le Frère Rodrigo Kamke.
Wellington Ferrari, CIM 353300 – Loge maçonnique Nilo Peçanha n°1039 – Colatina – ES – GOB




