On nous répète que la vengeance est une passion basse, irrationnelle, destructrice. On nous dit que la justice est son contraire : noble, équilibrée, garante de la paix sociale. Mais regardons autour de nous : dans les textes sacrés, dans l’Histoire, dans nos loges et jusque dans l’actualité brûlante, la frontière entre vengeance et justice est mince, parfois inexistante.
Quand Dieu se fait vengeur
La Bible, le Coran, les récits fondateurs regorgent de massacres ordonnés au nom d’un Dieu qui se proclame « juste ». Trois mille Hébreux tués pour un veau d’or, villes rasées, peuples exterminés. On appelle cela justice divine. Mais peut-on encore la distinguer de la vengeance ?
Et aujourd’hui, au nom de la religion, combien de guerres, combien de tueries, combien d’attentats se revendiquent d’une « juste rétribution » ? La violence sacrée n’a pas disparu, elle s’est seulement travestie en cause politique, en croisade identitaire.
Quand la société confond châtiment et équité
Notre monde moderne aime à se dire civilisé : il a remplacé la vendetta par le tribunal, le duel par le procès, le talion par le code pénal. Mais grattant un peu, qu’y trouve-t-on ? La même logique vindicative, simplement enrobée dans des procédures.
La prison n’est-elle pas souvent une vengeance sociale ? Les guerres dites « préventives » ne sont-elles pas une vengeance déguisée ? Les lynchages médiatiques, les polémiques numériques où l’on « détruit » une réputation en quelques heures, ne sont-ils pas la version moderne de l’œil pour œil, dent pour dent ?
Quand la franc-maçonnerie s’embarrasse du même dilemme
Regardons nos rituels. L’histoire d’Hiram nous parle de crime et de punition. Le message officiel : l’Ordre n’inspire pas la vengeance. Mais pourquoi alors rejouer éternellement ce cycle ? Pourquoi mettre en scène l’assassin puni, le traître détruit ?
Nous proclamons que le Mal naît de l’ignorance. Alors pourquoi la sanctionner par une peine symbolique ? Pourquoi répéter le cycle que nous prétendons dépasser ? La contradiction est dans nos temples comme elle est dans nos tribunaux.
Quand la politique mondiale recycle le vieux cycle
Aujourd’hui encore, des nations se réclament de la justice pour venger un affront. Le 11 septembre, la « guerre contre le terrorisme », l’Ukraine, Gaza, les frappes, les représailles : partout, la même logique. On dit « justice », mais on agit « vengeance ».
Les puissants promettent d’« équilibrer » par la force, et ce faisant, ils entretiennent la spirale de la violence. Comme Homère le disait déjà dans l’Iliade, les dieux eux-mêmes se vengent les uns des autres, et l’homme imite leurs querelles divines. Rien n’a changé.
La vengeance déguisée en justice
François Mauriac avait raison : la vengeance déguisée en justice, c’est notre plus affreuse grimace.
Et nous, francs-maçons, qui prétendons bâtir un temple à la paix et à la fraternité, sommes-nous capables d’échapper à cette grimace ? Avons-nous le courage de dénoncer la justice vindicative, qu’elle soit divine, politique ou sociale ? Avons-nous l’audace de reconnaître que nous sommes, nous aussi, tentés de nous venger de nos Frères, de nos loges rivales, de nos obédiences concurrentes ?
Le seul dépassement possible : le pardon
La seule rupture authentique, c’est le pardon. Non pas le pardon naïf, qui nierait le mal. Mais le pardon lucide, qui refuse de transmettre le mal plus loin. Pardonner, c’est casser la chaîne. Pardonner, c’est refuser d’être le relais de la violence.
Alors oui, pardonner est une vengeance, mais une vengeance paradoxale : non pas contre l’autre, mais contre le cycle lui-même.
La vraie question n’est pas de savoir si nous pouvons rendre la justice plus juste, mais si nous pouvons sortir enfin de l’illusion qu’elle n’est pas vengeance. Notre tâche maçonnique est d’inventer un autre chemin : celui où le glaive se tait, où la lumière n’écrase pas les ténèbres mais les dissipe, où la seule victoire est intérieure.
Notre vengeance, si vengeance il doit y avoir, ce sera le pardon.
- Texte inspiré de la planche « VENGEANCE ET JUSTICE EN FRANC-MAÇONNERIE«





Vengeance et justice… Un thème loin d’être ignoré par les maçons. Mais pour cela il faut dépasser la maitrise…
Pas tout a fait d’accord pour les raccourcis pris par l’auteur.
La suite du meurtre… Mêne non pas a la vengeance indigne du roi Salomon mais « à la juste punition des coupables », l’un se suicidant a la vue des envoyés… Le chef de la mission est tancé par Salomon.
Il est vrai que la juste punition menait a l’écartellement, au démembrement…auxquels les 2 complices auront droit et non pas a prison avec visite familiale TV ….
Le pardon oui , éventuellement… même la joie profonde quand le gamin de 15 ans » est rappelé à D. » et canonisé. Pas pour moi, d’abord la juste punition ensuite cela s’étudie au cas par cas. Je pense en particulier aux meutres de Mme Jubilard,au petit Emile, aux viols,violences sur les femmes et les enfants … grosses punition et longtemps oui, pardon peut etre.
FM ne veut pas dire non plus ouvert au crime.
Nous bâtissons des temples pour les vertus et des cavots pour les vices. Que ne comprenez vous pas dans ce rituel?
J’ai dit.