MISCELLANÉES MAÇONNIQUES
par Guy Chassagnard
Chronique 444
1894 – Création de la Grande Loge de France

Tout a commencé par un vent de fronde s’élevant soudain – nous sommes à la fin du XIXe siècle – au sein des loges bleues écossaises que régit depuis le début du siècle le Suprême Conseil de France.
Vent sans doute attisé par l’esprit adogmatique et progressiste prévalant depuis quelques années dans les loges du Grand Orient de France et aboutissant au rejet, en 1877, de la notion et du principe du Grand Architecte de l’Univers.
On voit ainsi une loge écossaise, Les Élus d’Hiram, émettre un vœu selon lequel devrait être supprimé le grade de Prince Maçon, considéré attentatoire à la dignité des autres membres de l’institution.
Une autre loge, dont l’histoire maçonnique a oublié le nom, préconise quant à elle la suppression de la Grande Maîtrise, jugée trop peu républicaine.
L’opposition au pouvoir centralisateur des « 33e degrés » se fait, au fil du temps, si consistante, que l’autonomie des loges symboliques devient réalité en 1894.
Par un décret signé le 7 novembre, le Suprême Conseil de France décide que les ateliers du 1er au 3e degré formeront dorénavant, sous le nom de Grande Loge de France, une « fédération » s’administrant elle-même.
L’autonomie des loges bleues est reconnue, mais non leur indépendance car, selon le même décret, la délivrance des patentes de loge et des passeports écossais individuels continue à relever directement de la juridiction.
Autonome à compter du 1er janvier 1895, la nouvelle obédience symbolique devra attendre près de dix ans pour que le Suprême Conseil de France consente – le 26 juillet 1904 – à modifier son décret d’autonomie.
Devenue pleinement indépendante la Grande Loge de France peut alors adresser à ses membres une circulaire, les informant de son nouveau statut :
«À partir de ce jour [26 juillet 1895], la Grande Loge et les Loges placées sous sa juridiction cessent de travailler au nom et sous les auspices du Suprême Conseil du Rite écossais ancien et accepté.
« Mais notre devoir est de maintenir l’unité de l’Écossisme, de resserrer les liens étroits qui nous unissent aux Ateliers supérieurs comme au Suprême Conseil, et d’assurer à tous nos Frères les avantages et les privilèges de l’Écossisme au regard de la Maçonnerie universelle. »
Depuis 1895 donc – et non depuis 1728 comme pourraient le laisser penser ses sceau et logo actuels –, l’obédience garantit par ses règlements généraux l’autonomie de ses loges, « dans le respect de la tradition maçonnique », ceci dans un cadre reposant sur un pouvoir législatif (constitué de députés de loges, d’un convent et de tenues de grande loge) et d’un pouvoir exécutif (composé d’un conseil fédéral et d’un collège de grands officiers élus périodiquement).
Informations complémentaires à retenir :
• En 1895, l’obédience ne compte qu’une soixantaine de loges – elle en dispose aujourd’hui de plus de 800.
• La majeure partie d’entre elles ont décidé (et obtenu du Suprême Conseil de France) de ne plus avoir à travailler sous les auspices du Grand Architecte de l’Univers.
• Contrairement à d’autres obédiences la Grande Loge de France n’est pas née d’un groupement de loges ou de francs-maçons, mais par une délégation de pouvoirs émanant d’une autorité supérieure de hauts grades.
© Guy Chassagnard — Auteur de :
- Le Dictionnaire de la Franc-Maçonnerie (Segnat, 2016)
- La Franc-Maçonnerie en Question (Dervy, 2017)
- Les Constitutions d’Anderson (1723) & la Maçonnerie disséquée (1730) (Dervy, 2018)
- La Chronologie de la Franc-Maçonnerie (Segnat, 2019)
- Les Annales de la Franc-Maçonnerie (Segnat, 2019)




