Récemment, nous avons assisté à un regain de débats sur l’ouverture de la franc-maçonnerie aux femmes. Des avancées ont également été observées à cet égard au Royaume-Uni : les femmes transgenres (c’est-à-dire les hommes qui vivent désormais comme des femmes) devenues francs-maçonnes en tant qu’hommes peuvent continuer à adhérer après une opération ; et les hommes (c’est-à-dire les femmes qui vivent désormais comme des hommes) sont invités à demander leur adhésion à la Loge, tout comme ceux nés de sexe masculin . Le sujet a été décortiqué au niveau de la Loge, sur des forums de discussion, sur les réseaux sociaux et dans diverses publications… mais l’un des arguments les plus marquants de ce débat reste sous-exploité dans le discours maçonnique. Nous y reviendrons plus tard, mais examinons d’abord les arguments les plus courants…
Les raisons de l’exclusion des femmes de la franc-maçonnerie sont diverses et tenaces. L’une des affirmations les plus courantes concernant la Loge est que les hommes ont besoin d’un lieu où ils peuvent être des hommes. Cet argument est évidemment peu développé, car un homme est un homme quel que soit le lieu (sauf, bien sûr, s’il subit une opération de changement de sexe). L’idée générale est qu’un homme doit être hors de la vue et de l’ouïe des femmes pour être véritablement un homme, ce qui est évidemment absurde et prouve presque le contraire. On peut imaginer une pièce sombre et enfumée où des garçons coquins, en l’absence de l’autorité féminine tant redoutée, pourraient boire et jurer à leur guise, probablement en jouant au poker ou au billard. Si cela peut paraître agréable, cela n’entre certainement pas dans le cadre de la franc-maçonnerie.
Un autre argument, plus convaincant, repose sur une clause des Anciens Repères [« qu’un Maçon soit un homme […] »] et de l’Obligation de Maître Maçon [« Je n’assisterai pas, ni ne serai présent à […] », etc.]. Utiliser les Repères pour étayer l’argument contre l’entrée des femmes en Franc-Maçonnerie Régulière revient à employer une logique circulaire, en ce sens qu’elle s’arrête là où elle commence, sans aborder le principe fondamental. L’Obligation de Maître Maçon est cependant une autre affaire. Il s’agit d’un serment irréversible, d’une alliance conclue avec Dieu, avec la Loge et avec nous-mêmes. Le seul moyen de contourner cette clause obligatoire est que la Grande Loge compétente la supprime de l’Obligation. Théoriquement, si cette clause était supprimée, et après qu’un nombre suffisant de Frères aient été élevés en leur absence pour gérer une Loge de Maître Maçon, ils pourraient initier et élever une femme. Mais il y a une raison pour laquelle cela est déconseillé…
L’argument le plus convaincant pour empêcher les femmes de participer à l’expérience régulière de la Loge Bleue est que son rituel est spécifiquement masculin et qu’il aurait probablement peu d’écho auprès des femmes, qui possèdent déjà des signaux de transformation biologique et sociale qui se manifestent par intermittence tout au long de leur vie. Les hommes se sont isolés dans des sociétés initiatiques « secrètes » depuis des temps immémoriaux ; tout travail anthropologique fondamental sur le sujet devrait dissiper tout doute quant aux fondements historiques de cette tendance. La socialisation non genrée est un mécanisme courant et sain de l’expérience humaine à ce jour. Hommes et femmes sont biologiquement, physiologiquement, émotionnellement et psychologiquement différents. Si différent, à certains égards, qu’il y a peu de raisons de ne pas douter qu’« un système moral particulier, basé sur l’allégorie et illustré par des symboles, conçu par et pour les hommes, afin d’initier [« provoquer quelque chose, en particulier un événement important, ou un processus », pour initier – « Dictionnaire Encarta, récupéré en ligne] » un processus dans lequel ils sont transportés d’une phase psychosociale de leur existence à une autre, pourrait avoir une quelconque efficacité pour promouvoir un effet véritablement transformateur sur les femmes.
À l’heure actuelle, cependant, de nombreuses loges irrégulières et clandestines acceptent les demandes d’adhésion des femmes. Il existe même des loges exclusivement féminines – des confréries maçonniques, pour ainsi dire (l’Honorable Fraternité de l’Ancienne Maçonnerie) . Sans parler des diverses organisations liées à la Franc-Maçonnerie Régulière : l’Ordre de l’Étoile d’Orient, l’Ordre de l’Amarante, le Sanctuaire Blanc de Jérusalem, le Sanctuaire Oriental des Dames d’Amérique du Nord, les Filles du Nil, les Filles de Mokanna et l’Ordre Social de Beauceant. Mais la vérité semble être que les femmes ne sont généralement pas très intéressées par ce que propose la Fraternité, sinon elles rejoindraient probablement la Maçonnerie Mixte ( Le Droit Humain , une franc-maçonnerie irrégulière et mixte) en nombre à peu près équivalent. Les besoins sororaux et psychologiques des femmes semblent satisfaits par d’autres voies naturelles, plus adaptées à leur tempérament féminin – et, inversement, ces systèmes féminins n’auraient probablement que peu d’influence sur le déroulement de la vie d’un homme.
Cet article a pour but de remettre en question les croyances et les opinions sur ce sujet controversé, notamment ces derniers temps. Si, en tant que franc-maçon, on estime que la franc-maçonnerie devrait rester exclusivement masculine, ou qu’elle devrait initier les femmes , il est important de développer une argumentation rationnelle, exempte de toute erreur logique et capable de résister à la critique. En tant que francs-maçons, nous devrions être plus à l’aise que la plupart à l’idée de remettre en question nos normes et perspectives philosophiques pour voir si elles résistent à l’examen. Il est toujours préférable d’examiner ses propres opinions plutôt que de laisser quelqu’un d’autre remettre en question nos croyances en raisonnant avec une intelligence supérieure.
Jaime Paul Lamb
