Le mot politique , même dans le monde profane, est devenu saturé d’un sens qui ne correspond pas à celui imaginé par Aristote, c’est-à-dire l’art de gérer le bien commun ou d’administrer les affaires publiques.
Au sens large, la politique n’est donc pas seulement souhaitable, mais essentielle. En effet, comment les affaires publiques peuvent-elles être bien gérées s’il n’y a personne qui choisisse l’intérêt de la communauté comme but à poursuivre ? Comment l’État parviendra-t-il à concrétiser la thèse selon laquelle il est un moyen et non une fin s’il n’y a personne pour mettre en pratique le concept aristotélicien de la politique ?

La politique, dans ce sens, doit être enseignée aux enfants car ils seront les adultes de demain. Ils occuperont des postes importants dans l’État profane et de leurs mains sortiront des décisions qui feront le bonheur – ou le malheur – de millions de personnes. Cela ne justifierait-il pas une éducation politique sérieuse ? Sans aucun doute, oui.
L’homme ne peut donc jamais échapper à son destin anthropologique : être un animal politique. Celui qui proclame avec fermeté qu’il n’est pas un politicien, qu’il est apolitique, n’est certainement pas conscient que sa position est, en soi, une option politique.
En fait, dire qu’on n’est pas un politicien pourrait peut-être être interprété comme une volonté de ne pas adhérer au mouvement des partis politiques, ce qui est autre chose. La non-politicité serait donc un état comportemental de quelqu’un qui ne souhaite pas participer au débat politique des partis – ou même à l’activisme.
Cette non-participation est cependant en elle-même une forme d’action politique, puisque le non-participant, au niveau du parti politique, ne veut tout simplement pas être impliqué dans certaines pratiques qui ne le concernent pas. Implicitement, donc, le non-participant est quelqu’un qui n’accepte pas une certaine bannière d’un parti politique – ou qui peut ne pas accepter plusieurs de ces bannières.
Certes, cette non-participation ne conduira pas nécessairement le non-participant aux armées doctrinales de Bakounine. Ce n’est pas vraiment l’idée. En fait, la non-participation peut même être temporaire, ce qui signifie que le non-participant d’aujourd’hui deviendra un participant demain. Après tout, le monde humain est si volatile en termes d’axiologie.
Indépendamment du débat politico-partisan, une chose semble inexorable : celui qui ne participe pas au politico-partisanship est, même s’il ne l’admet pas, un participant à la politique au sens large (ou, si vous préférez, au sens aristotélicien).
Vivre en société, interagir avec d’autres personnes se traduit par une expérience politique. La figure extrême de Robinson Crusoé, sur cette île déserte, peut être utilisée à des fins didactiques : il n’aurait pas de relations politiques, car il serait seul. Cependant, le monde n’est pas une île où chaque être humain vit isolé. Au contraire, le réseau des relations humaines est extrêmement complexe, de sorte que l’action politique de l’homme, dans cette vaste dimension, peut être qualifiée d’immanente à l’homme lui-même.
La dimension politique, très vaste, de l’homme est absolument essentielle à la continuité de l’espèce humaine. L’angle politico-partisan, parce qu’il s’agit de l’administration de l’État profane, répond également à la même qualification. Agir politiquement ne consiste donc pas seulement à choisir un groupe politique pour défendre des idées clés au moment des élections. Il s’agit en effet de s’intéresser aux affaires publiques, y compris aux élections laïques, de participer activement à la vie sociale.
Cette participation productive, en termes d’affaires publiques, peut être appelée citoyenneté. La citoyenneté n’est donc pas une simple étiquette vide de sens. C’est un mode de vie pour un homme qui se retrouve au sein de la société, qui participe aux affaires publiques dans la mesure où elles sont importantes pour lui et pour les autres.
I – Un franc-maçon n’est pas empêché de connaître les deux côtés de la politique. Il doit, certes, en tant que citoyen, s’intéresser aux affaires de l’État profane et, dans la mesure de ses possibilités, il cherchera à contribuer à l’amélioration de cette chose publique.
Il serait également juste qu’il aspire à travailler politiquement, c’est-à-dire s’il souhaite se présenter à une fonction élective afin de satisfaire son besoin de travailler pour le peuple. Rien de plus louable.
Le problème ne réside cependant pas dans ces aspects généraux, mais plutôt dans un éventuel manque de compréhension des lignes directrices de l’action. En effet, des articles des Constitutions maçonniques permettent au maçon de demander l’appui de ses frères lorsqu’il postule à un poste ou à un mandat de représentation populaire. L’autorisation constitutionnelle pourrait cependant créer des obstacles herméneutiques, pour ainsi dire.
Si l’on part du principe que le franc-maçon, comme tout autre, fait partie d’une communauté, il serait illogique de supposer que, voulant se présenter aux élections d’un député d’État profane, par exemple, il ne pourrait pas demander le soutien d’autres francs-maçons. Il pourrait certainement le faire, que ce soit écrit ou non. Et cela serait basé sur le principe maçonnique de fraternité, élevé au rang de fin suprême de la Franc-Maçonnerie par les Constitutions maçonniques.
Ainsi, l’assistance maçonnique apportée à un maçon qui s’applique dans le milieu profane découle de la fraternité qui doit exister entre les maçons, ce qui dispense naturellement de sa consécration par écrit. Du principe de fraternité découlent de nombreuses conséquences, qui sont toujours applicables à la lumière du cas d’espèce. Jusqu’ici rien de nouveau sous le soleil légal-maçonnique.
Toutefois, si le Maçon, candidat à des élections profanes, élabore expressément ou secrètement des injonctions au sein de la Loge, de sorte que des discours incendiaires soient entendus dans les Temples Maçonniques, alors la permission constitutionnelle sera explicitement violée, ce qui engendrera évidemment la possibilité d’une responsabilité maçonnique pour tous ceux qui sont impliqués.
Les Constitutions Maçonniques ne permettent pas au Maçon de demander l’appui des Frères, pour des entreprises politiques profanes, au sein des Loges, au milieu du travail maçonnique. Cela contredit même les rituels maçonniques.
Si les Frères sympathisent avec la candidature profane d’un certain Maçon, ils peuvent et doivent l’aider sans violer la loi maçonnique. A cet effet, ils devraient organiser des manifestations de soutien en dehors des Loges maçonniques, en aidant le candidat Frère sur le bon plan : le plan profane.
En cas de non-respect des limites constitutionnelles à l’autorisation de solliciter un soutien politico-partisan, il appartiendra à l’agent des forces de l’ordre – agissant ici en tant que représentant du ministère public et non en tant que simple président de l’Assemblée – de prendre les mesures nécessaires pour lutter contre un tel état de fait.
Le Gardien de la Loi ne devrait même pas permettre des menaces, voilées ou explicites, à d’autres Frères qui se présentent également à des postes électifs profanes, puisque le principe d’ égalité maçonnique, prévu dans les Constitutions maçonniques, ne peut être contourné de sorte que d’autres Frères voient leurs aspirations politiques profanes enterrées par le fait qu’une Loge a un autre Frère qui se présente également au même poste électif. Tout le monde est égal. Par conséquent, chacun doit concourir proprement aux élections profanes et ne pas chercher à éliminer d’autres candidats qui sont également francs-maçons.
Il est possible qu’une loge maçonnique puisse se transformer, ouvertement ou subrepticement, en un rassemblement destiné à promouvoir une candidature profane d’un franc-maçon. Aussi illustre que soit ce Frère, y compris dans la Loge, il ne pourra pas utiliser ce type de ressource électorale, pour ainsi dire, car il déformerait le but de la Loge maçonnique, en plus, bien sûr, de ne pas se conformer au système juridique maçonnique.
Il reste deux aspects liés à la question des candidatures profanes des francs-maçons : lorsque le franc-maçon occupe une fonction dans une Loge et lorsque la Loge décide de promouvoir la candidature du franc-maçon.
Il semble souhaitable que le Maçon qui occupe une fonction dans une Loge, notamment celle de Vénérable Maître, s’éloigne de cette fonction pendant sa campagne profane. Il faut faire cela pour éviter la naissance de spéculations peu édifiantes qui, comme nous le savons, tenteront d’établir une confusion néfaste entre la figure du franc-maçon, intronisé dans une position de la Loge, et le candidat profane, ce qui ne sera pas dans l’intérêt de l’Ordre.
Dans le cas où une Loge déciderait de soutenir, dans son ensemble, la candidature d’un de ses Ouvriers, il n’est pas non plus recommandé que cette décision soit prise au milieu d’un travail maçonnique. Avant ou après la fin des travaux, les travailleurs peuvent se réunir pour discuter et décider de la question. Il n’y aura rien d’objection à cela. Au contraire. Ce sera une démarche fraternelle envers le Frère candidat profane.
Ce qui est véritablement intolérable, c’est le développement d’actions politico-partisanes au sein des établissements maçonniques, à condition, bien sûr, qu’il s’agisse de politique partisane profane.
Si la pratique de rassembler des sympathies et des votes pour des postes électifs profanes est imposée au sein des Loges, alors la différence entre le maçonnique et le profane aura disparu. Il y aura un intéressant condominium d’intérêts entre le monde profane et le monde maçonnique, afin de valider l’introduction de pratiques politiques profanes au sein de la franc-maçonnerie.
II – Même si les Constitutions maçonniques ne contenaient pas l’interdiction susmentionnée, il ne serait pas possible de défendre la pratique de la politique partisane profane au sein des Temples maçonniques.
En fait, la libre expression de pensée dans les réunions, assemblées et cérémonies maçonniques ne peut jamais se traduire par une clause constitutionnelle permettant la diffusion de candidatures profanes au sein des Loges maçonniques. La libre expression de la pensée, pour être libre, doit se soumettre aux règles maçonniques universelles, sinon elles seront inutiles si elles peuvent être violées en toute impunité. Liberté de pensée, oui, mais dans les limites des règles universelles de la franc-maçonnerie.
Le principe de légalité maçonnique, par contre, ne serait pas non plus utile pour protéger les comportements partisans profanes au sein de la Loge, car un tel comportement signifierait toujours déformer l’espace maçonnique, le confondre avec le monde profane, ce qui ne peut être accepté en aucune circonstance.
En tout cas, la question a trouvé une réglementation légale dans les Constitutions maçonniques, avec un contenu plus ou moins semblable à celui-ci : l’interdiction de discussion ou de controverse, en son nom, sur des questions politico-partisanes, religieuses ou raciales, à l’intérieur des Temples ou à l’extérieur de ceux-ci.
Il n’est donc pas envisageable que des discussions politico-partisanes, même sous prétexte d’aider un candidat franc-maçon dans le monde profane, soient initiées au sein des Temples maçonniques. La tâche d’un atelier est d’effectuer un travail maçonnique et non de promouvoir les candidatures profanes d’un – ou de plusieurs – de ses ouvriers.
Il appartient à la Loge de faire preuve d’une grande prudence pour éviter l’approche de tout Maçon qui serait un candidat profane. Il n’est pas rare de voir des francs-maçons, dans le rôle de candidats laïcs, visiter des loges dans l’espoir d’obtenir un soutien à leur candidature. Cela ne semble pas être conforme aux principes maçonniques.
Les loges doivent être visitées pour des raisons maçonniques, et non pour des intérêts profanes, notamment ceux de nature politique. De telles visites devraient être découragées, même poliment. Le Gardien de la Loi doit prendre des mesures pour empêcher les candidats francs-maçons du monde profane de lancer une véritable croisade au sein de la Loge. S’ils persistent, il faudra leur demander de quitter la Loge, appartenant à une autre Obédience. S’ils appartiennent à l’Obédience de la Loge, ils doivent être tenus maçonniquement responsables.
Même en dehors du Temple maçonnique, aucun soutien ne peut être apporté publiquement au nom de la Franc-Maçonnerie. Il convient de mentionner à ce stade qu’un franc-maçon ne doit pas être présenté publiquement comme étant le candidat de la loge « Y » ou de la loge « X ». Vous êtes certainement connu localement comme franc-maçon. Il ne s’ensuit pas que la franc-maçonnerie doive descendre dans la rue pour déployer des bannières politiques profanes et applaudir les candidats maçonniques lors des rassemblements. Les choses ne sont pas tout à fait comme ça.
L’aide doit venir discrètement, sans impliquer publiquement l’Ordre, à moins que l’on ne veuille défendre la thèse selon laquelle la Franc-Maçonnerie, dans ces conditions, a besoin d’avoir un banc politique profane. Il ne semble pas que l’idée soit raisonnable. Il y a toujours eu et il y aura toujours des francs-maçons trônant dans les positions publiques et privées les plus diverses. Il s’agit cependant d’une situation différente de celle où la Franc-Maçonnerie embrasse publiquement un parti politique profane ou parraine des candidatures dans le but de constituer un banc maçonnique , élu par injonction de la Franc-Maçonnerie, y compris avec de la propagande faite au sein des Temples Maçonniques. Il semble que ce moment limite pour la Franc-Maçonnerie n’ait pas encore été atteint.
La non-acceptation de la propagande politico-partisane profane au sein des temples maçonniques, comme indiqué, n’est pas seulement une question de loi maçonnique. En fait, le sujet a une perspective plus élevée qui est représentée par une prémisse qui ne peut, en aucun cas, être ignorée : le monde maçonnique n’est pas seulement une extension du monde profane.
L’univers maçonnique a ses propres règles, ses propres relations qui ne peuvent être oubliées. Les intérêts profanes ne peuvent pénétrer dans les temples maçonniques, ouvertement ou sous couvert, pour obscurcir la pratique des grands principes maçonniques.
Si une Loge peut être confondue avec une assemblée laïque, alors la Franc-Maçonnerie n’aura servi à rien d’un point de vue philosophique. Ses postulats universels auront cédé la place aux commodités du monde profane, de sorte qu’il y aura un mélange informe du maçonnique et du profane, sans que personne ne sache distinguer ce qui est et ce qui n’est pas maçonniquement pertinent.
Il ne s’agit pas de prêcher une sorte d’ ascétisme profane de la franc-maçonnerie. Les francs-maçons doivent nécessairement entretenir des relations profanes dans la mesure où ils font partie de l’univers profane. Cela ressemble même à une vérité. Ce qui est considéré comme pertinent, c’est que nous maintenions la compréhension que le monde maçonnique existe sur des concepts qui sont quelque peu différents de ceux observables dans le monde profane. Il faut donc la préserver des illusions matérielles qui fréquentent l’univers profane.
Raconter, oui, mais ne jamais confondre le monde maçonnique et le monde profane. Chacun a ses propres valeurs, sa propre dynamique. Et en tant que mondes distincts, bien que complémentaires, ils doivent prendre soin des facteurs de distinction et travailler à augmenter les angles d’approximation, tant que cela n’implique pas une mauvaise caractérisation de l’axiologie maçonnique .
Encourageons donc les francs-maçons qui ont un penchant pour la vie politico-partisane profane. Apportons-leur notre aide afin qu’ils puissent atteindre leurs objectifs dans ce domaine humain. Cependant, il ne nous sera pas permis de faire cela dans les temples maçonniques ou en utilisant ouvertement la franc-maçonnerie, comme s’il s’agissait simplement d’un autre parti politique.
La Franc-Maçonnerie, en tant que véritable Franc-Maçonnerie, doit combattre tout comportement qui tente de subvertir ses postulats fondamentaux sous peine de perdre sa substance maçonnique et de s’affaiblir de plus en plus. Un tel affaiblissement aura pour principale source la compréhension déformée du monde profane lorsqu’on observe la franc-maçonnerie agir comme si elle n’était qu’un autre groupe politique cherchant des sièges législatifs ou exécutifs. Peut-être qu’un profane pourrait se poser la question suivante : est-ce de la franc-maçonnerie ?
S’il y a un franc-maçon à proximité qui connaît l’Ordre, il dira certainement : Non, ce n’est pas de la franc-maçonnerie. Il y a des francs-maçons qui, malheureusement, ne comprennent pas le véritable symbolisme du chemin de l’apprenti.
José Wilson Ferreira Sobrinho – Loge maçonnique Fraternité brésilienne d’études et de recherche – (GOMG) – Juiz de Fora – MG




