Si le temps est essentiel, la méthode est variable. Chacun est comme il est. Chaque personne arrive avec ses propres expériences, différentes des autres. Chacun a sa manière particulière de réagir et d’évoluer.
C’est un observateur calme, qui absorbe calmement ce qui se passe autour de lui, le traite en lui-même et, sans s’en rendre compte, sans que personne ne voie beaucoup d’activité – parfois même en semblant désintéressé – un beau jour s’épanouit et surprend tout le monde. Il est hyperactif, veut participer, faire, mélanger, apprendre hier, expérimenter aujourd’hui et appliquer demain, un ouragan d’angoisse et d’action, qui éveille chez les plus âgés des inquiétudes de désastre imminent. Mais il cherche, enquête, expérimente, s’exerce, se cogne la tête contre le mur à plusieurs reprises, tombe et se relève, fait des erreurs et les corrige et, à la fin, il met en place son apparence et, avec un sourire candide, montre qu’il est prêt. L’autre semble manquer d’initiative, semble ne rien faire par lui-même, a besoin d’être constamment guidé, stimulé, qu’on lui montre le chemin et, lorsqu’une bifurcation apparaît, qu’on lui indique quel chemin est le plus recommandable.

Mais, petit à petit, il prend confiance et, à un moment donné, montre qu’il peut désormais marcher seul. Un autre encore regarde, s’extasie, cherche, revient en arrière, regarde, regarde encore, quitte le chemin pour voir ce qu’il y a au-delà, revient regarder un peu plus loin, s’arrête encore et voit, voit encore, admire et s’émerveille, comme un visiteur d’une exposition baroque. Il a l’air perdu et dilettante. Un jour, alors que tout le monde est déjà désespéré par ses allées et venues, ses digressions, ses arrêts, ses expériences et ses admirations, il s’arrête et annonce qu’il a vu à quoi ressemblent la carte et son orientation, il affirme que le chemin est par là et il le suit résolument. Il y a ceux qui veulent faire leur voyage seuls et avec le minimum de perturbations et ceux qui n’avanceront qu’avec compagnie. Ce que vous étudiez et sur quoi vous méditez et avec quoi vous jouez tout en expérimentant. L’un apprécie particulièrement la socialisation, l’autre l’introspection. L’un est pacifique, l’autre est un agitateur. Celui-ci le fait, celui-là l’observe, un autre le construit, puis un autre ouvre la poupée pour voir à quoi elle ressemble à l’intérieur, l’un a besoin de la voir, l’autre la croit si on le lui dit.
En bref, chaque nouvel élément qui apprend à être franc-maçon est unique et différent des autres. Il doit donc être compris et accepté par ceux qui sont déjà dans la Loge comme l’individualité unique qu’elle est. Il n’existe pas de « plans quinquennaux » pour former des francs-maçons. Chacun est lui. Chaque personne a droit – et il est de la responsabilité de la Loge et des anciens de le garantir et de le respecter – à son « plan individuel » d’évolution. Ce n’est pas facile pour ceux qui le sont. Mais nous savons aussi que ceux qui s’intègrent sont aussi confrontés à des difficultés… Parfois, un élément nouveau nous rappelle un autre qui, des années auparavant, n’a pas réussi à s’intégrer. Et, inquiets, il y a ceux qui doutent, ceux qui avertissent, ceux qui veulent intervenir pour éviter que l’on suive le même chemin qui a conduit à de mauvais résultats. Et il y a ceux qui, bien qu’alertes, bien qu’attentifs, le laissent suivre le chemin qu’il a choisi, se limitant à avertir de l’abîme qui est à côté de lui, espérant que l’averti l’évitera et passera là où, avant lui, d’autres sont tombés.
La franc-maçonnerie est un sanctuaire de respect de l’individualité et de l’individu. Elle agit et est une Fraternité, qui traite ses membres avec une pleine égalité, mais reconnaît leur complète liberté. Nous n’acceptons pas seulement la différence, nous la valorisons. Parce que c’est enrichissant. Car plus grande est la diversité du groupe, de la Loge, plus elle est forte, efficace et adaptable. Celui dont les caractéristiques semblent pendant un certain temps de peu de valeur est celui qui, face à un certain obstacle, conduit le groupe à le surmonter. Personne n’est indispensable ou irremplaçable. Les cimetières sont pleins de personnes irremplaçables – c’est l’une de mes phrases préférées. Mais aucun d’entre nous ne peut être écarté, oublié ou laissé pour compte. C’est l’un des nôtres, point final ! Si nécessaire, nous le chargerons maintenant. Le jour viendra où ce sera lui qui nous portera. C’est ce qui constitue le ciment qui maintient un groupe ensemble.
Par conséquent, la manière dont chaque personne devient franc-maçon, dont chaque personne évolue, dont chaque personne grandit, appartient à chaque personne. C’est au groupe de le reconnaître, de le respecter et de l’aider, sans vouloir le « formater ». Parce qu’un franc-maçon est soit informatif, soit il n’est pas franc-maçon du tout ! Et si vous devez faire des erreurs, la solution n’est pas de vous empêcher de les faire. C’est sûrement pour vous avertir que vous faites erreur. Mais si cela persiste, nous avons le devoir de le laisser suivre son cours, même si nous pensons que c’est mal, même si nous pensons que sa vitesse est excessive. Parce que ce qui est mal pour nous peut être bien pour lui. Car l’avertissement donné peut être utile pour qu’au moment opportun, on évite le désastre que l’on craint. Ou tout simplement parce que nous avons tous le droit de faire des erreurs ! L’important est que nous sachions admettre que nous avons fait une erreur, subir les conséquences de notre erreur et tirer les conclusions appropriées ! Après tout, on apprend souvent plus d’une erreur que de mille leçons… Et, si l’erreur se produit, si le Frère tombe, ce que nous devons faire, c’est l’aider à se relever. C’est à lui de panser ses blessures et de pouvoir avancer, avec, espérons-le, plus de considération.
En conclusion : celui qui nous rejoint doit être préparé et accepter de respecter et de tirer le meilleur parti du temps, essentiel à la construction de son Temple. Et le groupe qui le reçoit doit être inflexible en exigeant que le temps nécessaire s’écoule. Mais quiconque nous rejoint a, comme son individualité propre, sa manière particulière d’apprendre, de réagir, de grandir et d’évoluer. Vous avez le droit de faire ce que vous voulez. Et c’est au groupe de découvrir quel est ce mode, de le respecter et d’aider à son exécution.
Être franc-maçon prend du temps, mais cela peut se faire de plusieurs manières. Autant qu’il y a de francs-maçons.
Dans le blog « From Stone » – texte de Rui Bandeira (25.06.08)




