L’ÉVOLUTION HUMAINE
L’évolution de l’humanité se caractérise par une série de différenciations décisives, à la fois normales et essentielles pour le développement de la conscience. Chaque étape inclut les précédentes tout en les dépassant : elle ajoute de nouvelles caractéristiques, qui les transcendent et les élargissent.
Ainsi, dans le grand procès évolutif, ce qui constituait une totalité devient partie d’une totalité supérieure : les atomes deviennent éléments des molécules, les molécules deviennent éléments des cellules, et les cellules deviennent parties des organismes.

Les hiérarchies naturelles et leurs dérives
Mais ce processus peut dévier. Les hiérarchies normales et naturelles, qui s’ordonnent pour construire du plus simple vers le plus complexe, peuvent dégénérer en hiérarchies pathologiques. Dans ces cas, une entité refuse de devenir partie d’un ensemble plus vaste et cherche, au contraire, à le dominer.
Chez les êtres humains, cette tentation de domination a toujours été une constante. Depuis l’aube des temps, des tribus se sont affrontées pour s’approprier des territoires. L’une finissait par dominer les autres, redessinant ainsi des frontières établies de longue date.
De la guerre tribale à la guerre technologique
À l’origine, les blessures infligées à la biosphère et aux autres peuples restaient limitées : les moyens techniques – arcs, flèches, armes rudimentaires – ne permettaient pas de destruction massive. Mais l’absence de puissance n’était pas synonyme de pacifisme.
Avec le temps, les armes se sont perfectionnées et les technologies se sont mises au service de nouveaux tribalismes, nourris de nationalisme, de racisme, d’intolérance et de haine. L’humanité a alors sombré dans les génocides, les holocaustes, les bombardements massifs et les nettoyages ethniques, facilités par les instruments d’une technologie avancée : acier et charbon, moteurs à combustion, mitrailleuses, chambres à gaz, bombes atomiques. Autant d’outils conçus pour le progrès mais détournés pour la destruction.
Le vrai développement
Ce ne sont pas l’intelligence abstraite ni les progrès techniques qui garantissent l’élévation d’un pays. Le véritable développement repose sur la conscience émotionnelle, la capacité à maîtriser nos pulsions destructrices, à ne pas transformer nos inventions en instruments de mort.
Car ce qui rend une personne, une communauté ou une nation digne d’admiration, ce n’est pas sa capacité à infliger la souffrance, mais sa faculté d’empathie, de dialogue et de respect.
Les tyrans, qu’ils soient individus ou États, ne sont jamais que des lâches masqués sous l’armure de la violence.
✍️ Ken Wilber
Kenneth Earl Wilber Junior (né le 31 janvier 1949) est un écrivain américain. Peu connu en France, son œuvre embrasse la psychologie, l’épistémologie, l’histoire des idées, la sociologie, la mystique, l’écologie et l’évolution. Son projet : formuler une « théorie intégrale de la conscience », qui en fait l’un des chefs de file de ce courant dans le monde anglo-saxon. Au tournant du millénaire, il a fondé l’Integral Institute.




