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1771 – L’ANNÉE DES INCERTITUDES « MAÇONNIQUES »

MISCELLANÉES MAÇONNIQUES par Guy Chassagnard

En franc-maçon de tradition, attaché à l’histoire de ce qui fut jadis le Métier de la Maçonnerie avant que de devenir la Maçonnerie spéculative des Maçons libres et acceptés, notre frère Guy Chassagnard met en chroniques ce qu’il a appris dans le temple et… dans les textes ; en quarante et quelques années de pratique maçonnique. Ceci selon un principe qui lui est cher : Apprendre en apprenti, comprendre en compagnon, partager en maître.

Chronique 208

1771 – L’année des incertitudes

L’année 1771 est, dans une certaine mesure, celle du réveil maçonnique, en raison de la disparition du comte de Clermont, petit fils de Louis XIV, grand maître en titre, et l’élection de son successeur en la personne du duc de Chartres, arrière-petit-fils du Régent.

• 16 juin. – Décès de Louis-Claude de Bourbon-Condé, comte de Clermont (1709-1771), grand maître de « toutes les loges régulières de France » depuis la mort du duc d’Antin, son prédécesseur, en 1743.

• 21 juin. – Suite à une tenue de grande loge, présidée par le frère de Puisieux, doyen des vénérables de Paris, Louis Philippe Joseph, duc de Mont­­­­pen­sier et de Char­tres (1747-1793), futur duc d’Orléans (1785), prince du sang, ac­cepte la grande maîtrise de la Grande Loge de France, qui deviendra, en 1773, Grand Orient de France. 

• 24 juin. – Assemblée de grande loge, à l’occasion de la fête de l’Ordre, sans opposition du roi ou de la police. La Grande Loge de France nomme le duc de Chartres grand maî­tre. Le duc Anne Charles Sigis­mond de Montmorency-Luxem­bourg (1737-1803), est choisi, quant à lui, pour admi­nis­trateur général. 

Présents à l’assemblée, les « frères bannis », instigateurs de la nomination du duc de Chartres, demandent qu’il soit formé une commission pour « remédier aux maux de la Maçonnerie ».

• 14 octobre. – Une circulaire est adressée aux loges en vue de l’installation, au mois de novembre, du nouveau grand maître de la Grande Loge de France. 

Mais cette installation n’aura pas lieu, le duc de Chartres, interdit de paraître à la Cour quelques mois auparavant, ne répondant pas à l’invita­tion. 

On dénombre en France quelque 247 loges.

© Guy Chassagnard – Auteur de  :

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A.S.:

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  • Comme le substitut général, du GM, le banquier Baur, néglige également sa charge et ne convoque plus la Grande Loge, qui devrait selon les règlements de 1743, se réunir tous les trimestres (la « quaterly communication » des Constitutions de 1723), le comte de Clermont nomme en 1756 (ou peut être 1758), un substitut particulier, le maître à danser Antoine Lacorne , sans doute pour réunir ce qui était en train de s’éparpiller, mais sans désavouer officiellement Baur, comme substitut général.
    Comme souvent, les idées du Comte de Clermont, parties d’un bon sentiment, tournent à la catastrophe. Le substitut particulier et le substitut général, surtout quand Baur sera remplacé en 1761 par Chaillon de Jonville, beaucoup plus impliqué que son prédécesseur, se constituent chacun une clientèle de Vénérables Maîtres, qui aboutira à un schisme de fait.
    Lacorne, pourtant Vénérable Maître de la Loge « La Trinité », est jugé de trop « basse extraction » par un certain nombre de Vénérables Maîtres, surtout parisiens et souvent nommés à vie. Ils se rallient à un ancien maçon, Peny, Vénérable de la Loge de Saint-Martin, qui les regroupe dans une Grande Loge des maîtres de Paris, dite de France, dite aussi nationale. Mais Lacorne ne se laisse pas faire et rassemble à son tour un certain nombre de Vénérables de Loges de province qui vont constituer une 2ème Grande Loge et qu’on appellera par dérision les lacornards.

    En 1762, Lacorne décède et le Comte de Clermont intervient pour essayer de rapprocher les deux parties. Les deux grandes loges semblent se réconcilier en 1763 et votent des statuts communs. Mais cette entente ne dure pas, preuve que les regroupements de vénérables maîtres de Loge d’une part autour de la Grande Loge de Peny, et d’autre part autour de Lacorne n’étaient pas qu’une question de personne, mais aussi de conception et d’ouverture de la Franc-Maçonnerie.
    En 1765, les anciens « lacornards», par un coup monté, sont écartés des postes d’officiers de la Grand Loge dont ils et se retirent, en protestant par libelles contre le procédé. L’année suivante ils sont bannis de l’ordre par décret, mais en 1767, à la fête de l’Ordre le 24 juin, les frères bannis font un tel « grabuge » que les travaux de la Grande Loge furent suspendus par l’autorité royale, qui certainement ne demandait pas mieux.

    Cependant la suspension, n’avait pas brisé la dynamique des « lacornards ». Ils s’activent et clandestinement continuent leurs travaux au faubourg St-Antoine. Ils ont derrière eux la grande majorité des loges de province qui s’opposent aux loges parisiennes avec leurs maîtres de loge inamovibles. C’est ainsi qu’en 1770, les tentatives de la Grande Loge « nationale » de reprendre les travaux pour contrer ces Frères dissidents échouent devant le refus de la majorité des Loges.
    En 1771, le décès du Comte de Clermont sauve la Grande Loge à l’arrêt depuis 4 ans. Les « lacornards » proposent au duc de Chartres la Grand Maître de la Grande Loge, ce qu’il accepte avec le duc de Montmorency-Luxembourg comme substitut. A l’assemblée de la Grande Loge de nouveau autorisée, ils se présentent avec l’accord du futur duc d’Orléans qu’ils échangent contre leur réintégration et l’annulation des mesures prises contre eux en leur absence.
    Mais devant la situation catastrophique de la Grande Loge, ils demandent la création d’une commission de huit commissaires chargés de faire un rapport pour remédier à la confusion et à l’impuissance dont elle souffre. En attendant, et devant la quantité invraisemblable de patentes et de constitutions délivrées, ils demandent à toutes les loges du royaume de faire renouveler leurs constitutions qui seront examinées au secrétariat de la Grande Loge.
    Fin 1772, la commission, avec le concours du Duc de Luxembourg, prend le parti des frères dissidents et convoquent des assemblées à l’hôtel de Chaulnes. Le 24 décembre, ils déclarent que l’ancienne Grande Loge de France est remplacée par une nouvelle Grande Loge nationale qui fait partie intégrante d’un nouveau corps, le Grand Orient de France.
    Le 5 mars 1773, la première assemblée du Grand Orient de France se tient, confirme la nomination du duc de Chartres comme Grand Maître et du duc de Luxembourg comme administrateur général. L’ancien substitut du comte de Clermont, M. Chaillou de Joinville, se rallie à la nouvelle structure.