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UNE QUALITÉ DE GANDHI : LE DÉTACHEMENT – PLANCHE MAÇONNIQUE

Voici une contribution de Johanna sur la notion de détachement au travers d’un personnage admirable et hautement « symbolique » Gandhi

Une qualité de Gandhi : le détachement

I-Le détachement dans le monde profane

Dans le langage courant le détachement est l’état, le sentiment de quelqu’un qui n’est pas ou ne se sent pas lié à quelque chose, concerné, intéressé par quelque chose. Le détachement est alors synonyme d’indifférence. En ce sens une personne « détachée » s’apparenterait à quelqu’un qui n’éprouve ni plaisir ni douleur, qui n’a pas d’opinion et qui se montrerait insensible à l’amour.

Cette indifférence que je sens lorsque je ne suis point emporté vers un côté plutôt que vers un autre par le poids d’aucune raison, est le plus bas degré de la liberté, Descartes, Médit. IV, 7.

La liberté qu’on nomme d’indifférence est un mot sans idée, une absurdité, car ce serait se déterminer sans raison, ce serait un effet sans cause, Voltaire, Dict. phil. Philosophie, IV.

D’un œil d’indifférence il a vu le supplice, Voltaire, Orphel. IV, 2.

L’indifférence est le sommeil de l’âme, Favart, Soliman II, III, 9.

En philosophie, le détachement est une notion qui désigne une disposition ou un état intérieur dans lequel l’individu ne serait pas affecté par les situations de l’existence quotidienne.

Ainsi, l’Ethique stoïcienne invite l’Homme à une prise de distance sans qu’il s’agisse pour autant d’une inactivité ou d’un « désœuvrement ».

L’hindouïsme exprime le détachement sous forme de retrait des sens.

Le bouddhisme évoque « l’extinction du désir » parce que ce dernier serait la cause de l’attachement et de la souffrance. Selon une citation bouddhiste « de la possessivité naît le manque, du non-attachement la satisfaction ». Mais ce détachement n’exclut pas la compassion ni l’amour.

II- Le détachement dans la vie de Gandhi

Le Mahatma Gandhi, à l’aube d’une journée s’annonçant chargée déclara: « J’ai tellement de choses à faire aujourd’hui que je dois méditer deux heures plutôt qu’une. »

La méditation est un moyen pour atteindre  » le détachement  » et permettre de « lâcher prise » afin de chercher sereinement un moyen pour renverser une situation à première vue insoluble. Gandhi a donc la capacité de prendre du recul par rapport à lui-même ce qui caractérise par conséquent la non-violence. Mais la non-violence n’est ni de la passivité, ni une manière de fuir le conflit. Bien au contraire, le non-agir, dans la philosophie indienne ne signifie pas l’absence d’action. Dans la pensée de Gandhi, il s’agit d’adopter une attitude non agressive active face à la violence. C’est un renversement de valeur, le pouvoir de renvoyer l’agresseur à sa propre violence pour l’amener à éveiller sa conscience.

Le détachement est donc perçu comme le renoncement à l’ego, au sacrifice de celui-ci afin de faire la rencontre avec soi-même et de trouver la confiance infinie en vers le Tout et le Un. Effectivement, lors de ces premiers combats en Afrique du Sud, Gandhi en acceptant de se laisser briser dans son corps et dans sa chair sans perdre son amour pour soi et les autres, son engagement envers son peuple, sa dignité humaine, a su donner à ses frères la force et le courage d’endurer une certaine forme de destruction pour aller sur la voie de la reconstruction.

Enfin, le détachement se rapproche de la notion de pardon. Le pardon permet de « lâcher prise » par rapport à nos souffrances, à nous en détacher sans oublier ni cautionner pour autant. Pardonner aux autres permet de se détacher de nos ressentiments et se pardonner à soi-même permet de rompre avec la culpabilité qui nous tiennent pieds et mains liés, incapables de poursuivre nos rêves, de tendre vers la Vérité. Ansi selon Gandhi, « Le faible n’arrive pas à pardonner. Le pardon est l’apanage des forts. » et  » A l’instant où l’esclave décide qu’il ne sera plus esclave ses chaînes tombent ».

Le détachement permet donc de sortir de la dualité, de tendre vers l’Unité.

III- Le détachement en Franc-Maçonnerie.

Les chaînes

Lors de la cérémonie d’Initiation à L’Odre Initiatique de L’Art Royal, le Manoeuvre Choisi est dans les ténèbres à la recherche de la Lumière. Il est introduit à l’intérieur du Temple avec des chaînes symbolisant ses entraves, ses passions, ses souffrances, ses conditionnements….. Il est présenté au Vénérable Maître d’Oeuvre qui lui demande:

« Pouvez-vous nous assurer solennellement qu’aucune pression directe ou indirecte ne fut exercée envers vous, pour vous conduire jusqu’ici? »

Une fois que le Manoeuvre Choisi l’en assure solennellement puis persiste dans son intention, le Vénérable Maître d’Oeuvre déclare:

« Puisqu’il en est ainsi, Frère TERR…., délivrez le Manoeuvre Choisi de ses chaînes et qu’elles disparaissent à jamais! »

Les chaînes sont alors dénouées libérant ses mains. Les chaînes sont ensuite jetées au sol, puis lancées à « ras de terre » contre les portes du Temple.

C’est ainsi libéré de ses entraves que le Manoeuvre Choisi va pouvoir prêter sa première obligation.

IV- Ce que cela évoque pour moi.

Lors de la cérémonie d’Initiation , la scène des chaînes (qui ne voulaient d’ailleurs pas tenir à mes poignets) m’a particulièrement marqué et parlé. « C’est exactement ce que je cherchais, me suis-je dis, me libérer de mes chaînes, pour devenir un être libre. » Une fois libérée de mes chaînes lors de l’Initiation, j’ai pris conscience que j’étais non pas libérée de mes entraves (ce serait un peu trop facile!) mais que le processus de libération venait de commencer et je me suis sentie plus légère et plus sereine.

V- Les répercussions dans ma vie profane.

Depuis l’Initiation, j’ai pu travailler à différentes reprises sur mes chaînes. D’abord les identifier pour les observer sans détour et en comprendre leurs origines, leurs causes archaïques pour enfin m’en libérer. Ma plus grande chaîne sur le plan physique et matériel était et je dis bien était, la dépendance au tabac. Grande fumeuse depuis environ 25 ans, j’étais sous l’emprise de ma « meilleure ennemie », une  » manipulatrice perverse narcissique » que j’avais choisie moi-même en conscience car jeune fumeuse, j’étais déjà bien informée des méfaits du tabac et de sa perversité. Mais, je préférai m’auto- détruire chaque jour un peu plus pour mieux supporter les difficultés de la Vie. J’avais conscience que j’étais pétrifiée par la Vie et que finalement la Mort était une douce délivrance. En fumant, je contrôlais ma vie et ma mort. « Au moins je sais que je vais mourir vers 50 ans d’un cancer des poumons » étais-je capable de dire avec humour ( noir très noir)! Ce cynisme, je l’ai assumé un temps…… Avec l’arrivée de ma fille, c’était complètement différent mais j’étais enchaînée jusqu’au coup. Incapable de pouvoir fuir et puis la Vie me faisait encore peur. J’avais toujours peur de mal faire, de décevoir….Je culpabilisais de culpabiliser, j’avais honte d’avoir honte. J’étais entrer dans une spirale vicieuse. Je devais en sortir absolument! Mais comment?

Le travail sur la citation de Gandhi, puis sur une de ses qualités m’a éclairée au plus haut point. J’ai remplacé la peur par l’Amour à chaque instant en me laissant guider par la phrase de Nelson Mandela: « Je ne perds jamais, sois je gagne, sois j’apprends ». Et rien qu’en y pensant, avant même d’avoir eu le temps de rédiger ce travail, j’ai fait le grand saut. En toute confiance pour la Vie, sans peur, et avec tout mon Amour, j’ai fait mes adieux à cette chaîne infernale qui me maintenait dans la survie. Depuis le 17 novembre 2020, je peux donc dire bonjour à la Vie, célébrer ma Liberté et dire merci à l’Amour, cet Amour inconditionnel en la Vie, cette même Vie qui dès ma naissance m’a meurtrie dans ma chair et dans mon sang pour que j’apprenne à pardonner en utilisant le pouvoir de l’Amour, la gratitude et la reconnaissance infinie envers ses ressources matérielles, immatérielles et humaines. Ma liberté retrouvée va me permettre petit à petit d’oser, de voir plus grand pour oeuvrer encore plus sereinement au perfectionnement individuel et collectif.

J.T.

A.S.: