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REMISE DU PRIX DU GODF A SAMUEL PATY

Remise du Prix du Grand Orient de France décerné à titre posthume à Samuel PATY
le 2 décembre 2021

Discours du Grand Maître du GODF à l’occasion du Prix du Grand Orient de France décerné à titre posthume à Samuel PATY le 2 décembre 2021

Madame Paty,
Monsieur le Grand Maître de la Grande Loge de France,
Madame la Grande Maîtresse de la Grande Loge Féminine de France,
Mesdames et Messieurs dignitaires des Obédiences amies,
Mes Très Chères Sœurs, Mes Très Chers Frères,
Mesdames, Messieurs,
Chers amis,

Le Grand Orient de France a choisi ce soir, d’honorer la mémoire de Samuel Paty, professeur exemplaire d’histoire géographie et d’enseignement civique, assassiné il y a un an pour avoir enseigné la liberté d’expression et de conscience à ses élèves. 

Merci Madame Paty d’avoir accepté d’être parmi nous pour recevoir, au nom de votre frère disparu, la Marianne du Grand Orient de France dont l’objectif, chaque année, est de célébrer la République en distinguant ses serviteurs les plus dévoués.
Notre République qui nous est si chère même si elle est encore loin d’être parfaite et demeure inaccomplie.
Notre République si belle et si précieuse par ses promesses comme par ses réalisations et dont votre frère, enseignant de l’école publique laïque, était un ardent défenseur. 

Victime de la haine et de l’obscurantisme de l’islamisme politique, ce nouveau fascisme qui arme une religion à des fins totalitaires et liberticides, votre frère, pour ce qu’il était autant que pour ce qu’il représente, est désormais une figure emblématique de la République.
Il nous appartient d’inscrire Samuel Paty dans nos mémoires comme un modèle républicain de courage et d’engagement, animé de la volonté du partage du savoir, de la résistance face à l’obscurantisme et de la lutte perpétuelle de la connaissance contre l’ignorance, mère de toutes les dictatures. 

C’est dans ce sens qu’il exerçait son professorat, afin de donner à chaque élève la faculté de penser par lui-même, de pouvoir exercer sa raison critique et s’émanciper des dogmes et tutelles qui enferment et cloisonnent les esprits et les êtres.

Fils d’instituteurs, son parcours est marqué par la volonté constante de « faire disparaître la dernière, la plus redoutable des inégalités qui vient de la naissance, l’inégalité d’éducation » comme l’avait déclaré Jules Ferry dès 1870.
Habité par sa mission, il choisit de consacrer sa vie à l’enseignement par conviction républicaine.

Son engagement, profond, est inséparable de sa personnalité, simple et authentique, dénuée des oripeaux factices et réducteurs des apparences et libérée des faux-semblants de la modernité.

Votre frère, chère madame, était un enfant des Lumières, au service de la République, de ses principes et de son idéal.
Il exerçait son métier, en conscience, dans la filiation la plus juste et parfaite des préceptes de Condorcet, dont l’objet était de transmettre le savoir et former des citoyens, « Rendre la raison populaire ».
Sa vocation était animée par le sens du devoir et de l’intérêt général, l’amélioration de l’homme et de la société qui commence par l’instruction des nouvelles générations. L’accès à la connaissance est la première des marches qui mènent à la liberté.

La liberté dont la devise républicaine exprime la primauté du dessein, et dont la pleine réalisation, déjà lente et progressive, est freinée, empêchée par les suppôts de l’aliénation et du dogme.
Dans ce combat, la liberté d’expression est une des premières cibles du totalitarisme.
Menacée en permanence, elle est une liberté fondamentale, un indicateur démocratique significatif.
La liberté d’expression est aujourd’hui malmenée par l’islam politique qui rejoint la cohorte des antirépublicains religieux traditionnels, et avec eux, l’extrême droite héritière des mouvements factieux d’avant-guerre, de l’Action Française et de la collaboration dont les remugles sont de plus en plus présents ces derniers mois.
Elle l’est également, paradoxalement, par de nouveaux censeurs, indigénistes décoloniaux et affidés, qui, utilisent le relativisme comme faux-nez du ressentiment, détournent les luttes les plus essentielles telles que l’antiracisme ou le féminisme et, dans un renversement sémantique et conceptuel orwellien dénué de tout fondement, métamorphosent ce qui emprisonne en outils de liberté et ce qui libère en outils d’enfermement.

Ainsi, c’est à l’issue d’un cours sur la liberté d’expression que s’est enclenché le processus délétère qui a produit l’ignominie du crime dont a été victime Samuel Paty.
Une nouvelle fois, la confusion est installée entre la critique et l’offense. L’inacceptable prétexte du blasphème, dans notre république laïque, sert d’injonction au silence de la censure. L’offense, invoquée ad nauseam, est devenue un point d’ancrage pour interdire la critique, soumettre au dogme, et faire porter aux autres les chaînes de croyances, idéologies et bientôt opinions, propres à soi-même.
La loi distingue parfaitement le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie, de l’opposition, de la critique et bien sûr de l’humour envers les idéologies, religions et théories, tant que l’outrance ne rejoint pas la haine ou n’appelle pas à la violence.
C’est toute la clarté de l’État de droit, c’est toute la force de la République.
Ceux qui feignent de l’oublier, dessinateurs prudents, hommes politiques opportunistes, intellectuels égarés, chercheurs ou universitaires de « haut-rang » militants, en répétant comme un mantra, l’impératif « ne pas froisser », veulent exclure de fait toute critique qui dépasserait le cadre de convenance fixé par ceux-là même dont les croyances et opinions en sont l’objet.
En conditionnant ainsi la liberté d’expression à la subjectivité sinon à la susceptibilité de l’offensé, ils sont clairement les alliés objectifs, d’aucuns disent les « idiots utiles » des obscurantistes qui veulent la restreindre.
Et, restreindre la liberté d’expression, c’est la supprimer.
Telle l’inoculation d’un microbe, l’infiltration lente et insidieuse du virus totalitaire a de nombreuses voies d’entrée.
La violence et l’intimidation sont les plus courantes, les plus simples et les plus répandues. La soumission s’installe ensuite.

Aucun régime ne se crée dans une matière vaporeuse, sans substrat.
« Il existe quelqu’un de pire que le bourreau, c’est son valet » a écrit Mirabeau.
Ce sont ces valets qui font basculer une société hors du champ démocratique.
Si l’attentat perpétré à Conflans-Ste-Honorine a été le produit de la barbarie du fanatisme islamiste, nous devons à la mémoire de Samuel Paty, d’en comprendre la genèse, analyser le processus qui l’a produit à la lumière des évènements qui l’ont précédé.

Cela commence par l’inversion des causes et des effets, par la transformation de la réalité.
D’abord, un cours sur la liberté d’expression et la caricature est présenté comme un discours raciste contre une population.
Le mensonge et le détournement se poursuivent en transformant une proposition bienveillante de s’absenter le temps de la présentation des caricatures, en fait discriminant, le respect de la liberté de conscience devient une exclusion.
À l’instrumentalisation d’élèves adolescents par des intégristes, s’ajoute enfin l’enchainement de peurs, de lâchetés et de compromissions qui dans ce drame ultime, aboutit au passage à l’acte criminel d’un fanatique.
Les responsabilités sinon les complicités sont, comme toujours, diverses, complexes, souvent involontaires ou simplement stupides. Certaines sont bien connues, maintes fois décrites. D’autres, moins apparentes, sont plus insidieuses.
Les premières, les plus claires, celles des intégristes, calomnient ouvertement. Elles accusent de racisme et de discrimination celui dont les paroles et les actes expriment exactement l’inverse, « On avait surement calomnié Joseph K car, sans avoir rien fait de mal, il fut arrêté un matin » écrit Kafka dans Le Procès.
Les secondes, plus diffuses et indirectes inversent la suspicion au sein d’un dispositif institutionnel et le font se retourner contre un des siens quand il devrait le défendre.
C’est ce dispositif qui, dans l’affaire Dreyfus, vit le ministère des Armées préférer soutenir la version du traitre plutôt que celle de l’innocent.
La jonction des responsabilités met en place une mécanique inexorable et monstrueuse, celle des procédés les plus sombres des totalitarismes, qui installent, répandent puis exacerbent un climat de peur et d’intimidation propice à tous les reculs démocratiques.
Aujourd’hui, certaines idées sont sous protection policière en permanence, dans le pays des Lumières, celui de Voltaire, Condorcet et Jaurès.
Celui de Charb, Wolinski et Cabu.

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Propos de remerciements de Madame PATY prononcés à l’occasion de la Remise du Prix du Grand Orient de France décerné à titre posthume à Samuel PATY le 2 décembre 2021

Je voudrais remercier, Mr Georges Serignac, Grand Maître du Grand Orient de France, pour la remise du prix Jacques France en l’honneur de mon frère Samuel Paty, Professeur d’histoire géographie mort pour simplement avoir voulu enseigner.

 Là où certains se plaisent voir se complaisent déjà à vouloir l’oublier, là où certains arrivent à légitimer une décapitation 40 ans après l’abolition de la peine de mort en rendant un mort responsable de sa propre mort, là où au nom du « pas de vague » on finit par sacrifier un homme pour faire taire cette rumeur malveillante et surtout dérangeante. Et bien là, je me suis sentie bien seule, aussi seul que mon frère dans cet implacable engrenage qui a fini par le tuer. Chaque coup qui lui a été porté et chaque coup qui lui est porté maintenant me touche directement et ne fait que renforcer l’idée que le plus bel hommage que je puisse lui rendre aujourd’hui, c’est de rassembler en son nom, son nom qui est désormais associé à celui de la République. L’oublier c’est renoncer à nos valeurs républicaines : Liberté, Égalité, Fraternité et Laïcité.

 Alors vous Francs-Maçons du Grand Orient de France et représentants des Obédiences amies, sachez que mon frère regardait dans la même direction que vous, celle que l’école est l’outil de l’émancipation par le savoir. Il avait une foi inébranlable que l’enseignement des enfants peut permettre à tout à chacun de se construire un avenir. Menacer, opprimer, tuer nos professeurs c’est compromettre notre avenir à tous. Se compter, se rassembler comme le dit si bien Mr Serignac car il est grand temps de faire bloc face à ces actes anti-republicains, de rerésister face aux oppresseurs venus de toute part et de rendre l’honneur dû à ces hommes rentrés dans l’histoire pour avoir toujours défendu notre nation.

 Face à tous ceux qui prônent la complaisance et l’indulgence excessive, face à cette montagne d’ignorance et cet océan de solitude, je sais désormais que grâce à vous et une poignée d’hommes et de femmes qui s’oppose au diktat de la censure, Samuel, nos enseignants ne sont plus abandonnés alors je vous rends cet hommage car moi aussi je ne me sens plus seule.

Merci.

Madame Paty

A.S.:

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  • Nous pouvons associer (certains l'ont fait) le courage et le souvenir de Samuel Paty avec ceux d'Arnaud Beltrame qui lui aussi a payé de sa vie son engagement.

  • "Rendre la raison populaire" cette sentence de Condorcet doit rester la grande mission de la FM adogmatique au 21ème siècle.