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Qu’est-ce qu’être une femme ? par le Droit Humain

Annick DROGOU, Conseiller National de la Fédération Française du Droit Humain (DH) a publié sur le site de l’obédience une réfléxion sur « Qu’est-ce qu’être une femme ? » à l’occasion de la Journée Internationale de la Femme du 08 mars 2013

Qu’est-ce qu’être une femme ?

Que répondait Maria Deraismes au 19e s. ? Et que répondons-nous aujourd’hui, en 2013, quand se pose avec une acuité, que renouvellent les remous sociaux et politiques, la question des égalités diverses devant la loi et la société ?

Qu’est-ce qu’un être humain dans le respect qui lui est dû ?

Voici ce que disait Maria Deraismes, il y a 120 ans : (je cite) « Nous nous opposons de toutes nos forces à ce qu’une collectivité s’annihile dans une société chimérique et que des millions de volontés abdiquent au profit d’une seule ; nous voulons que chacun, par l’éducation, par les conditions de son milieu, parvienne au summum de lui-même, et que tous, indépendants, libres, autonomes, se réunissent volontairement, sous la loi de la solidarité, pour accomplir l’œuvre commune. »

Il ne suffit pas de décréter, légalement par exemple, une stricte égalité entre individus. Elle sera chimérique, parce que virtuelle, si elle ne s’ancre pas dans le quotidien mental et moral des sociétés. Combat certes fondamental pour les droits civiques, l’égalité devant le travail, l’emploi, le salaire. Ainsi le droit de vote fut accordé officiellement aux femmes françaises en 1944, puis mis en œuvre aux élections municipales d’avril 1945. Notre Maria en eût été profondément réjouie, à l’évidence. Comme des diverses libérations qu’ont autorisées successivement les mesures de contrôle des naissances la contraception, l’IVG, entre autres. Mais suffit-il que les progrès de la Science et l’humanisme éclairé de certains esprits novateurs ouvrent la voie à d’autres comportements, pour empêcher les forces de la réaction traditionnaliste de verrouiller les esprits et les corps ? Pour déjouer les dangers inédits qui menacent insidieusement le corps des femmes ? Toutes mentalités, cultures et religions confondues. Le voile n’est pas seulement celui que certains imposent à la moitié de leur ciel, il est aussi celui qui aveugle même ceux qui se croient les plus clairvoyants.

« Combattre l’erreur et l’injustice … avec la plus ferme conviction dans la possibilité infinie de l’humanité », tels sont les termes exacts du testament philosophique de la profane Maria Deraismes en 1882, à l’heure de son initiation. Magnifique innocence, naïveté diront certains. Mais n’en faut-il pas à chacun pour mener les combats de la désobéissance au consensus réducteur, pour refuser le conformisme qui autorise la servitude rampante devant les atavismes, pour débusquer les idées reçues, les formulations, confortables ou non, d’un essentialisme convenu. La racine même du préjugé, de l’agressivité, de la haine, du racisme ordinaire, à l’encontre de l’Autre, étranger, différent, dans son âge, son sexe, son identité, ses préférences de vie.

Depuis 1898, Maria Desraismes est figée dans ce bronze. Bel hommage certes, mais peut-on statufier la révolte ? Loin de nous l’idée d’une piété béate envers la fondatrice de notre Ordre, le Droit Humain. La seule et vraie fidélité est celle du mouvement qu’elle a impulsé. Progrès dans la conscience et le regard lucide porté sur le monde. Progrès dans l’action au sein de l’humanité. Jamais acquis, jamais achevé.

Alors, où en sont nos révoltes, en 2013 ?

Chaque 8 mars, je me plais à imaginer l’impatience empreinte d’amusement, l’indignation mêlée de dérision, de notre soeur Maria Deraismes, devant une société qui croit qu’octroyer, sans grande douleur, une journée sur 365 aux femmes, c’est leur rendre honneur et justice… Quel facile dédouanement pour les avanies qu’elles subissent dans trop de traditions culturelles et religieuses, de par le monde ! Comme si, autre exemple, la journée de l’Enfant, recommandée par l’UNESCO en 1959, instituée en France chaque 20 novembre depuis 1995, avait un seul jour banni les atteintes indélébiles qui lui sont portées !

A quand la journée de l’Homme, au sens masculin ? Pourquoi pas ?

Non. A quand surtout l’année entière du respect de la dignité humaine ? Comme une trêve génératrice d’un autre regard sur le genre humain ?

Utopie, quand tu nous tiens… Mais comment vivre sans elle, n’est-ce pas ?

Annick DROGOU, Conseiller National


A.S.: