X

Philippe Guglielmi : « les pierres que vous jetez ne sauraient impressionner le franc-maçon en quête d’idéal humaniste »

« Aujourd’hui, il y a trois lignes au PS : d’un côté les laïcards historiques, francs-maçons, qui considèrent que les religions nous emmerdent ; de l’autre ceux qui considèrent que la laïcité est un prétexte pour stigmatiser les musulmans ; et au milieu la ligne Aristide Briand, qui tente d’incarner un consensus. » Philippe Doucet, Député d’Argenteuil-Bezons dans Le Monde du 25/04/2015

Voilà ce qui a fait sortir de ses « gonds » Philippe Guglielmi, ancien Grand Maître du Grand Orient de France (GODF) de 1997 à 1999.

L’intéressé a alors pris sa plus belle plume pour répondre au Député du Val d’Oise : 

Monsieur le Député,

Dans un article du journal « le Monde » daté du 25 avril 2015, intitulé « le PS ne sait plus à quelle laïcité se vouer », vous vous autorisez à déclarer : « aujourd’hui, il y a trois lignes au PS : d’un côté les laïcards historiques, francs-maçons, qui considèrent que les religions nous emmerdent ; de l’autre ceux qui considèrent que la laïcité est un prétexte pour stigmatiser les musulmans ; et au milieu la ligne Aristide Briand, qui tente d’incarner un consensus. »

Outre que votre classification des intervenants dans le domaine de la laïcité fait montre d’un amateurisme évident, car les choses sont autrement complexe, vous ne pouvez, au passage, vous empêcher d’un jet de fiel à l’égard des francs-maçons. Je suis comme vous membre du bureau national du Parti Socialiste et, ne vous en déplaise, il est de notoriété publique que je suis francmaçon et même si je dois en rajouter dans la détestation que vous avez de mon appartenance, je suis fier de l’être.

Les francs-maçons sont accoutumés à être les cibles de tout ce que le monde peut compter de réactionnaires, de fascistes, d’intégristes et autres ennemis du progrès et de la République, mais que certaines assimilations hasardeuses puissent venir d’un parlementaire dit de gauche et qui plus est du Parti Socialiste, il y a de quoi surprendre fort désagréablement.

Outre que l’on serait en droit d’attendre d’un député, qu’il ait un langage mieux choisi, à moins que votre connaissance de la langue de Molière ne se limitât aux lieux d’aisance, on croyait pouvoir esperer un peu plus de courtoisie. Cela d’autant que vous êtes chargé du dossier de la loi sur la Laïcité présentée par le PRG, et que donc nous avons tout à craindre de quelqu’un d’aussi partial et primesautier que vous.

Je vous conseille franchement de vous occuper du dossier de la cueillette des olives en basse Provence, vous y aurez peut-être un peu plus de succès et le caractère bucolique de cette réflexion vous sera suave. Je précise que j’adore les petites olives noires de Provence. Mais revenons-en à votre attaque en règle et au décryptage qu’il faut en faire.

Le mardi 21 avril 2015 lors du bureau national rue Solferino, nous avons reçu le ministre de l’intérieur. Le débat a porté, entre autres, sur la laïcité, et je ne me souviens pas que vous ayez demandé la parole. Pour ma part je l’avais sollicitée, mais elle ne m’a pu être accordée car le ministre venait de nous quitter. Selon vous, il y aurait des laïcards francs-maçons, qui constitueraient à eux seul une tendance au sein du parti socialiste ? Je le découvre.

Tout d’abord je réfute le terme péjoratif de laïcards qui est tout à fait dans la veine de la terminologie 1 d’extrême droite. Ce genre de mouvement s’est toujours essayé à des néologismes faits pour brocarder leurs adversaires. Libre à vous de vous abîmer dans cette école de pensée, mais je ne saurais trop vous recommander, pour votre salut, d’en sortir prestement. Personnellement je ne connais que des laïques qui peuvent se répartir entre celles et ceux qui défendent une vision de la laïcité basée sur le vivre ensemble, le respect scrupuleux de la loi de 1905, et la séparation entre la sphère publique et la sphère privée.

Il existe ensuite des hommes et des femmes, favorables à ce que l’on pourrait appeler la « laïcité ouverte ou plurielle » je peux l’entendre, m’y confronter, peut-être en faites-vous partie, mais cela n’est pas ma vision. En ce qui concerne « les laïcards, francs-maçons » terminologie que je réfute, celles et ceux qui défendent ce point de vue, ne sont pas tous francsmaçons, je me permets de vous le signaler. Monsieur le député, vous comprendrez que j’ai beaucoup de mal à vous dire « cher camarade » je ne sais qui vous a poussé à déclarer que les francs-maçons pensaient que « les religions nous emm… ».

La franc-maçonnerie élève des autels à la vertu et elle combat les extrémismes. La Franc-Maçonnerie est le lieu où les différences se permutent en complémentarités et où celui qui croit au ciel et celui qui n’y croit pas, peuvent se rassembler sans se ressembler. À nos yeux, la foi est un choix intimiste que nous respectons, le dialogue entre celui qui croit est celui qui ne croit pas est source d’enrichissement mutuel. Par contre le prosélytisme nous rebute. La quête d’une spiritualité, qu’en ce qui me concerne je vois laïque, en tant que matière de l’esprit, suscite notre plus vif intérêt.

Vous voyez, monsieur le député, que nous sommes loin de sujets qui peuvent comme vous le dites « emm… » le monde qui nous entoure. Monsieur le député, je ne pouvais laisser passer votre propos sans réagir, vous appartenez à cette catégorie de politiques toujours prêt à jeter la première pierre et comme l’écrivait Cervantès « parler sans réfléchir, c’est tirer sans viser ».

Mais sachez, que les pierres que vous jetez ne sauraient impressionner le franc-maçon en quête d’idéal humaniste, car comme l’écrivait Hector Berlioz : « Ne refusez pas ces pierres que l’on vous jette, elles constitueront votre piédestal ».

Je vous salue par les mots propres aux conventionnels de 1792 : Salut et fraternité !

Philippe Guglielmi

Lire à cet effet, les articles suivants :

– « Le coup de sang du frère Philippe Guglielmi » sur le blog « Lumière » de François Koch

– « Laïcité : Philippe Guglielmi se fâche contre Philippe Doucet » sur le Bloc-Notes de Jean-Laurent Turbet

A.S.: