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L’INFLUENCE DU POUVOIR EN FRANC-MAÇONNERIE

L’illustrissime blogueur Franck Fouqueray, fait sa rentrée, en nous offrant ce billet d’humeur maçonnique, sur fond d’humour, mais toujours aussi pertinent :

L’influence du pouvoir en FM

« La justice sans la force est impuissante ; la force sans la justice est tyrannique. » Ainsi s’exprime Pascal dans ses célèbres pensées.

Si on se tourne maintenant vers le sens étymologique du mot pouvoir. On retrouve des réponses tel que : « désigne quelqu’un qui possède l’autorité, la puissance de faire quelque chose. » ou encore « Être responsable en quelque chose ». Tout cela nous parle dans le fond d’ascendant sur les autres et pourtant l’étymologie latine « posse » est intrinsèquement un verbe composé de potis sum « je suis maître de ». Or être Maître, n’est-ce pas ce que nous venons cultiver en Loge. Je ne parle évidement pas de contrôle mais bien de Maîtrise. Le contrôle c’est le pouvoir sur l’extérieur, alors que la maitrise concerne l’intérieur. Le latin magister nous dit que c’est « celui qui commande, celui qui dirige » et diriger c’est bien une notion de sens. Or le sens ou la direction, c’est précisément ce que la géométrie sacrée de la Franc-maçonnerie nous enseigne. C’est grâce à elle que nous pouvons nous centrer et nous orienter vers la destination finale du même nom… l’Orient, qui devient pour l’occasion éternel.

En résumé, et pour en finir avec mon introduction, on peut certainement dire que « Le pouvoir c’est acquérir une puissance couronnée de sagesse, afin de devenir exemplaire pour animer les autres »

Le lieu où nous sommes ne permet pas les débats, les commentaires ou les éclats de rire, mais j’entends d’ici quelques sarcasmes et autres commentaires intérieurs. J’entends par exemple certaines petites voix susurrer : « Tout cela n’est que foutaise dans la pratique, car le Maître est généralement celui qui ordonne à l’esclave ». Ce n’est pas faux, Etienne de la Boétie avec son « Discours de la servitude volontaire », il y a 5 siècles, nous a dressé un portait toujours d’actualité des rapports abusifs du Maître, mais aussi et de la soumission du dominé.

Avouez quand même que sans la soumission complice des victimes, il ne peut plus y avoir de Maître abusif. Chacun sait que le renard est le prédateur des poules et pourtant en mars dernier, en Bretagne, on a pu lire dans la presse « Des poules prennent leur revanche et tuent un renard à coups de bec ». On peut certainement en déduire que lorsque les victimes se lèvent pour occuper leur vraie place, les Maîtres se ravisent et les relations changent. Sans vouloir nier le statut de certaines victimes du pouvoir abusif, il est intéressant de soulever un point qui est celui de l’acte d’indignation, si chère à Stéphane Hessel. Se tenir droit et devenir Maître ainsi d’un pouvoir qui n’aura jamais de prise sur celui qui ne baisse pas les yeux. L’Homme debout en somme ! A l’image de Nelson Mandela qui durant 27 ans de captivité cultiva la Sagesse et la Puissance.

Nous nous souvenons tous de l’expérience de Stanley Milgram en 1962, sur la soumission à l’autorité. A l’époque, 1000 personnes ont participé à une expérience médicale dont le thème annoncé était : « l’effet de la punition sur la mémoire ». Ils devaient administrer de 15 volts en 15 volts des décharges électriques à un autre participant assis dans une chaise « électrique » lorsque ce dernier commettait des erreurs dans ses réponses. En réalité, tout était truqué. Le but était de voir jusqu’où un individu sous l’emprise d’une autorité est capable de se soumettre à celle-ci, s’il la juge légitime et s’il n’a aucune responsabilité dans les conséquences. Le résultat fut effrayant. Sur 1000 individus comme vous et moi, 66 %, les 2/3, poussèrent le curseur de 450 volts. Une torture abominable pour les participants… s’ils n’avaient pas été eux aussi des comédiens complices de l’expérience. Vous me direz certainement que tout cela, c’était avant. Mais non, l’expérience à été reproduite en 2010 dans un studio TV avec l’animatrice Tania Young qui remplaçait le docteur Milgram en blouse blanche. Une horde de spectateurs écervelés stimulait les participants au jeu. L’expérience médicale était remplacée par un banal jeu TV. Depuis le temps qu’on remémore les génocides et autres tueries humaines, nous sommes tous devenus des êtres responsables. Pourtant, il y a moins de 10 ans de cela, 81 % des participants sont allés jusqu’à 450 Volts. 15% de soumission supplémentaire par rapport à 50 ans plus tôt.

Ainsi, la soumission au pouvoir sans conscience est une maladie mortelle et dangereuse du côté des victimes, car elle en fait de dangereux bourreaux par procuration. Comme l’a écrit le pasteur protestant Martin Niemöller, « Le silence des pantoufles est plus dangereux que le bruit des bottes. »

J’affirme pour ma part que la complicité des participants sans conscience est le terreau de la dictature.

Reparlons maintenant du pouvoir en Franc-maçonnerie. Nous savons tous qu’il s’agit d’un simulacre de pouvoir. Il dure tout au plus 3 heures par mois pendant 3 an. Pourtant, une horde d’ambitieux se querellent pour savoir qui va se faire appeler Illustrissime Machin, Sérénissime Truc ou Très Respectable Bidule. J’ai l’habitude de dire que si on dote les dignitaires maçonniques de décors aussi lourds et puissants, c’est pour les lester afin que les leur orgueil ne les fasse pas s’envoler. Le problème c’est qu’après trois ans, ils ne veulent plus quitter leurs décors. C’est comme au football, il faudrait leur offrir à tous un ballon afin qu’ils n’aient plus à courir et ainsi, on se débarrasserait par la même occasion des supporters. Imaginez un instant, tout le monde ici serait sérénissime avec des guirlandes électriques et une crèche à roulette derrière pour faire office de traine. Il n’y aurait plus bagarre, car tout le monde serait chef.

Le problème c’est qu’ensuite, tout le monde se battrait pour devenir Apprenti et il y aurait des compétitions pour savoir qui est le plus humble et qui possède le tablier le plus petit et le plus blanc. Avouons quand même que tout cela n’est pas très sérieux. Le rôle d’un dignitaire est justement d’être digne. Or la dignité c’est avant tout le respect, le principe selon lequel une personne ne doit jamais être traitée comme un objet ou comme un moyen. Cela signifie que le Grand Maître est à votre service et non au sien. Il n’est pas celui qui parle, mais celui qui écoute. Il n’est pas celui qui abuse ou qui favorise les abus, mais celui qui est juste et permet à chacun de grandir. Pour revenir aux pensées de Pascal, c’est justement celui qui est puissant et qui est juste. Ainsi, c’est celui qui travail sur lui-même et qui est censé représenter la Sagesse. Le philosophe américain Ralph Waldo Emerson avait une phrase que j’aime beaucoup « Qui tu es parle tellement fort que je n’entends pas ce que tu dis ». Il me semble justement que le dignitaire, quel qu’il soit, doit être avant tout dans son corps et dans son esprit, un fil à plomb guidé par l’amour fraternel.

Malheureusement, l’illusion du pouvoir l’emporte trop souvent et c’est justement là que se trouve la racine du mal de la Franc-maçonnerie. L’illusion et le monde des apparences sont les deux sources de notre perdition future si nous n’ouvrons pas les yeux.          

A.S.:

View Comments (5)

  • Les individus qui paraissent les plus brillants en termes de culture artistique, financière, judiciaire, politique ou maçonnique sont ceux dont nous devons constamment nous méfier. Ils brillent mais n'éclairent pas, ils sont illusions, simulacres et miroitements pour un seul but, un unique objectif, une seule volonté : la réalisation, la satisfaction, la jouissance animale de leurs désirs narcissiques du pouvoir couplé à la puissance.
    Ce sont les individus (mâles ou femelles, car je leur dénie la dénomination d'êtres humains) les plus dangereux, cruels et morbides qui puissent exister. Leurs sourires enjôleurs, leurs phrases suaves, leurs regards innocents ne servent qu'à hypnotiser leurs proies pour obtenir une – pseudo – adhésion volontaire d'esclave soumis dont ils se défaussent de toute responsabilité, bien évidemment.
    La seule option que j'entrevois pour contrer le pouvoir dictatorial d'un seul individu est de placer le pouvoir en un groupe d'au moins neuf sages – non candidats mais appelés et élus par la majorité des électeurs – dont aucun n'aurait la présidence et dont les décisions seraient prises à l'unanimité absolue.
    Cela peut sembler lourd mais nous avons presque l'éternité devant nous ou du moins encore 4 milliards d'années sur cette bonne Terre.
    Quoique ! Aurait dit le F Devos. Avec nos conneries quotidiennes de course au profit incessant, cette pôvre planète est en cours d'agonie et notre futur a programmé l'obsolescence de l'humanité.
    Je ne le verrai pas mais je suis responsable d'avoir fermé les yeux, bouché les oreilles par conformisme et n'avoir pas eu le courage du sacrifice, d'être lanceur d'alerte.
    Il n'est jamais trop tard ! Pourquoi pas ? Même un petit pas pour l'homme que je m'efforce à présent d'être pourrait devenir un grand pas pour l'humanité. Clin d'œil à un F lunaire !
    Promis ! Je fais le serment de dire désormais tout haut ce que je pensais tout bas et quoiqu'il puisse m'en coûter, vitalement bien sûr et non pas financièrement mais surtout avec beaucoup d'humour.

  • C'est la première fois que je lis un de tes textes. Et j'ai beaucoup aimé. Plein de bon sens, et d'enseignement pour les maîtres. Mais aussi pour le jeûne apprenti que je suis.
    Fraternelllent

  • Ma TCS Patricia,
    S'indigner est certes une réaction qui vaut toujours mieux que la collaboration passive des masses.
    En revanche, je suis assez mitigé sur son effet bénéfique et constructif sur les structures humaines, car je connais des dizaines de personnes indignées... qui passent leur vie en colère à s'indigner de tout. En quoi cela fait-il avancer les causes ?
    L'éveil de la conscience est une première étape vers la libération, mais pour atteindre ce nirvana, j'aime illustrer mon propos par les 5 étapes du deuil d'Elisabeth Kubler Ross
    1° - Déni
    2° - Colère
    3° - Négociation
    4° - Dépression
    5° - Acceptation
    L’indignation se situe en étape 2° et 3°, mais si on n'en sort pas on tourne en rond durablement. Il faut donc sortir de l'indignation et achever le cycle intégrale de la renaissance. Il faut accepter ce chemin qui conduit vers la liberté. Cela est valable pour l'individu comme pour les groupes.

  • Franck tes billets d’humeur humoristique maçonnique sont un ravissement. Dès que j’en vois un poindre à l’horizon je m’en délecte avant même de l’avoir lu. Aujourd’hui je me permets une petite contribution sans prétention : tes billets sont au poil et je n’ai pas ta plume…
    « Le rôle d’un dignitaire est justement d’être digne » écris tu Franck et je suis bien d’accord avec toi. Mais être digne c’est surtout, je crois, ne pas perdre sa capacité à s’indigner. C’est, je pense, de cela qu’a voulu parler Stéphane Hessel dans « Indignez-vous ! ».
    L’espèce humaine est ainsi faite que, à part, peut-être, quelques très rares exceptions, la dignité du dignitaire ne pourra perdurer que par la force d’indignation des nons dignitaires…
    Le gros de l’humanité a perdu toute aptitude à s’indigner à force d’accepter de se faire « moutoniser » par la poignée d’individus qui a décidé de tout prendre en main avec son assentiment ou pour le moins dans sa royale indifférence.
    Le pouvoir tue la capacité à s’indigner de celui qui le détient ou croit le détenir et de ceux qui acceptent consciemment ou inconsciemment qu’il le détienne ou qui, par manque volontaire ou non de lucidité, savent qu’il ne détient rien sauf ce qu’il croit détenir grâce à leur je-m'en-fichisme.
    Sénèque disait que « les misères de la vie enseignent l'art du silence » … C’est décidé : Je me tais… du moins pour quelques minutes…juste le temps de me préparer un thé à la bergamote et de m’indigner dans mon coin.
    BBB