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LEXIQUE MAÇONNIQUE HUMOURISTIQUE


Les francs-maçons ont-ils de l’humour ?

ACCOLADE : Acte maçonnique par excellence, expression de la fraternité la plus authentique en même temps que véhicule des parfums les plus nauséabonds. Tellement signifiante en soi que nombreux sont ceux qui la donnent, sans même savoir à qui ils la donnent. Pour moi, survivance de la pensée magique selon laquelle on peut installer une réalité en la nommant.

ADOPTION (Fête d’) : Grand raout qui se reproduit tous les 4/5 ans, le temps que Cupidon ait fait son œuvre et que les crèches soient à nouveau garnies. On y apprend à ces chers petits qu’ils ne doivent pas s’en faire, que le GADLU et sa Commission veillent définitivement sur eux, qui n’ont de toute façon aucune responsabilité. Cette fête donne l’occasion aux parrains de rivaliser de cadeaux somptueux et de décors rutilants. Elle permet également aux épouses (voir aussi l’article « FEMME ») de se rassurer quelque peu quant aux fréquentations/frasques vespérales, sinon nocturnes, de leurs époux.

 ANCIEN ET ACCEPTE (Rite Ecossais) : Voie triomphale vers le dernier et ultime stade de la vanité, vérité dont sont intimement pénétrés ses serviteurs les plus convaincus; son parcours est jalonné d’étapes parfois rocambolesques, parfois sublimes, fruits des suées nocturnes de très éminents Maç\du XVIIIe siècle.

ANDERSON : Auteur de contes pour enfants. Peut aussi s’adresser à des Maç∴ avides de merveilleux.

APPRENTIS : Ignares tellement honteux de leur analphabétisme (ils ne savent ni lire ni écrire !) qu’ils ne parlent pas en public (des fois que cela s’entendrait !). Dans certains cas, véhicule d’injures: «va donc, espèce d’éternel apprenti ! « ou « Mon pauvre, tu ne seras jamais qu’un éternel apprenti ! »

ASSIDUITE / ASSIDU : Qualité absolue qui donne droit à toutes les excuses. Dire d’un frère qui exprime quelque chose de peu intéressant: « Oui, mais il est très assidu ». Synonyme : en règle de cotisation ».

 ATHEE : Il y a deux sortes d’athées :

Ceux qui n’ont aucune inquiétude spirituelle, ce qui leur vaut l’appellation d' »Athées Stupides ». Une telle attitude est incompatible avec une réelle vocation maçonnique. Ils sont cependant peut-être plus croyants qu’ils le pensent – ou le croient – car si Dieu (ne lésinons pas sur les majuscules) avait le peu d’existence qu’ils veulent bien Lui accorder, pourquoi aurait-Il ce pouvoir de provoquer chez eux des éruptions cutanées dès qu’ils entendent prononcer Son Nom ? (Voir article « Tolérance »). A leur conseiller vivement : une relecture du 14e degré.

Ceux qui rejettent le Dieu révélé par les Eglises, mais qui n’en sont pas moins des esprits religieux.

CORDONITE : Affection aiguë qui peut toucher le franc-maçon qui n’y prendrait garde. Se traduit par une propension à collectionner des colifichets et autres accoutrements si possible brillants et clinquants dans le but de satisfaire un ego dilaté et un orgueil bien peu maçonnique. (L’orgueil est-il donc vertu maçonnique ?). Elle se manifeste par des symptômes incompréhensibles au profane, entre autres pour nos FF\ une usure prématurée du col du smoking qui part de l’épaule gauche pour se terminer sur le flanc droit.

CULTURE MACONNIQUE : Désigne le paquet d’habitudes de l’Institution telles que les rêve le profane et telles que les supporte le franc-maçon.

DEVOIRS DU FRANC-MACON : Les exiger de la part des autres, s’en affranchir quant à soi. Les autres en ont envers vous, mais vous n’en avez pas envers eux.

DIEU : Voir GADLU – c’est fou ce que cette institution, qui jouit dans le profane d’une solide réputation de laïcité, voire d’athéisme, peut engendrer parmi ses membres le besoin de parler de Dieu.

DIGNITAIRE (Officier) : Membre d’une Commission d’Officiers du même nom. Certains d’entre eux éprouvent parfois d’énormes difficultés à faire la différence entre honneur, privilège, service et charge.

ECOSSISME : Mouvement ésotérico-exotique fort en vogue au Siècle des Lumières, connaît aujourd’hui une renaissance sous la forme d’un intérêt passionné pour les whiskies « Pure Malt ».

FEMME : Indispensable auxiliaire (op.cit : un ancien rituel de fête blanche) sans qui nos Travaux n’auraient pas l’éclat qui leur revient et notre assiette serait beaucoup moins bien garnie.

Lasses de ce rôle subalterne quoiqu’incontournable, certaines ont voulu en finir avec cette servitude et ont créé leurs propres ateliers où elles travaillent en paix, loin des sarcasmes de leurs FF\.

FRATERNITE : Souvent invoquée, rarement pratiquée. Synonyme : serpent de mer.

GADLU : Voir DIEU.

GANT : Attention à l’orthographe, s’écrit bien GANT et pas GAND. En principe, signe de la pureté des intentions du Maçon; pour certains, affirmation de leur détermination à ne pas se salir les mains, surtout à l’occasion d’une tâche profane. Se méfier des farceurs ou des distraits : j’ai commencé ma vie maçonnique avec une paire reçue, j’en ai acheté une seconde par la suite et je me trouve aujourd’hui à la tête d’un capital de deux gauches et quatre droits.

Chez nos FF\, la paire attribuée au nouvel initié est traditionnellement assortie d’une paire de gants de femme, à remettre à la Femme qu’il estimera la plus digne de les recevoir de la main d’un Franc-Maçon. Quelle méprisable vanité ! Pourquoi ne pas inverser le propos : « dont il s’estimera assez digne pour pouvoir les lui offrir sans rougir » ?

GRAND : Qualificatif favori des Maçons. Tout est Grand chez eux, rien n’est petit, pas même le cou.

Quelques cas particuliers : Grand Maître : Maître plus long que les autres, ou encore Maître-étalon. Doit cette appellation à son étonnante capacité à diriger une érection de colonnes. Grand Officier ; Officier qui se croit plus grand que les autres.

HAUTS GRADES : Les dénigrer, mais tâcher d’en faire partie si l’on peut.

INITIATION : Cérémonie qui permet de recevoir la Lumière: Avant j’étais complètement dans le cirage, maintenant que je suis initiée, la couleur du cirage est passée du noir foncé au noir clair.

Certains sont parfois tellement impressionnés par la Lumière qu’ils reçoivent qu’ils en deviennent des Illuminés pour le reste de leur vie

LIBERTIN IRRELIGIEUX : Quel Beau programme !

MACONNIQUE : Qualité souvent caractérisée par son absence (cette attitude n’est pas M\) ou encore propriété attribuée à des objets qui n’ont que peu de choses à voir avec elle (qu’est-ce donc qu’une Musique M\, une Mallette M\?)

MAILLET : Voir outils. Peut faire très mal lorsqu’il est utilisé à des fins carriéristes.

MAITRE : Unité de mesure d’une loge : il faut une loge de 7 M pour qu’elle soit juste et parfaite. Les Grandes Loges font jusqu’à une centaine de M.

OBEDIENCE : Synonyme parfait de « Droit chemin ». Voir secte

OUTILS : Autant que possible, éviter de s’en servir tout en en parlant d’abondance. Certains peuvent causer de vilaines blessures (voir maillet). Toujours bien les ranger dans sa boite à outils; se méfier du compas qui pique et du fil à plomb qui s’emmêle facilement.

PLANCHE : Instrument de supplice préféré de tous les verbeux qui n’ont rien à dire mais espèrent s’arroger le droit de parole en invoquant le mot. On distingue : les planches d’instruction, les planches d’érudition les planches à clous, les planches à repasser , les planches de salut , les planches à tartiner, les planches à voile et les planches ennuyeuses, de loin les plus nombreuses.

QUELQUE PART : venu d’ailleurs. Paradigme du processus d’appauvrissement dont est actuellement gangrené notre langage. Transcende une évidence en la plongeant dans une espèce de profondeur vague, teintée d’universalisme; n’a son pareil en matière de langue de bois que dans cette autre expression « par rapport à »

Comparer : « l’initiation est une progression » à  » l’initiation est quelque part une progression ».

La capacité quasi ubiquiste de cette locution lui permet d’offrir une gamme étendue de nuances gouvernées par sa seule position dans une phrase; voyez plutôt la poignante différence d’extension et de localisation provoquée par un petit déplacement : « L’Initiation est quelque part une progression » / « L’Initiation est une progression quelque part » ; la première ouvre la porte à toutes les spéculations ontologiques, laissant – et c’en est très émouvant – au verbe être déployer toute son extension sémantique, alors que la deuxième patauge platement et rachitiquement dans une gadoue désespérément pragmatique (où donc, et non pas en quoi, l’initiation est-elle ?) Dans le premier cas, on frise quelque part le sublime, dans le second on passe en-dessous des fraisiers sans même s’en apercevoir. Mais dans un cas comme dans l’autre, le sens du mot progression est singulièrement occulté. Je garde pour la bonne bouche « sortir de quelque part ».

RECTIFIE (Rite Ecossais) : Petit frère de l’autre quoique son aîné; permet aux membres de l’un comme de l’autre de se proclamer la seule Maç\authentique.

REGULARITE : Prétexte providentiel pour tous ceux qui souffrent d’un vénéralat rentré ou de toute autre charge qui leur a échappé; il permet de réputer parjures mais tout de même pas infâmes tous ceux qui leur ont damé le pion et, par la multiplication des charges qu’il engendre, fait le bonheur et la fortune des marchands de décors.

Remarquons que cette régularité ne peut se fonder que sur l’irrégularité des FF\ et SS\ préalablement reconnus comme Maç\.

RETOUR (Assuré-dans-leur-Patrie-si-tel-est-leur-désir) : Chorus final d’une formule incantatoire par laquelle beaucoup croient avoir exprimé le meilleur de la Maçonnerie. J’en doute, car je suis porté à m’interroger sur ce que seraient disposés à faire pour faciliter ce retour (je connais cependant un F\ qui ne lésinerait pas sur ses coups de pied au derrière pour précipiter ledit retour) tous ceux qui n’ont pas leur pareil pour rester à table sur leur cul de plomb tout en ignorant superbement ( quand ce n’est pas pour la dénoncer comme une gène) la main du F\ qui s’est chargé de desservir la table.

RITUEL : Grimoire dans lequel sont consignés des échantillons représentatifs des aptitudes humaines à la banalité et à l’obscurantisme, ces échantillons voisinent avec des textes qui dépassent parfois le niveau de l’entendement humain : bien des années sont nécessaires pour en pénétrer le sens.

SECTE : Assemblée de Maç\ ou de profanes qui n’appartiennent pas au même groupement. (Voir aussi « Obédience »)

SERMENT : Formule par laquelle le nouvel initié s’engage à tenir une impressionnante série d’engagements dont la teneur lui échappe souvent et ce, moyennant des sanctions impliquant les plus horribles supplices. A force d’en prononcer, on finit par oublier de les tenir. Synonyme : SERREMENT (voir ACCOLADE)

SMOKING : Bleu de chauffe du Maçon, peut d’ailleurs être bleu, surtout en Loge du même nom

SYMBOLISME : Art d’enfoncer les portes ouvertes. Exemple d’une planche sur la Porte :

« La porte est liaison disjonctive, dans l’Histoire de l’Homme comme dans les constructions qu’il édifie. Entre le dedans et le dehors elle pose en langage binaire (ouverte/fermée) la question de savoir si la détermination normative débouchera sur une synthèse codée potentielle. Avant d’y répondre, cette planche n’esquivera pas une question préalable : Tout cela n’est-il pas une histoire de gonds ? En effet, le symbolisme peut-il être l’apanage d’autres individus qu’une bande de gonds ? »

Pendant longtemps, je me suis interrogé sur les raisons qui poussaient infailliblement les gens à s’arrêter dans les portes ou aux endroits étroits; des années durant, je suis resté convaincu que c’était pour me faire ch… Et bien non : c’est tout simplement parce que cette porte, cet endroit étroit, marque un passage, ce qui n’échappe pas à leur subconscient qui hésite à franchir ce passage.

La notion qui me paraît devoir être développée est sans conteste celle de passage : une porte peut s’ouvrir ou bien entendu se fermer, sur quoi ? L’espoir ou le désespoir ? L’affirmation d’une finitude ou une ouverture vers un progrès ? La richesse ou le néant?

TABLIER : sert pour s’essuyer les mains après avoir copieusement taillé la pierre (sans pour autant avoir bataillé). Curieusement certains sont plus blancs que d‘autres.

Dialogue entendu à la colonne du nord: « Pourquoi ton tablier est il plus blanc que le mien ? » « Normal je le lave avec Ariel »

TOLERANCE : Tarte à la crème systématiquement lancée par ceux qui ambitionnent ne poser que des questions intelligentes : lorsque le silence s’installe lors d’un interrogatoire de profane par exemple, et qu’il faut craindre d’en être réduit à voir passer un ange, ce qui provoquerait un regrettable prurit chez certains, il se trouve toujours un bénévole (au sens d’homme de bonne volonté) pour poser cette question qui force le silence par l’importance qu’elle semble porter en elle et n’a pas pour moindre mérite de donner des idées aux imbéciles : que pensez-vous de la tolérance ? (Ce serait bien entendu trop facile de demander : « Etes-vous tolérant ? »).

Ce calotin de Paul Claudel avait bien raison de dire : « La tolérance ? Il y a des maisons pour cela. » Les bordels sont, je le crois, le lieu idéal où peut s’épanouir la tolérance dans les objets qu’actuellement elle mérite, cad les petits travers. En dehors des écarts de conduite parfois bien compréhensibles et des excès de vitesse, il n’est rien de tolérable; il n’est en effet que des choses intolérables et des choses qui exigent qu’on s’y intéresse. (En Turc, paraît-il, tolérance se dit « regard aimant ».)

Il ne faut pas perdre de vue que ce qui était au 18e siècle une réelle vertu nécessitant pour être exercée un courage voisinant à la témérité s’est réduit aujourd’hui à un médiocre alibi permettant d’échapper à un conflit.

TROISIEME : Ne mérite d’être pris en considération que s’il est précédé de Trente. La différence entre Trente-Trois et Trente-deux est plus grande que la différence entre n’importe quels autres nombres

VENERABLE : office de. Le blaguer cet office, mais le convoiter. Quand on l’obtient toujours dire qu’on ne l’a pas demandé.


A.S.: