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Les franc-maçons varois ouvrent leur temple

Entretien avec Pierre Lambicchi, Grand Maître du Grand Orient de France, dans l’éditorial « Var Matin » à l’occasion de l’inauguration le samedi 05 juin 2010 de l’exposition que l’ obédience organise au forum du casino d’Hyères.

Source : http://www.varmatin.com/article/var/les-franc-macons-varois-ouvrent-leur-temple

Entourée de mystère, accusée d’entretenir la culture du secret la franc-maçonnerie sort de l’ombre de ses temples. Et s’expose au grand jour Grand Maître du Grand Orient de France depuis septembre 2008, Pierre Lambicchi inaugurera ce soir l’exposition que son obédience organise au forum du casino d’Hyères. A cette occasion, il a accepté de répondre à nos questions. En toute transparence.

Malgré votre volonté de communiquer davantage, il semble que les francs-maçons aient du mal à se revendiquer en tant que tels. Comment l’expliquez-vous ?
Ça tient aux trois secrets maçonniques. Le secret obédientiel. Même s’il n’y en a pas au Grand Orient de France (GODF), qui exporte ses travaux, rend public ses comptes financiers et l’agenda du Grand Maître, dispose d’un site Internet et d’une télévision accessible aux profanes. Le secret maçonnique, très personnel puisqu’il s’agit en quelque sorte des motivations propres à chaque frère. Enfin le secret d’appartenance. Il appartient au seul frère de se déclarer publiquement ou pas franc-maçon. Je ferais tout de même remarquer que l’antimaçonnisme reste important en France.

En gardant secret leur appartenance à la franc-maçonnerie, les frères n’entretiennent-ils pas justement cet antimaçonnisme ?

On l’entretiendrait si on n’ouvrait pas nos obédiences et qu’on ne montrait pas comment on travaille. L’antimaçonnisme a les mêmes arguments depuis 1936-1940 : les francs-maçons forment un réseau, ils privilégient la franc-maçonnerie à tout le reste. C’est pour ces raisons, pour essayer de mettre un terme à ces a priori négatifs, que j’ai écrit un livre, Les loges de la République, dont le bénéfice des ventes est reversé à la fondation du GODF. Cette fondation est intervenue en Haïti, où nous avons envoyé 3 000 tentes et financé 80 opérations. Elle est présente également en Afrique et au Pérou, où elle a permis la construction d’écoles primaires. Elle subventionne par ailleurs l’hôpital Adassa, en Israël, où des enfants palestiniens sont opérés par des médecins israéliens.

Personnellement, êtes-vous plutôt favorable au fait que les frères se dévoilent ?
Tout à fait. Nous n’avons rien à cacher.

Comment expliquez-vous le dynamisme de votre obédience ? Que viennent chercher les nouveaux frères ?
Une écoute. Le GODF est une obédience traditionnelle où l’on travaille avec le symbole, le rite, le rituel. Mais on discute aussi beaucoup, on est ouvert aux travaux sociétaux, religieux, politiques. L’impétrant y est écouté avec une fraternité active, bienveillante. Il n’existe pas beaucoup d’endroits où l’on peut être écouté comme ça.

Plus de deux cents ans après sa création, le GODF n’accepte toujours pas les femmes. C’est un peu archaïque, comme vision…

Notre position est très claire : le GODF a aidé au développement d’obédiences féminines. On a toujours reconnu l’initiation féminine. Depuis 1974, les loges du GODF peuvent recevoir des sœurs en visite. Depuis six mois, on a une transsexuelle femme parmi nos frères. En septembre, à l’issue de notre « convent » (sorte d’assemblée générale, Ndlr), nous saurons si on peut initier des femmes.

A l’avant-garde sur l’abolition de l’esclavage notamment, vous n’êtes tout de même pas en avance sur cette question…
On n’est pas bloqué non plus, puisqu’on est en débat. Je préciserai à ce sujet que dans le panel de la maçonnerie libérale et adogmatique, proche du GODF donc, les obédiences féminines et mixtes ne manquent pas.

Quelle est votre position sur le voile intégral ?
J’y suis opposé. Non pas au nom de la laïcité, mais en terme de défense des droits de l’homme. Le voile intégral est une atteinte aux droits de la femme. Cela sous-entend que la femme est inférieure à l’homme. Or la femme est l’égale de l’homme, elle a les mêmes droits, doit avoir le même salaire, la même évolution de carrière.

La GLNF exige de ses frères qu’ils croient au « grand architecte de l’univers ». Et vous ? Quel est votre rapport à la religion ?
On n’oblige pas nos frères à croire en Dieu, mais on ne l’interdit pas. Chacun a sa liberté d’opinion et d’expression. Ce qu’on appelle la liberté absolue de conscience. Mais on est surtout des laïcs.

Comparé à la GLNF, vous semblez avoir été épargné par les « affaires ». A quoi est-ce dû selon vous ?

On n’a pas le même mode de recrutement. On est très rigoureux. Quand un frère est en faute, on l’exclut. On n’accepte pas non plus quelqu’un qui viendrait pour se faire un carnet d’adresses.

Malgré tout, au passage aux années 2000, le GODF a radié une petite centaine de ses frères. Y a-t-il à l’heure actuelle des procédures disciplinaires ?

C’est très anecdotique. Il n’y a même pas dix plaintes en justice incluant des frères du GODF. Et encore, cela concerne des affaires d’ordre privé. Ceux dont les intentions ne seraient pas saines savent qu’ils seront exclus. Ils ne tentent donc pas d’entrer dans notre obédience.

On a longtemps associé franc-maçonnerie et sphères politico-économiques. Qu’en est-il vraiment ?
Le GODF s’intéresse à la société. La citoyenneté française par exemple, ça fait cinq ans qu’on y travaille. On n’a pas attendu Eric Besson. On a aussi réfléchi au service civique, à la bioéthique… On propose le résultat de nos travaux aux politiques. Cela se passe au niveau des ministères, de l’Assemblée nationale, voire carrément de la présidence de la République.

Vous êtes écoutés ?
De temps en temps ça arrive. Pour le fichier Edvige, qu’on a été les premiers à décrier en septembre 2008, on a été écouté. Mais ce ne sont plus des révolutions. On apporte des petites touches, des petites modifications. C’est un travail de tous les jours.

Qu’attendez-vous de ce genre d’exposition que vous inaugurez aujourd’hui ?

On montre ce que sont les maçons, l’évolution de la franc-maçonnerie. Ce n’est pas un espace mémoriel, mais un espace de progrès. A travers les objets exposés, on montre que la franc-maçonnerie a participé aux grandes évolutions de l’humanité.

A.S.: