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LE TRONC DE LA VEUVE


La coutume de la charité, dans la franc-maçonnerie, dériverait du passage de l’Évangile rapporté ci-dessus, nos anciens rituels n’en font mention qu’en 1820, lorsque, dans les « Statuts généraux de Naples » , il est fait référence à la « Borsa della Beneficenza « .

Le fait est que chaque séance, de quelque degré que ce soit, se termine par le passage de la trompe de la veuve ; sans cette cérémonie simple mais très importante, on peut dire que la séance n’est pas « rituelle ».

La dénomination « tronc de veuve », en référence claire au passage susmentionné de Marco, fait probablement référence à la figure d’Hiram « fils d’une veuve de la tribu de Nephtali, mais du père Tirio, artisan en bronze, d’une grande habileté technique et plein de talent, habile dans toutes sortes de travaux de bronze » , et nous ramène à la légende d’Isis.

Source : www-expartibus-it

La déesse, sœur et épouse du dieu Osiris, tuée et mise en pièces par son frère Seth, qui éparpilla sa dépouille sur toute la Terre, aidée par sa sœur Nefti, après une longue errance, retrouve toutes les parties de son corps sauf le phallus dévoré par un poisson du Nil.

Isis, avec beaucoup d’efforts et de larmes, parvient à recomposer son corps, mais, faute de membre viril, elle est incapable de procréer. Sans se décourager, il crée une prothèse en bois de sycomore et le rejoint, donnant vie à Horus, le Soleil, qui, par conséquent, est le fils de la veuve, puisqu’il a été engendré par Isis, qui l’a conçu sans mari.

Le coffre avec les restes divins, descendant le Nil, atteint la mer et est poussé par les courants jusqu’à la côte de la Syrie, où, soudain, apparaît une bruyère qui pousse rapidement jusqu’à enfermer le coffre dans son tronc. Le roi local, surpris par la grandeur de la plante, la fit abattre et, ignorant son contenu, en fit une colonne pour son palais.

Isis, l’ayant appris, se rend en Syrie où, après diverses vicissitudes, elle obtient enfin la colonne dans laquelle repose le corps d’Osiris et, recouvrant le tronc d’onguents parfumés, l’élève au centre d’un grand temple. Depuis lors, dans tous les temples qui lui sont dédiés, les fidèles dévots déposent leurs dons pour la charité dans une malle placée à l’intérieur de l’enceinte sacrée.

C’est ainsi que le récipiendaire de l’aumône prend le nom de « malle de veuve ».
Pour cette raison, dans les milieux ésotériques, un initié est dit « Fils de la Veuve » car cela signifie être comme Horus ou comme Jésus, puisque selon les cultes respectifs, tous deux sont nés sans l’intervention d’un père.

Être fils de veuve, c’est être fils de l’espace fait pour que l’âme reçoive toute la lumière de l’esprit, d’une mort – renaissance qui implique un acte intérieur d’union avec soi-même pour réaliser sa plénitude, un acte qui ne peut qu’avoir lieu en un point ineffable, connu seulement de ceux qui se réunissent, ou « connu seulement des enfants de la veuve ».

Lors du rite d’initiation, le Vénérable Maître s’adresse au candidat avec la formule suivante :

Profane, il est temps de mettre en pratique le second devoir du franc-maçon, c’est-à-dire de pratiquer les vertus les plus douces et les plus bienfaisantes, d’aider votre Frère, d’anticiper ses besoins, d’apaiser ses malheurs et de l’assister de vos conseils, de vos lumières avec votre crédit.

Ces vertus, considérées dans le monde profane comme des qualités rares, ne sont, chez les francs-maçons, que l’accomplissement d’un devoir.

Je ne pense pas qu’il soit nécessaire d’ajouter quoi que ce soit d’autre pour comprendre l’importance accordée à la solidarité, entendue comme fondement de l’égalité et de la fraternité et comme corollaire immédiat du processus initiatique.

Le franc-maçon, en même temps, travaille à son propre perfectionnement spirituel et à celui de l’humanité, en effet si « vouloir être meilleur c’est être meilleur » il est aussi vrai que « s’améliorer c’est améliorer les autres ».

L’homme et l’humanité, en tant qu’un et tous, sont des facteurs mutuellement inséparables ; l’ésotérisme, comme cheminement vers la connaissance du Soi, représente notre opération, exactement comme la construction du temple intérieur fut un travail tout aussi efficace pour nos prédécesseurs engagés dans les chantiers et pour les spéculatifs acceptés dont nous sommes les descendants.

Voilà donc que la séparation des métaux, qui se fait déjà dans la salle de réflexion pour que le candidat puisse être admis au Temple, prend un sens pratique d’une portée intrinsèque bien plus large que le contenu moral, quoique élevé.

Si les métaux représentent l’élément lourd et corporel de notre réalité physique, s’en détacher devient une condition nécessaire pour que la rectification ait lieu. Ce symbole doit ensuite être intériorisé et réalisé individuellement par l’Initié, ce qui signifie que l’ésotérisme, comme cheminement vers la connaissance de Soi, reproduit notre fonctionnement.

La séparation des métaux ne nourrit pas l’attachement aux biens matériels et, plus généralement, aux passions, car sans ce détachement progressif, la rectification serait un leurre. L’accomplissement de ce devoir sans ostentation cache, sur le plan individuel, la main du bienfaiteur ; l’aide reste entourée de secret car, pour produire des effets opérationnels, il ne doit pas y avoir de rétribution morale, mais un véritable sacrifice, sacrum-facio .

Briser la coquille de sa personnalité égoïque et se sentir partie intégrante de ce tout qu’est l’Humanité est une étape indispensable pour transcender son propre ego et transformer l’Initiation en sa réalisation spirituelle ; c’est ainsi que prend forme l’amour pour les autres humains.
L’Amour comme Feu, un passage obligé qui sera étudié en profondeur lors du parcours initiatique.

A un certain moment de la cérémonie, les métaux sont rendus, si l’Initiation est intériorisée, sa valeur est transmuée et elle est disposée d’une manière différente. Il semble extrêmement cohérent que l’argent collecté dans la malle de la veuve soit transformé en « beaucoup de morceaux d’Osiris pour la reconstruction de l’homme ».

La charité est la vertu capable de soulager la douleur et la misère qui nous entourent. Alors qu’une aide durable peut changer la vie et le destin d’un homme.

Il faut opposer le matérialisme et la recherche effrénée de la richesse à la poésie humble et douce de la Trompe de la Veuve.
Une couronne

A.S.: