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LA THÉORIE DU COMPLOT (maçonnique) A LA PEAU DURE !

Le conspirationnisme (ou la théorie du complot), que nous devons en partie à Augustin Barruel,  a toujours été la préoccupation majeure des anti-francs-maçons.

A ce titre, je vous invite à lire l’article, paru en 2013 dans Libération, de Jean-Philippe Schreiber, directeur de recherche du FNRS, et professeur à l’université libre de Bruxelles, intitulé « Le conspirationnisme contemporain : une vieille histoire » : une belle analyse sur le conspirationnisme ou la théorie du complot et son avenir !

Nul ne s’étonnera qu’aujourd’hui comme hier, certains s’évertuent à ne voir le cours du monde qu’au travers d’une grille de lecture conspirationniste. Ce qui est neuf, en revanche, c’est que dans un monde relativiste — le nôtre — où les modes de communication et les réseaux sociaux nivellent les discours, où s’affirme l’idéologie du doute permanent, les spéculations complotistes recueillent de plus en plus de succès parmi ceux qui sont aveuglement prêts à se fier à des croyances simplificatrices. 

Sans trop savoir que ces élucubrations ont souvent plus de deux siècles… L’idée du complot est en effet vieille comme la modernité et ressasse depuis la Révolution française les mêmes théories, à peine actualisées.

«Dans cette Révolution Française, tout, jusqu’à ses forfaits les plus épouvantables, tout a été prévu, médité, combiné, résolu, statué ; tout a été […] amené par des hommes qui avaient seuls le fil des conspirations longtemps ourdies dans les sociétés secrètes, et qui ont su choisir et hâter les moments propices au complot» : ainsi s’exprimait, en 1798, l’abbé Augustin de Barruel.

Pensée antimoderniste 

Cette idée d’un complot permanent marquera la pensée antimoderniste, de sorte que nombre de discours conspirationnistes, jusqu’en ce début de XXIe siècle, ne sont en fin de compte qu’une longue resucée de sa pensée. Barruel a constitué un véritable bréviaire pour ceux qui ont développé l’imaginaire du complot, notamment par la légende des Illuminés — la conspiration menée par des chefs invisibles afin de manipuler les gouvernements et accaparer le pouvoir.

Ces délires peuvent être balayés d’un revers de main, parce qu’ils ne sont après tout que l’expression d’une vision magique du politique. Mais ce serait un peu court. Les théories du complot permanent puisent aux mêmes sources, se nourrissent depuis deux siècles de la même historiosophie, répondent à des mêmes schèmes rhétoriques et offrent une explication des maux du monde qui structure maints discours contemporains sur le réel.

L’Église catholique, mise à mal par la modernité, a joué à la fin du XIXe siècle un rôle capital de ce point de vue, préparant le terrain à la sécularisation de motifs qui s’énonçaient pour l’essentiel sur un registre théologique ou apologétique, contribuant à donner à la théorie du complot une force performative peu ordinaire.

La sécularisation du fantasme

L’idée du complot est d’une puissance redoutable parce qu’elle mobilise les ressorts de la pensée mythique — le mythe ayant précisément pour fonction de tout expliquer. Elle relève du mythe aussi parce qu’elle suggère un dédoublement du monde, la réalité apparente n’étant que le voile derrière lequel opèrerait un autre monde, insaisissable, qui en fixerait les règles et serait le lieu véritable du pouvoir.

Pierre-André Taguieff a montré que le principal véhicule en fut les Protocoles des Sages de Sion ; toutefois, l’Église catholique a concouru à entretenir ce mythe politique d’une prétendue puissance cachée, trente ans avant la diffusion des Protocoles. L’encyclique Humanum Genus de Léon XIII, fulminée en 1884, s’inscrit au cœur de cette logique, lui offrant une formidable chambre d’écho : la théorie de la conspiration, dans ses ressorts rhétoriques comme dans l’argumentaire théologique, y est tout entière. Les conceptions qui seront développées ultérieurement, nourrissant le mythe du complot mondial, relèveront souvent de la sécularisation du fantasme papal d’une conspiration pour ainsi dire ontologique.

Le Pape produit dans Humanum Genus une historiosophie, une explication générale de l’histoire : le complot est la clé de l’histoire universelle, une histoire secrète mais paradoxalement transparente, celle de l’affrontement, au-delà de l’histoire contingente, entre Dieu et le Démon. Humanum Genus développe une vision anxiogène du monde, une pensée paranoïde qui généralise le soupçon.

Elle entend offrir de l’intelligibilité, niant ce qui n’est pas intentionnel, parce que tout s’expliquerait par une intention cachée et maligne. Cette intention ne peut aux yeux de l’Eglise qu’être inspirée par le diable, et voit à l’œuvre des entités abstraites, invisibles, insaisissables : le franc-maçon et le juif. Cette idée d’un savoir caché, transmis à travers les siècles, évident et pourtant invisible, n’est pas neuve. Elle a été alimentée par le romantisme européen, qui n’a pas manqué de véhiculer la notion d’un mystère fondamental, clé de lecture des événements du monde.

Lire l’intégralité de l’article « Le conspirationnisme contemporain : une vieille histoire« 

A.S.: