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La franc-maçonnerie ottomane

La franc-maçonnerie ottomane : un mythe qui suscite toujours les fantasmes est un article du site d’actualités « Aujourd’hui la Turquie« 

L’article se fonde lui-même sur un article paru dans le mensuel turque d’histoire Derin Tarih de juin 2015 qui a consacré un dossier sur le franc-maçonnerie ottomane.

Un article très bien rédigé !

Extrait :

Le magazine Derin Tarih, publié par la maison d’édition détenant le journal pro-AKP Yeni Şafak, a sorti le mois dernier un numéro spécial sur la franc-maçonnerie ottomane. Secrets enfin révélés, documents historiques inédits à la véracité parfois douteuse… On ne connaît que trop bien la paranoïa résiduelle qui demeure encore envers la franc-maçonnerie, qui n’est pourtant plus l’ennemi numéro un du parti. Dans les années 1970, Erdoğan lui-même avait écrit et joué une pièce de théâtre intitulée « mas-kom-ya » [maçon-communiste-juif]. Alors qu’en est-il vraiment de cette institution mal connue, aux arcanes plus ou moins secrets et aux objectifs souvent mal éclairés ?

Le livre de l’historienne Dorothe Sommers intitulé Freemasonry in the Ottoman Empire : A History of the Fraternity and its Influence in Syria and the Levant pose un regard circulaire sur le développement de la franc-maçonnerie dans l’Empire ottoman entre le XIXe et le XXe siècle. Si l’auteure insiste particulièrement sur les loges maçonniques syriennes, elle cherche plus largement à comprendre comment ce mythe occidental a pu s’implanter en Orient. Ce n’est de fait qu’au milieu du XIXesiècle, quinze ans après la proclamation de la charte de Gülhane – charte signée par le sultan ottoman Abdul-Medjid 1er en 1839, proclamant l’égalité devant la loi de tous les citoyens ottomans, sans distinction de religion, contredisant ainsi la Loi coranique qui fait des non musulmans des citoyens de seconde zone astreints à de lourdes taxes – que la franc-maçonnerie commence à connaitre un vrai succès dans l’Empire ottoman.

On peut dire que l’apparition de bon nombre de loges d’obédience étrangère constitue un phénomène important de l’ouverture de l’Empire à l’Occident : pénétration économique et influences politiques, ouverture aux idées héritées des Lumières… De plus, l’émigration de milliers d’Européens, sous le règne d’Abdülaziz, a profité à la nouvelle franc-maçonnerie ottomane : venus pour faire fortune, ces classes colonialistes ont reproduit le système élitiste secret qui s’imposait alors en France sous la IIIe République. On peut en quelque sorte considérer l’émigration comme un corolaire de l’aboutissement de la guerre de Crimée.

Si la franc-maçonnerie est donc initialement un phénomène occidental, qui s’est développé à la faveur du colonialisme au XIXe siècle, les loges maçonniques ottomanes se sont rapidement implantées localement et ont trouvé un ancrage national fort. Comme toujours, les cadres qui rejoignent le rang des loges appartiennent généralement à un mélange cosmopolite de classes bourgeoises et de haute société, souvent à l’avant-garde de la modernisation du monde méditerranéen oriental. Les loges sont devenues une sorte de système de corporation ou de club pour élites locales, qui cultivent les idéaux de fraternité, d’égalité, de tolérance et de raison.

A.S.: