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La Chaîne d’union N°76 : La mort, votre compagne

La Revue Trimestrielle « La Chaîne d’Union » N° 76 d’avril 2016, revue d’étude maçonniques, philosophiques et symbolique publiée par le Grand Orient de France  consacre un dossier « La mort, votre compagne » qui se compose d’articles de Jacques TRESCASES, Dominique AUBRY, Jean-Pierre VILLAIN, Xavier-Laurent SALVADOR.

Disponible chez Conform Edition et chez Detrad .

LA MORT ET LE FRANC-MAÇON par Frédéric Fritscher

Nous sommes semblables, mais chacun d’entre nous est unique. Chacun d’entre nous est un être au patrimoine génétique singulier, construit par son éducation, sa culture et son histoire. Nous naissons et nous mourons.

Ces réalités, nous les avons en partage. De la mort, nous ne savons rien.

Le mystère est radical. Mais nous y pensons. Elle nous fait peur, nous effraie, nous angoisse ou nous indiffère. Nous ne sommes pas égaux devant la mort, mais nous devons tous l’affronter.

Nous pourrions avec Stéphane Hessel inspiré par un vers de Shakespeare considérer que nous sommes de la substance dont sont faits les rêves et que notre courte vie est baignée de sommeil. Avoir le sentiment d’être sorti de ce sommeil en naissant et la prescience d’y retourner en mourant; avoir l’impression d’entretenir avec la mort une relation amicale, ne pas en avoir peur et l’attendre avec confiance, en s’y étant préparé, conscient de l’importance de ce moment où la vie s’achève et ouvre peut-être à autre chose… Le diplomate-poète philosophait volontiers. Et «philosopher, c’est apprendre à mourir», écrivait Montaigne dans les essais. Une pensée proche de la démarche maçonnique, qui s’inscrit dans la grande tradition remontant à Platon et aux Stoïciens.

La mort est présente dès le début du parcours maçonnique, dans le cabinet de réflexion où la faux, le crâne et le sablier invitent à penser le caractère provisoire de la vie. La faux coupe le récipiendaire de son passé, comme elle fauche le blé mûr. Le crâne inspire l’effroi et symbolise la brièveté de la vie. Le sablier représente l’écoulement du temps de la naissance vers la mort. Mais le sable ne disparaît pas. Il reste contenu dans le verre. Et pour peu qu’on le retourne, il s’écoule de nouveau.

Autrement dit, le temps est un fluide précieux, qu’il convient de savoir utiliser pour bâtir le temple intérieur, mais aussi pour mener à bien les projets humains. La mort est encore présente dans la légende d’Hiram. Le meurtre de l’Architecte par trois compagnons scélérats est le point de départ de la quête de la parole perdue et la rupture de la transmission.

En ouverture de notre dossier, Jacques Trescases – l’auteur de La Symbolique de la Mort, dont la sixième édition est sortie fin 2015 – souligne que sur son chemin, le maître maçon aura vécu trois fois la mort symbolique : dans le cabinet de réflexion, où il remplira son testament philosophique, puis au cours de la cérémonie où il sera reçu franc-maçon et enfin lors de son élévation à la maîtrise.

Le philosophe Dominique Aubry en appelle à Osiris et Isis, aux anciens Égyptiens, pour montrer que depuis toujours l’horizon de la mort hante la pensée des hommes. Jean-Pierre Villain, lui, distingue trois grands types de désespoir et fait une lecture «kierkegaardienne» du parcours maçonnique. De son côté, Xavier-Laurent Salvador décrit le lien fort entre l’architecture et la mort, entre la chair et le sang, quand la pierre devient mémorial; il considère que l’architecture de la mort, c’est peut-être penser sa mort comme un lieu de partage pour l’éternité.


A.S.: