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Francs-maçons, une autre spiritualité ?

Le site « La Vie » publie un article sur une enquête sur la Franc-Maçonnerie particulière impartiale et donc bien réalisée : la Franc-Maçonnerie attire, attise les curiosités et fascine…

Deux paragraphes forts intéressantes : l’un sur la spiritualité maçonnique et le second sur la question de la religion au sein des loges.

Source : http://www.lavie.fr/l-hebdo/une/article/1745-francs-macons-une-autre-spiritualite/retour/11/hash/6eeafad84c.html

HUMANISME. Rituels, secrets ou véritable quête… D’où vient l’attrait pour la franc-maçonnerie ? La Vie mène l’enquête alors que sort le dernier livre de Dan Brown, « Le symbole perdu ».

Debout dans le temple, les maçons, côte à côte, bras écartés, se donnent la main. Cette « chaîne d’union », qui clôt la séance, les relie « dans le temps comme dans l’espace » et symbolise la fraternité universelle des maçons. « La plupart des gens ferment les yeux à ce moment-là, décrit Catherine, une « sœur », membre du Droit humain. J’y ressens vraiment une union, ce que certains pourront appeler “communion”. C’est un geste fort, que je vis comme un moment spirituel. » Surprenant ? Pas tant que ça.

De nombreux maçons affirment en effet mener une quête spirituelle, avec l’éventail de définitions que le terme peut recouvrir. Dans le sillage du Grand Orient, la franc-maçonnerie dite « libérale » ou « adogmatique » ne revendique aucune croyance particulière et défend avec force la laïcité et la liberté de conscience.

Une spiritualité religieuse ?

Le Droit humain propose ainsi cette définition de la spiritualité : « C’est au sens propre tout ce qui n’est pas matériel. “Spiritualité” vient du latin “spiritus”, du grec “pneuma”, le souffle, la puissance de vie, l’énergie vitale. C’est ce qui permet d’innover, de rénover, d’interpréter. C’est ce qui met en mouvement l’être entier. » Et les textes du Droit humain posent même cette question : « Et si la spiritualité, c’était d’abord “se connaître soi-même comme esprit” ? Être esprit conscient, ici et maintenant, sans référence à aucune croyance, aucune identification ? »

L’interprétation s’avère un peu différente du côté des loges déistes ou théistes, dites « traditionnelles » ou « régulières », qui savent bien qu’à l’origine la franc-maçonnerie fut formalisée par des chrétiens et qui revendiquent la transcendance. Les maçons s’y disent cette fois franchement spiritualistes, en référence claire à Dieu, ce « Grand Architecte de l’univers », même si la Grande Loge nationale française rappelle qu’elle n’est pas religieuse puisqu’elle « n’impose pas de doctrine théologique, n’administre aucun sacrement, et ne prétend pas conduire au salut, mais seulement aider ses membres à se réaliser dans le respect de la foi qui leur est propre ».

« Dans l’atelier de la Grande Loge traditionnelle et symbolique Opéra, raconte Philippe, les maçons sont tous baptisés, et la Bible est ouverte sur le bureau du vénérable maître, à la page de l’Évangile de saint Jean. »

La symbolique du Temple de Salomon

Mais, libéral ou traditionnel, tout franc-maçon vise le perfectionnement. Il s’agit pour chacun, avec ou sans Dieu, de bâtir son temple intérieur par le biais d’une méthode symbolique, transmise par une initiation ritualisée. En arrière-plan, une filiation mythique, en partie biblique, à travers notamment l’épisode du Temple de Salomon, un des piliers symboliques de la franc-maçonnerie.

« La construction du Temple se fit en pierres de carrière, raconte en effet le livre des Rois. On n’entendit ni marteaux, ni pics, ni aucun outil de fer dans le Temple pendant sa construction. » Preuve de la perfection de sa conception. La mythologie franc-maçonne dote le chantier d’un maître d’œuvre dont le nom apparaît dans la Bible : Hiram, qui organise les ouvriers en trois grades : apprentis, compagnons et maîtres. Ainsi, les loges maçonnes sont symboliquement organisées sur le plan du Temple de Salomon. La figure d’Hiram est l’exemple du maçon accompli et ses grades structurent la progression maçonnique. Point commun aussi de toutes les obédiences, et des loges regroupées en leur sein : le langage symbolique, transmis par initiation.

Sorte de « boîte à outils » du maçon, les symboles offrent des images, destinées à nourrir sa réflexion et à l’aider dans son travail sur lui-même : ainsi l’équerre renvoie-t-elle à la rigueur ; le compas, au savoir ou à la quête spirituelle ; le fil à plomb, à la recherche de la vérité ; le maillet, à la volonté en action ; la truelle, à l’unité et à la fraternité…

Les rituels de la franc-maçonnerie

De même, une pratique rituelle commune, un ensemble de gestes et de paroles, plus ou moins fourni ou compliqué selon les rites et les obédiences, aide à « mettre de l’ordre dans le chaos », et à installer un climat de réceptivité et d’écoute chez les personnes présentes. Les rituels règlent ainsi l’ouverture et la clôture des tenues (séances), la circulation de la parole (on s’adresse au vénérable maître de la loge, on ne coupe pas la parole).

L’initiation, c’est-à-dire l’entrée en maçonnerie, et le passage des différents grades font partie des temps les plus marqués rituellement. S’ils s’adressent à la raison, ils engagent aussi des expériences sensitives et suscitent, aux dires de nombreux maçons, des émotions profondes. « Une fois initié, l’apprenti est tenu au silence pendant un an, raconte Catherine. De quoi développer l’humilité, la patience et le travail intérieur ! »

Quête d’un absolu sans transcendance

La pratique rituelle permet aussi de délimiter un espace sacré, en rupture avec le profane, séparé de la vie matérielle et des soucis du monde, symboliquement hors de l’espace et du temps. Cet outillage symbolique et rituel aide le maçon à répondre à l’injonction « Connais-toi toi-même », à rechercher sa vérité, « le bien, le beau et le vrai », pour la mettre ensuite au service de l’humanité. « Cette quête d’un absolu, d’un idéal qui relie les hommes et vise la fraternité universelle, dit ainsi un maçon, est pour moi de l’ordre de la spiritualité. »

Une position inconcevable du point de vue des religions monothéistes, pour qui la spiritualité suppose une relation avec Dieu et l’accueil de sa parole révélée.

« Pour les croyants, l’absolu qui nous dépasse renvoie forcément à Dieu », résume Jérôme Rousse-Lacordaire, dominicain, spécialiste des rapports entre ésotérisme et christianisme, et auteur d’ouvrages sur la franc-maçonnerie. « La spiritualité humaniste peut certes mener à une recherche morale et du bien commun par amour de l’autre », reconnaît un chrétien pratiquant, passé par la maçonnerie.

« Mais sans Dieu, l’homme devient la mesure de toute chose, et son désir de grandeur peut alors ouvrir la porte à une surenchère dans le progrès scientifique, des risques de dérives éthiques ou encore politiques d’ordre totalitaire. »

« Par ailleurs, constate-t-il également, chez les réguliers, on court le risque de la confusion entre initiation et sacrement. Certains ont tendance à attribuer à l’initiation une puissance de modification ontologique. Or, si le symbole doit rester un aiguillon pour la raison, le rite ne doit pas se substituer au sacrement, notamment au baptême. »

Maçonnerie et valeurs chrétiennes

Mais des croyants parviennent à mener de front les deux cheminements. Comment les articulent-ils ? Autant de personnes que de façons de le vivre… Pour certains d’entre eux, comme Stéphane, la maçonnerie demeure une démarche philosophique. « Je viens d’abord y chercher le bouillon de cultures, des gens tous différents de ceux que je rencontre au quotidien, avides de se nourrir du travail les uns des autres, sans enjeux de pouvoir. »

Pour d’autres, il n’est pas hors sujet de parler de spiritualité maçonnique, mais celle-ci n’a rien à voir avec la démarche chrétienne. Dominique, membre de la Grande Loge mixte universelle (adogmatique), s’explique : « Je retrouve en maçonnerie et dans le christianisme des valeurs communes : le respect de l’autre, l’entraide, le partage, une volonté de progresser, mais ce sont deux recherches différentes puisque la spiritualité chrétienne se nourrit de la Parole de Dieu. Toutefois, la maçonnerie ouvre à une spiritualité qui est de l’ordre de la recherche du sens, d’un questionnement présent au fond de chaque être humain : qu’est-ce que je fais sur terre, comment je me comporte avec les autres, à quoi sert le métier que j’exerce, qu’est-ce que je transmettrai à ceux qui vont me suivre ? »

Libre à elle, précise-t-elle, de relier ce questionnement à sa foi personnelle, puisque les textes de son obédience stipulent la liberté de « croire à la vérité révélée de son choix ou de ne pas croire ».

Dans certains cas encore, les pratiques peuvent s’interpénétrer de façon inattendue. Il n’est pas rare de voir des hommes ou des femmes revenir à la pratique religieuse par la pratique maçonnique, parce qu’ils y ont renoué avec le sens du rituel ou, dans les loges régulières, avec

A.S.: