X

Claude Darche : Initiation, chemin de connaissance, chemin de vie !

Voici la chronique toute en beauté et symbolisme de Claude Darche

Aujourd’hui Claude nous conte : L’Initiation, chemin de connaissance, chemin de vie !

Merci Claude et pensées positives !

Initiation, chemin de connaissance, chemin de vie

La Franc Maçonnerie est une institution essentiellement philanthropique, philosophique et progressive qui a pour objet la recherche de la vérité, l’étude de la morale et la pratique de la solidarité, elle travaille à l’organisation matérielle et morale , au perfectionnement intellectuel et social de l’humanité. Elle a pour principes la tolérance mutuelle, le respect des autres et de soi-même, la liberté absolue de conscience. Elle considère les conceptions métaphysiques comme étant du domaine exclusif de l’appréciation individuelle de ses membres et se refuse à toute affirmation dogmatique. Elle a pour devise ce qui est le fondement de la République : Liberté, Egalité, Fraternité. LA FM est aujourd’hui en ce début de 21ème siècle une méthode de travail, un idéal, elle est un art de vivre, une philosophie humaniste, elle a été définie comme une institution d’initiation spirituelle au moyen de symboles et de rites.

Au XVIIIème siècle, l’origine de la FM est déiste . Les Maçons de cette époque et notamment les rédacteurs des premières constitutions maçonniques, les Constitutions d’Anderson du pasteur du même nom, étaient des protestants  pour la plupart, ils se réunissaient en loges, ou espaces philosophiques, à l’image des constructeurs de cathédrales , justement pour pouvoir s’exprimer librement  sans le poids de l’institution ecclésiale et de ses dogmes. Aussi  se dégagèrent-ils de deux absolutismes : l’asbolutisme religieux et l’absolutisme politique.

Historiquement la démarche de la Maçonnerie, c’est aller au devant de soi-même, c’est mieux se comprendre pour mieux comprendre les autres, c’est suivre la tradition socratique «  connais toi toi-même «  ou la tradition hermétique «  tout ce qui est en haut est comme ce qui est en bas « . La FM pense que l’homme comme toute créature fait partie d’un grand Tout, et surtout que sa vie a un sens, un sens donné par le travail, la morale, les vertus, un sens donné par la mort, car que serait la vie s’il n’y avait la mort, quel prix accorderions-nous à notre existence si elle était infinie. Nous vivons ici-bas dans un monde fini qui , cependant, pour les humains que nous sommes a un commencement, notre naissance, et une fin, notre mort, entre la vie ( chacun a la possibilité de trouver de multiples suites à la mort et même à notre avant naissance, cela le regarde ) ;

La philosophie et le mouvement des Lumières est la source qui permit à la franc maçonnerie de s’inscrire dans l’histoire. La philosophie des Lumières c’est Bayle et son libre examen, c ‘est Fontenelle et l’esprit critique, Montesquieu et son Esprit des Lois, Voltaire la tolérance , Condorcet et l’éducation.Inspiré de Montaigne, célèbre dans cette région d’Aquitaine, le mouvement des Lumières constitue une tentative d’approche humaniste : aider l’homme à trouver en lui-même ce qu’il  de meilleur, sa part d’altruisme, le respect des autres et de soi-même, libérer l’homme de ses propres chaînes , savoir qu’il doit toujours se battre pour conquérir sa grandeur et s’élever au-dessus de lui-même . L’esprit maçonnique c’est mettre l’homme et sa dignité au centre de tout. Je dirai que c’est aussi la manifestation d’un esprit de tolérance , à l’égard de ceux qui ne croient pas aux mêmes valeurs, c’est le refus de tout dogme, le refus de toute autorité dès lors qu’elle n’est pas revêtue d’une légitimité issue uniquement de la volonté et de la liberté des hommes.

Tout au long du 19ème siècle et au début de la troisième république, la FM participe à tous les grands combats pour l’instauration de la république, pour la séparation de l’Eglise et de l’Etat, pour la liberté absolue de conscience et la liberté d’expression, et pour les droits imprescriptibles de la personne humaine . L’histoire de la FM est celle d’un combat perpétuel pour la Liberté, l’Egalité et la Fraternité, mais c’est aussi une méthode de travail basée sur l’initiation et ses symboles . C’est par la démarche symbolique que peut se créer justement une connaissance , une transcendance intérieure : l’étude des symboles va au-delà de la raison et nous enrichit pour essayer de construire nos propres cathédrales, notre propre temple intérieur , mais également le temple extérieur, l’humanité.

La FM permet à l’homme d’accéder à plusieurs chemins , d’aller  à la rencontre des autres hommes et femmes dans l’acceptation de leur différence et de la spécificité de chacun, et ainsi de trouver un chemin commun, un idéal commun : quel est-il ? Créer et faire vivre déjà en nous et autour de nous une société plus juste et plus fraternelle, plus humaine, plus tolérante.

Vivre c’est réfléchir et agir, concevoir et réaliser, donner et construire un sens à sa vie et contribuer à l’évolution positive du monde qui nous entoure. On peut trouver du sens dans des convictions parfois dogmatiques et des idéologies parfois réductrices. Mais on peut aussi vouloir dépasser les standards et les prêts à penser de toutes sortes et de toutes origines ,Pour se construire et s’épanouir dans l’existence, à la fois dans la réflexion et l’action. C’est ainsi que des milliers d’hommes et de femmes sont aujourd’hui Francs Maçons,

Quel est doc le but de la Maçonnerie, c’est de faire un homme nouveau, un homme débarrassé des angoisses et des peurs du passé , un homme qui comme dans toute vie nouvelle doit mourir pour renaître, ne dit-on pas en maçonnerie que l’on va faire mourir le vieil homme pour trouver le joyau , l’homme «  réalisé «  , qui n’est nullement un être parfait, mais un être conscient et lucide, fait de raison et d’intuitions, de logique et d’irrationnel, un homme complexe acceptant ses contradictions et les vivant au mieux, en toute amitié avec lui-même, sans complaisance et sans paresse. La seule certitude de l’être humain est qu’il va mourir, que son existence n’est pas éternelle mais limitée, qu’elle aura une fin , quand, il ne le sait pas ? Cette angoisse du passage à une autre vie , au néant pour certains, ne peut se transformer en sérénité qui passe d’abord par une acceptation de notre finitude que par ce que l’on appelle des rites de passage, que toutes les sociétés dites archaïques ou plus judicieusement traditionnelles connaissent. Car pour vivre, aimer, se projeter dans l’avenir, en un mot exister, il faut assumer l’idée de sa mort et ensuite la mort de ceux que nous chérissons, c’est une grande loi de la nature que tout ce qui vit ici-bas doit mourir pour renaître sous une autre forme, et plus j’avance dans ma quête, plus je m’aperçois du bien fondé des grandes vérités de la nature.

Dans les civilisations anciennes ou les sociétés non-industrialisées, les actes qui fondent la vie de l’individu appartiennent au registre du sacré, par rapport au profane qui est la vie du quotidien. La vie même étant considérée comme sacrée, tout ce qui en déroule les étapes va être marqué par des cérémonies rappelant le lien de l’homme avec un ensemble vaste et cohérent, la Nature. Les rites de passage fonctionnent dans une société donnée , comme des lois, intégrés dans le déroulement de la vie de l’individu. Ces rituels sont souvent contraignants : isolements prolongés, jeûnes, épreuves diverses, souffrances, mutilations physiques etc… Mais ils sont toujours valorisés par la société dont ils sont le produit et de ce fait, l’individu vivant ce rituel est «  porté » par tout le groupe  social.

La plupart des rites de passage sont fondés sur la dynamique mort-renaissance , et renaissance à une vie supérieure de l’être, plus lucide, plus éclairée, et plus sereine.La confrontation symbolique avec la mort et la renaissance permettent au novice d’accéder à une sorte d’inspiration, à une dimension spirituelle , élargie de soi et de son existence ;

A QUOI SERVENT LES RITES DE PASSAGE ?

Les rites de passage aident l’individu dans les étapes de sa vie qui sont en fait des crises d’évolution nécessaires et bénéfiques qui nous touchent à des moments clés de notre vie. Cependant les trois ensembles de rites les plus importants sont ceux de la naissance , de la puberté ( appelés rites d’initiation ) et des funérailles. Ainsi tout au long de notre existence, il nous est demandé d’aller de ruptures en ruptures, de séparations en séparations, pour devenir indépendant, et avancer avec confiance vers l’avenir.

  • Ainsi l’individu dans les sociétés traditionnelles est accompagné par des rites qui lui permettent de se situer vis vis des hommes, des femmes, des anciens , des plus jeunes et qui lui donnent sa place dans la société . Par ces rites, l’individu sera plus à même d’avoir les repères identitaires nécessaires à sa construction psychologique, à son équilibre et à son évolution.
  • par sa dimension symbolique forte, le rite structure ces passages de vie qui sont pour l’homme des moments difficiles à vivre, moments de transition , où l’on n’est plus exactement qui l’on était et pas encore qui l’on devient. Le rite de passage propose une carte , laquelle invite l’individu à un chemin nécessaire, souvent obligé , mais déstabilisant.
  • Pour Joseph Campbell, historien des mythes , la psyché de chaque être humain comprend une panoplie très riche de symboles mythologiques , d’impulsions archétypales et d’images initiatiques qui doivent être exprimées et affirmées dans un contexte ritualiste. Dans le cas contraire, ces énergies essentielles  demeurent enfermées en nous ou s’expriment de façon incohérente, il écrit d’ailleurs : il y a quelque chose de si essentiel à la psyché dans ces images initiatiques que si elles ne sont pas alimentées par l’extérieur, par l’intermédiaire du mythe et du rituel, elles referont surface de l’intérieur… La fonction première de la mythologie et du rite est de fournir des symboles qui fassent avancer l’esprit humain. En fait, il est fort possible que le taux très élevé des névrosés parmi nous soit lié au déclin, dans nos sociétés actuelles, de ces soutiens spirituels si efficaces.

Dans ces rites et dans les rites maçonniques issus des anciens mystères, l’individu peut rencontrer son ombre au sens jungien du terme et intégrer ces éléments si difficiles de sa personnalité.

En outre ces rites de passage indiquent à l’individu que sa vie a un sens, ces rites le relient aux mystères de la vie et de la mort et lui  rappellent sans cesse la dimension du sacré qui fait partie de la vie. Ainsi Francis Vaughan , psychologue et grand chercheur de mythes et de symboles, énonce l’idée suivante : nous ne sommes pas des êtres humains sur un chemin spirituel, nous sommes des êtres spirituels sur un chemin humain.

A  méditer !

Ainsi en occident, l’initiation et les rites de passage perdurent au sein de la Maçonnerie. Ce caractère initiatique de l’institution maçonnique définissait déjà les Loges de Francs-Maçons opératifs. Nous savons en effet qu’au moyen âge, après la réception au grade d’apprenti, avait lieu, au grade de compagnon, une initiation où étaient délivrés un certain nombre d’enseignements concernant la géométrie, l’art de bâtir, puis des « mots, signes et attouchements » qui permettaient aux maçons de se reconnaître, et enfin un enseignement ésotérique qui leur permettait de progresser dans leur recherche intellectuelle et spirituelle. Il en est de même aujourd’hui dans les Loges où se réunissent les Francs-Maçons spéculatifs, si bien que l’on a pu dire, à juste titre, que seule, en Occident, la Franc-Maçonnerie avait su conserver et perpétuer la tradition initiatique. Nous Francs Maçons sommes donc les héritiers d’une philosophie venue des opératifs, qui est une philosophie de la construction. Nous sommes appelés à nous construire et construire autrement le monde.  La loge est la représentation du temple de Salomon, détruit et que chacun selon son  grade re-construit, sur lequel il travaille, sans relâche, avec foi, ardeur et rigueur, avec des outils qui lui sont propres et avec ses propres moyens personnels .

II est de fait que l’initiation est un moment important, certainement le moment le plus important de notre vie maçonnique. En effet, on ne naît pas Franc-Maçon, mais on est « fait » Franc-Maçon par l’initiation. On pourrait même ajouter que celui qui se ferait une idée claire de l’initiation maçonnique, se ferait une idée juste de la Franc-Maçonnerie, de son projet fondamental et de son essence profonde, de son éthique.

Aussi convient-il de s’interroger, une fois encore, sur l’initiation, sur sa finalité, sa nature, ses modalités et sur la signification qu’elle peut revêtir pour l’homme de notre temps.

« On entend en général, par initiation, un ensemble de rites et d’enseignements oraux, qui poursuit la modification radicale du statut social et religieux de l’homme à initier », a écrit Mircéa Eliade.

Ainsi l’initiation, le projet initiatique, est de provoquer une radicale et fondamentale modification de notre pensée et de notre être, de notre manière de penser et de notre manière de vivre. Il s’agit, comme le disent nos  rituels, « de passer des ténèbres à la lumière » et, par cette lumière qui nous illumine, de changer notre être et notre vie, de passer du chaos à l’ordre, la devise ORDO AB CHAO que l’on retrouve dans bien d’autres grades est toujours d’actualité.  En effet, la finalité de l’initiation n’est pas seulement « théorique », mais pratique, disons « éthique ». Il ne s’agit pas seulement d’aller vers la lumière et de se reposer dans une vaine et stérile contemplation, mais par cette lumière de nous entraîner à une action plus efficace et plus juste. Souvenons-nous que le « Noûs » (mot grec signifiant « esprit » ou « intelligence ») de Platon comme le « Logos » de Jean, ce n’est pas seulement l’Esprit qui nous illumine, mais c’est l’Esprit qui nous transforme (et qui nous transforme par cette illumination).

Ainsi le but essentiel de l’initiation maçonnique est de changer l’homme et c’est en ce sens qu’elle est éthique, car l’éthique, c’est ce qui veut essentiellement changer l’homme ; et ne confondons pas ici éthique avec moralisme et moralisation.

En employant un autre langage, nous dirions que l’initiation veut nous faire passer de l’homme de la nature à l’homme de la culture, du vieil homme à l’homme nouveau. Elle veut susciter une nouvelle naissance et la rendre possible.

Mais pour atteindre ce but, elle doit utiliser certains moyens, se soumettre à certaines conditions : La première condition, extrinsèque, de toute initiation aux « mystères de la Franc-Maçonnerie », est d’être un homme « né libre et de bonnes moeurs ». La deuxième condition, intrinsèque celle-là, est la mort symbolique du sujet à initier, comme le rappelle encore Eliade : « La majorité des épreuves initiatiques impliquent une mort rituelle, suivie d’une nouvelle naissance ».

Celui qui aspire à la lumière doit d’abord, dans une première épreuve, se dépouiller de tout son passé, des préventions, des préjugés que la vie profane a pu accumuler en lui. Il doit mourir à ce qu’il était, redevenir en quelque sorte un enfant, un « enfant nu ». Mais cette remise en question, cette sorte d’auto-critique radicale, ne sauraient se passer n’importe où et n’importe comment. Elles ne peuvent s’effectuer que dans un lieu séparé du monde et dans un temps autre que celui de tous les jours ; un espace et un temps séparés, secrets, non pas dans un quelconque édifice, mais dans un Temple, c’est-à-dire dans un espace et un temps sacrés, sacralisés par le Rite lui-même.

Cette initiation ne saurait également s’effectuer n’importe comment. Elle comporte une série d’épreuves (le passage par les quatre éléments : les épreuves de la terre, de l’air, de l’eau, et du feu) subies au cours de voyages symboliques.

On voit par là que l’on ne saurait recevoir la Lumière, si d’abord on n’a pas su franchir certains obstacles, surmonter certaines épreuves, si ensuite on n’a pas suivi un itinéraire, ce qui implique l’idée du temps, celui-ci étant une condition nécessaire à l’épanouissement, à l’accomplissement du sujet à initier. Enfin, cet itinéraire ne peut être accompli qu’à la première personne, nous voulons dire que nul autre que nous-même ne saurait l’accomplir. La recherche initiatique est une expérience personnelle dans laquelle on ne peut dissocier le pensé et le vécu, le conceptuel et l’existentiel.

Et c’est parce que, en elle, ne peuvent être dissociés le pensé et le vécu, que toute initiation est au sens propre indicible, intraduisible. La dire, la raconter, c’est toujours la dénaturer, c’est en trahir l’esprit. Et c’est en ce sens que par définition toute initiation est secrète. Nous venons de dire qu’il n’y a pas d’initiation sans épreuves et sans voyages. N’est-ce pas affirmer que la maîtrise elle-même est l’aboutissement d’un long et difficile cheminement ? N’est-ce pas comprendre que l’homme n’est que dans la mesure où il se fait ?

Or n’est-ce pas ce que veut nous montrer Goethe dans son roman Les années d’apprentissage de Wilhelm Meister dont le seul titre est déjà significatif ? Le héros de ce roman, Wilhelm Meister, dont on peut penser qu’il est Goethe lui-même, se cherche par des chemins obscurs, s’égare en de vaines poursuites, se perd même dans des routes sans issues, et comprend seulement à la fin qu’il a poursuivi des chimères et qu’ il ne peut se retrouver lui-même, et s’accomplir, qu’en retrouvant l’action et la vie réelle. A la même époque et, semble-t-il, dans un même esprit où sans doute la pensée maçonnique n’était pas absente, le philosophe Hegel, dans son ouvrage La Phénoménologie de l’Esprit, décrit une sorte d’odyssée de la conscience, à la recherche de soi et du savoir absolu : cheminement long et difficile, marqué par des arrêts, des étapes, qui sont nécessaires à sa progression, ces arrêts et ces étapes étant des figures ou des moments de la vérité. Et peu à peu se dégage cette idée que « la vérité de l’esprit c’est son action », que la vérité de l’esprit c’est l’histoire de l’esprit lui-même en train de se faire et de se conquérir. Et Alain commentant Hegel peut écrire : « la pensée humaine doit se délivrer et ne le peut jamais sans peine », ajoutant : « ce qui fait l’esprit réel, c’est ce qu’il fait ».

L’initiation maçonnique veut, elle aussi, nous délivrer, dégager en l’homme ce qui est esprit, mais elle ne peut le faire qu’en le confrontant à des obstacles et à des épreuves, selon un long et difficile chemin.Veut-elle, peut-elle, comme l’écrivait naguère René Guénon, permettre à l’homme « de dépasser les possibilités de l’état humain, de rendre effectivement possible les états supérieurs, de construire l’être au-delà de tout état conditionné quel qu’il soit » (Aperçus sur l’initiation, Ed. Dervy) ? Peut-être, pour quelques rares privilégiés.

Plus modestement, nous dirions que le projet de l’initiation maçonnique est de permettre à tout homme de devenir un « autre homme », un homme véritable, c’est-à-dire de découvrir en lui ce qui est sagesse, force et beauté, de découvrir sa propre spiritualité, ce qui en lui est amour et vérité. Cependant, nous ajouterions, tout de suite, que l’homme, tout homme, ne peut devenir un homme véritable, s’il ne veut se dépasser dans une recherche, une action et une oeuvre qui sont à la fois la condition et la raison d’être de ce dépassement. Il s’agit, une fois encore, de savoir découvrir notre dimension « verticale » ou spirituelle, et de vouloir l’accomplir et la réaliser.

Nous disions que l’initiation n’a de sens que parce qu’elle nous permet d’appréhender une certaine idée de notre être et de la vérité qui le constitue, et qu’elle n’a de valeur que parce qu’elle est une découverte, liée à une démarche elle-même vécue, nous dirons existentielle. En ce sens, on pourrait semble-t-il la rapprocher de la connaissance ou de l’expérience poétique. Paul Valéry écrit que : « l’émotion poétique consiste dans une perception naissante, dans une tendance à voir le monde autrement ». L’initiation comme la poésie est une manière originale et spécifique de percevoir et d’appréhender l’univers et les hommes comme nous-mêmes, autrement.

Et Marcel Proust ne parle pas différemment : n’écrit-il pas, lui aussi, dans A la Recherche du Temps Perdu : « Le seul véritable voyage, ce ne serait pas d’aller vers de nouveaux paysages, mais d’avoir d’autres yeux ». La vocation profonde de l’initiation maçonnique est aussi de nous apprendre à voir « autrement », de nous donner « d’autres yeux », de nous donner un autre regard sur l’Univers des choses et des êtres.

Ce nouveau regard, qui constitue une conversion de notre âme tout entière, doit entraîner la mutation radicale de notre être profond et doit changer notre vie. Mais là encore, sachons rester lucides et sachons « raison garder ». Souvenons-nous que l’étymologie nous enseigne que le mot initiation veut dire « entrée », « commencement ». René Guénon lui-même distingue « l’initiation virtuelle » de « l’initiation réelle », expliquant par la suite que « entrer dans la voie, c’est l’initiation virtuelle », « et suivre la voie, c’est l’initiation réelle ». Souvenons-nous aussi qu’il y a des degrés dans toute initiation, comme l’enseignait déjà à Socrate, il y a vingt-cinq siècles, Diotime de Mantinée. Souvenons-nous aussi que l’on ne devient pas compagnon, maître, en un jour, sans patience et sans travail. Souvenons-nous que nous ne sommes pas dans la loge pour former une sorte de club, nous avions d’autres exigences en rentrant, nous ne décidons pas quand nous passons les grades, un jour nous sommes cooptées, et nous passons .

La Loge maçonnique veut donner à l’homme d’aujourd’hui, comme elle a donné à celui d’hier, les outils symboliques qui lui permettront de se retrouver dans sa vérité et de se conquérir dans sa liberté, de transformer une promesse en une réalité, une espérance en une certitude, un chemin de connaissance en un chemin de vie.

Et aujourd’hui, comment se porte notre société sans rites , ni sacré ? L’Eglise s’est longtemps substituée aux sociétés anciennes fortement inspirées du chamanisme, aujourd’hui dans un monde déritualisé, où les quelques fêtes encore existantes n’apportent à chacun que des objets achetés , baptisés  avec grandiloquence  «  cadeaux «   et non pas des révélations transmises , l’enfant trouve parfois dans la bande, le substitut bancal de la tribu qu’appellent ses rêves. L’absence de rites, il la ressent plus cruellement que la cruauté même des rites , car cette cruauté, malgré les apparences, n’est pas gratuite : elle répond à la nécessité première d’affronter la peur au lieu de la refouler, de traverser les périls au lieu de contracter une assurance tous risques. Il y décèle d’emblée  le prix de sa liberté, de la découverte et de la maîtrise des facultés propres à son espèce.  Margaret Mead était persuadée que le fait que la société moderne ait abandonné les rites de passage contribue à la montée de diverses formes de pathologie sociale. A partir de ses études inter-culturelles, elle a conclu que la structure même de notre personnalité renferme des émotions et des impulsions intenses  qui, si elles ne sont pas canalisées , ritualitées par des processus constructifs que sont les rites de passages, sont projetées dans notre vie quotidienne , avec tous les désordres et dégâts que nous pouvons constater. Les adolescents ne trouvant plus dans des contextes sociologiques  ritualisés les occasions de «  rencontrer «  qui ils sont , de vivre des expériences de dépassement d’eux-mêmes , de transcendance et d’intégration des sentiments, émotions et images négatives  qu’ils portent en eux , vont créer des situations de remplacement , comme les rave-parties –  qui manifestent la recherche d’un dépassement de soi et l’expérience d’états de conscience modifiés dans un cadre social, le groupe. Une autre conséquence est le développement des sectes et le fait qu’elles proposent avec leur cortège d’emprise et de non respect de l’individu, des substituts aux rites de passage en accueillant le postulant , lui promettant une place et des repères. Mais le prix à payer seront son aliénation et non son évolution, sa séparation et son autonomie.

Les crises de notre société sont pour la plupart des rites de passage, ainsi le chômage, le divorce, la naissance, la mort toujours présente et inéluctable, mais comment s’en sortir sans repères, c’est alors que l’on voit des psychologues affirmer que le psychothérapeute, le psychanalyste vont devenir les passeurs , ceux qui permettront à l’individu d’accepter ces changements, ces petites morts , et de continuer à avancer . C’est souvent vrai, mais l’individu reste dans sa sphère personnelle, ne retrouvant pas l’alchimie avec la nature, le monde, l’univers, avec ses rythmes et ses ruptures qui sont aussi les nôtres.

On confond aujourd’hui développement personnel et initiation, l’initiation nous ramène aux grands problèmes humains , elle nous permet de nous confronter aux symboles, aux rites et aux mythes qui sont déjà présents dans la psyché humaine qui va peu à  peu se resouvenir et retrouver le chemin de la libération, mais surtout l’initiation nous apprend qu’il n’y pas de réponses, pas de certitudes, jamais, que nous sommes dans le doute et dans l’espérance, c’est Villiers de l’Isle Adam qui disait : je n’enseigne pas , j’éveille, ainsi en va-t-il des symboles et des rites, ils nous éveillent, nous stimulent, évoquent… Mais jamais l’initiation n’impose, elle donne des outils , outils de construction et de vie, outils d’amour et de rigueur, outils de force et de sagesse.

Claude Darche


Claude Darche, née le 15 juillet 1958 à Saint-Cloud, est une auteur d’ouvrages concernant l’ésotérisme et la franc-maçonnerie. Elle fut grand maître de la Grande Loge féminine de Memphis-Misraïm de 2002 à 2006. Aujourd’hui, elle se consacre à ses domaines de prédilection : le symbolisme du tarot, l’intelligence, intuitive, les phénomènes de synchronicité, le coaching. Elle est membre du comité scientifique du Musée de la franc-maçonnerie.

Sites de Claude Darche

Bibliographie de Claude Darche :

  • Les poèmes de l’île, éditions Saint Germain des Près, 1973
  • Ouvertures, poèmes publiés aux éditions Saint Germain des Prés, 1978
  • Initiation Pratique au Tarot, éditions Dangles, 1992
  • Le Grand Livre des Tarots, éditions Solar, 1993
  • La Pratique du Tarot de Marseille, Éditions du Rocher, 1994
  • Le Grand Livre de l’Astrologie, Éditions Solar, 1995
  • Libérez votre intuition, Éditions du Rocher, 1995
  • La Maîtrise du Tarot de Marseille, Éditions du Rocher, 1997
  • Le Tarot, Voie de l’Amour, Éditions du Rocher, 2000
  • Initiation Pratique au Tarot Égyptien, Éditions Dangles, 2002
  • Le Tarot de Mademoiselle Lenormand, Éditions Dangles, 2003
  • L’Oracle de Belline, Éditions Dangles, 2004
  • Images du Patrimoine Maçonnique, Tome II, Les Hommes, Detrad, 2004
  • Le vade-mecum de l’Apprenti, Dervy, 2006
  • Le vade-mecum du Compagnon, Dervy 2007
  • Le vade-mecum du Maître, Dervy 2008
  • Tarot, outil de développement intérieur, Éditions Dangles, 2008
  • Le vade-mecum des Hauts Grades, Éditions Dervy, 2009
  • Le Tarot divinatoire, Éditions Eyrolles, 2009
  • Développer son intuition, Éditions Eyrolles, 2009
  • Le vade-mecum des Ordres de Sagesse du Rite Français, Dervy, 2011
  • Méditations dans le Temple, Dervy, 2012
  • Femme de Lumière, roman initiatique, Ed du Désir, novembre 2014
  • Le vade-mecum du Second Surveillant, Dervy, 2014

Claude Darche: